• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile

Accueil du site > Actualités > Société > L’Europe déclinante décrite par un intellectuel du passé

L’Europe déclinante décrite par un intellectuel du passé

L’Europe décline raconte Eric le Boucher dans une chronique enrichie d’événements et de faits d’actualité significatif concernant l’économie. Et en effet, les nouvelles, mauvaises chez nous mais heureuses pour d’autres, s’accumulent. Deux exemples hautement symboliques. Volvo, réputé pour sa fiabilité, très prisé par les bons pères de famille ayant réussi, est racheté par un constructeur chinois. Et Le Boucher de préciser que le pays des voitures pas sûres s’offre la sécurité suédoise. Un détail déplacé, faussement moraliste, qui n’a pas lieu d’être lorsqu’on cause affaire. Le capitalisme est en dehors de la morale dit avec force démonstration André Comte-Sponville. Bref, le succès de l’Asie déboussole nos meilleurs analystes. Et si McDo achetait le Fouquet’s, cela ferait jaser mais ce ne serait pas contraire à la loi du marché. Une loi terrible que vient de subir la France et son fleuron technologique Areva, devancé par les Coréens (en fait, un consortium américano-coréen, oublie de préciser l’auteur) pour livrer des centrales nucléaires à Abou Dhabi. Comme toujours en pareille situation, il faut trouver des explications, chercher quelques coupables, comme quand une tribune vient de s’effondrer. Sont-ce les tergiversations entre Suez, EDF et Areva, ou alors un surcoût rendant très concurrentiel les Coréens ? Peu importe, le fait est que nous vivons dans un environnement soumis à la concurrence et que, en paraphrasant Churchill, le libre échange est le pire des systèmes à l’exclusion de tous les autres. Pour le dire autrement, le protectionnisme n’a jamais créé de prospérité matérielle globale.

L’Europe décline. Voilà un constat un peu lapidaire. Sauf si on jauge un continent à l’aune des parts de marchés qu’il remporte. Au risque de tomber dans le piège de l’économisme et de faire des productions matérielles la valeur suprême. Cela dit, ne feignons pas l’étonnement, nous ne sommes que d’impuissantes chouettes de Minerve survolant le cours du monde et constatant le virage pris depuis des décennies. L’économie (avec la technologie) est la valeur dominante. Et comme lors des époques précédentes, les gouvernants et les conseillers du prince imaginent qu’en réglant les questions économiques, tout ira dans le bon sens. Selon Le Boucher, l’Europe rate un tournant historique. Verdict exprimant bien le caractère suprême de la marchandise au tournant du 21ème siècle. Diagnostic selon le chroniqueur de Slate, l’Europe n’a pas su vendre ses innovations. Et le remède, tout placer sous la gouvernance de l’efficacité, la concurrence, la performance, que ce soit nos industries ou nos universités. Avant, l’Histoire était faite par les généraux. Un maréchal perdant une bataille était destitué. En 2010, c’est Anne Lauvergeon qui risque d’être débarquée pour la défaite d’Abou Dhabi.

Que peut faire l’Europe ? Elle aurait pu s’imposer comme en pointe dans la lutte contre le réchauffement mais elle a perdu une autre bataille, à Copenhague, dixit Le Boucher. Mais sans se faire l’avocat du diable, ces manœuvres européennes, dirigées par Sarkozy, notre Napoléon de la taxe carbone, n’avaient-elle pas un objectif caché, celui de limiter la concurrence des pays émergés comme la Chine et l’Inde et de sauver quelques pans de son économie en jouant de règles industrielles contraignantes que n’importe quel libéral comprend comme une forme de protectionnisme. Faute d’être concurrentielle dans l’innovation, l’Europe innove dans la réglementation et la bureaucratie. C’est peut-être là aussi un des ressorts de son déclin.

Mais l’Europe n’a peut-être pas tiré l’enseignement de son Histoire. Le monde contemporain et notamment son développement technique, est né de la Modernité puis des prouesses scientifiques et industrielles. La technique est universelle, autant sinon plus que le genre humain. Rien d’étonnant à ce que les Chinois, les Coréens, les Brésiliens, les Indiens, et pourquoi pas les Africains, puissent exceller dans ce registre. La solvabilité est limitée comme les ressources. Or, dans ce contexte, le potentiel industriel planétaire a dépassé les capacités d’absorption de la demande et les moins chers se développent dans le marché concurrentiel, sauf quand la concurrence est faussée ou bien inopérante. Si bien qu’en se mondialisant, l’économie redistribue les parts de marché parmi les opérateurs que sont les PME, les multinationales, les nations, les continents. On peut toujours rêver d’innover pour s’emparer du marché, il n’est pas certain que ça puisse réussir et d’ailleurs, pourquoi assigner comme destin à l’Europe celui de concurrencer les autres continents. Sommes-nous condamnés à accepter cet horizon « économistes » comme le seul et unique méritant la mobilisation des experts et des gouvernants, autant que la volontaire soumission des peuples ?

