L’article est brillamment écrit, la démonstration est savante, mais les postulats de départ sont toujours aussi contestables.
L’Europe en déclin ? C’est une vieille rengaine, presque aussi vieille que la notion d’Europe. L’Europe délocalise, transfert ses technologies, certes. Mais le fait-elle davantage que les Etats-Unis ? Certainement pas, et pourtant on parle beaucoup moins de déclin à leur endroit. La croissance alors ? Celle de l’Europe a beau être faible, tout les pays sont bon an mal an en train de sortir de la récession. Ils avancent moins vite que les autres mais restent devant quand même. La faillite ? On y est pas encore, sauf pour quelques uns (la Grèce, dernièrement) qui auraient déjà plongé depuis longtemps si n’existait pas cette structure supranationale qui s’appelle l’UE et qui préserve quelque temps du hachoir du FMI. Reste ce phénomène regretté par l’auteur : la perte, déjà ancienne, de l’hégémonie. Idéologie purement libérale : le bien, le progrès, c’est d’être le premier et le mal, le déclin, c’est quand on passe dans « le ventre mou du classement », comme disent les commentateurs sportifs. Et le bonheur, dans tout ça ? « Les pauvres vont être contents de savoir qu’ils habitent un pays riche » disait Coluche, bien inspiré. L’hégémonie ne fait certainement pas le bonheur, elle peut nous conduire à notre perte, Thucydide l’a montré depuis assez longtemps.
L’Europe n’a plus de dessein ? En a-t-elle jamais eu ? Les fondateurs d’Etats, les grands colonisateurs, les capitaines d’industrie, les as de la finance n’étaient pas forcément de grands lecteurs. Pour la plupart ils se tapaient comme d’une guigne du destin de leur continent, même si fortune faite on leur dressé des statues et tressé des lauriers. Charlemagne voulait ressuciter l’Empire Romain et il ne savait pas ce que c’était que l’Europe. Colomb voulait bien prendre possession de l’Amérique au nom de n’importe qui pourvu qu’on lui finance son expédition. Les voyages de Cortes et Pizarro étaient des expéditions privées, tout comme le Mayflower était un bateau de réfugiés politiques. Joseph-Marie Jacquard était un autodidacte pensant d’abord à rentabiliser son affaire et Denis Papin est mort dans la misère. Techniquement, les penseurs viennent toujours après les explorateurs, les migrants, les techniciens, les militaires...
La faillite de civilisation ? Comparons 1910 et 2010 : entre-temps nous avons perdu ces brillants éléments de civilisation qu’étaient la peine de mort, les dernières monarchies de droit divin, les dictatures militaires, l’antisémitisme et le racisme d’Etat, les tirs à balles réelles sur des manifestations pacifiques, la femme privée de de ses droits les plus élémentaires, le travail des enfants...j’en passe et des meilleures. Dans ces conditions je veux bien faire faillite plus souvent.
L’Europe n’a pas d’identité économique ? Je veux bien l’admettre, mais à ce moment-là personne n’en a. Bien sûr il n’y a pas de grands choix dignes des plans quiquennaux staliniens, mais qui s’en plaindra ? Personnellement, le fait de savoir que nous avons préservé la sécurité alimentaire du continent avec la PAC alors qu’au Brésil on préfère cultiver de quoi faire rouler les bagnoles plutôt que de quoi nourrir les pauvres, ça me va. Le fait de constater qu’on essaye d’imposer des normes écologiques à nos industries alors qu’en Chine on veut bien mourir empoisonné par l’air ambiant pourvu que ça crée de la croissance, ça me va aussi. Faites donc le tour de la question et vous verrez que l’UE est en vérité la première source de normes économiques dans le monde, et que par son statut de premier importateur de la planète, les règles qu’elle édicte s’appliquent en fait bien au-delà de ses frontières.
A mon avis le problème de l’Europe vient plus de phrases comme celles-ci : "De toutes façons, le système technologique ne produit plus de
nouveautés et va vers une convergence mondiale. Le progrès est achevé,
fini, terminé.« Jusqu’à XIXe siècle, tout le monde croyait la même chose sauf les Européens. Aujourd’hui personne ne pense cela sauf les Européens. Une troisième ou quatrième révolution industrielle (selon le décompte) est actuellement en cours (technologies bio, nano, quantiques etc.) mais nous autres Européens y sommes tellement habitués que nous ne nous en rendons même plus compte. Nous nous sommes enfermés dans cette idée que nous sommes arrivés les premiers, que la course est terminée et que les autres qui poussent derrière ne sont que des jaloux qui veulent nous piquer notre place, à commencer par les immigrés accusés partout d’être des profiteurs alors qu’ils sont la condition de notre mode de vie. Nous n’avons pas compris que pendant que nous nous reposons sur nos »acquis" (économiques, sociaux etc.) l’histoire continue et qu’elle ne se répète pas toujours.
10/01 16:28 - Geneste
06/01 13:51 - perlseb
@ Marc Gelone J’ai peur d’avoir déniché un bisounours... Qu’est-ce (...)
06/01 07:34 - frédéric lyon
Ce n’est pas l’Europe qui decline , c’est les autres qui accelerent ... (...)
06/01 00:25 - Junior M
Je suis parfaitement d’accord, mon commentaire est purement scientifique et il (...)
05/01 23:46 - letuyauteur
Ce n’est pas l’Europe qui decline , c’est les autres qui accelerent (...)
05/01 23:23 - Christian Delarue
L’Europe contre les migrants d’un côté, l’Europe des libéralisations à tout (...)
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