La situation est claire. Les Allemands ont inventé le krautrock mais Jean-Michel Jarre a su utiliser le genre et faire un chiffre d’affaire sans commune mesure avec les Can, Schulze et autre Tangerine Dream. En matière de production et de technologie, les Occidentaux ont initié le processus et maintenant, les Chinois savent faire aussi bien mais ils sont moins chers. L’Europe perd son hégémonie économique. Elle l’avait déjà perdue en 1940, puis en dépit d’un rattrapage éclatant, elle a repris du retard face aux Etats-Unis dans les années 1990. L’euro n’a rien plus faire face au dollar. L’Europe a décliné depuis deux décennies. Elle n’a pas trouvé son dessein et reste inféodée à cette idéologie de la technologie, de la croissance. L’Europe est comme le reste du monde, piégée par la religion de l’économie. Elle ne peut pas s’effondrer mais elle ne peut pas gagner. Le propos de Le Boucher n’a qu’un seul décryptage. L’Europe ne peut que limiter la casse et les pertes de parts de marché. De toutes façons, le système technologique ne produit plus de nouveautés et va vers une convergence mondiale. Le progrès est achevé, fini, terminé.

Un autre monde s’inventera. Lorsque les hommes abandonneront cette religion de l’économie et ces fétichismes de l’argent, de la technologie, de la fébrilité activiste. Quant au déclin de l’Europe, il est peut-être pire que ce que pense Le Boucher. Les valeurs se délitent et l’Europe est en faillite de civilisation. Quand il se produit une faillite, c’est qu’il y a eu mauvaise gestion et pillage dans la caisse. L’Histoire saura juger ces élites, ces directeurs, ces intellectuels, ces managers qui se sont servi sans rendre en échange un service égal au fric qu’ils se sont mis dans les poches. Je ne cite personne, ce serait injuste de livrer quelques noms alors que la liste est interminable. La Justice reconnaîtra les siens !!!

Pour clore cette question, on aura entendu un chroniqueur de France Inter reprendre les faits mis en exergue par Le Boucher, notamment l’affaire des centrales et Volvo, pour rappeler les engagements pris à Lisbonne, l’économie de la connaissance, etc. Et puis en 2010, cette lancinante interrogation qui taraude tous les européistes et autres dévots de l’euro technologie, qu’en est-il de l’identité économique de l’Europe ? Voilà une question qui tue ! Comme si le dessein de l’Europe se réduisait à concurrencer les industries chinoises. Quant à cette Europe éthique qui cherche ses racines perdues dans la morale climatique et sanitaire, autant dire qu’elle se trompe de dessein, oubliant ses origines humanistes. L’Europe ne sait plus quel est son projet mais a-t-elle encore des penseurs comme ceux qui ont propulsé cette civilisation occidentale au sommet des aventures humaines, non sans quelques tragédies ?


Moyenne des avis sur cet article :  3.96/5   (23 votes)




Réagissez à l'article

17 réactions à cet article    


  • perlseb 5 janvier 2010 16:33

    Pour attendre le sommet de l’aventure humaine, il a fallu de l’audace, une absolue confiance, de l’arrogance et une absence à peu près totale de scrupules dans la poursuite du but à atteindre. C’est-à-dire tout le contraire du bisounoursisme actuel

    C’est drôle mais quand je vois l’ancien patron de Carrefour partir en 2005 avec 38 millions d’euros, soit une prime équivalant à 350 années du salaire d’une caissière, j’ai l’impression que l’audace, la confiance absolue et l’absence totale de scrupules n’a jamais été aussi élevée. On peut aussi parler des banquiers et de leur bonus sur les dos des contribulables.

    Non, vraiment, ce n’est pas l’audace qu’il faut pour réussir mais l’intelligence, l’éducation. Mais dans une société décadente comme l’Europe ou les USA, ceux qui font des études gagnent maintenant beaucoup moins que ceux qui chantent, jouent des films ou font du sport. Bien sûr tout le monde ne réussit pas dans les médias, mais on ne montre que ceux qui réussissent aux jeunes. Les professeurs sont des ratés pour les jeunes, et on ne peut pas montrer la voie quand on est un raté pour les autres. Les médias ont réussi à imposer l’idiocratie.


  • Christian Delarue Christian Delarue 5 janvier 2010 21:57

    Une Europe qui vole les prolétaires et qui donnent au riches à ce point à besoin de faire diversion sur les minarets. Mais cela ne dure qu’un temps. Ce qui décline en Europe ce n’est pas Eric Le Boucher qui va nous le dire trop soucieux de rester dans l’entre-deux MODEM-PS pour que le déclassement perdure et que les riches s’nerichissent.


  • perlseb 6 janvier 2010 13:51

    @ Marc Gelone

    J’ai peur d’avoir déniché un bisounours...

    Qu’est-ce qu’une civilisation ? N’est-ce pas un ensemble de personnes qui évoluent dans le temps avec une culture commune ?

    Ce que j’explique, c’est que les gens qui « réussissent » dans notre société, les modèles pour les jeunes qui croient comprendre que l’argent achète tout, en gros ceux qui gagnent beaucoup, sont des gens qui n’ont plus aucun mérite (mais beaucoup d’audace, d’assurance, d’arrogance : il n’y a qu’à voir comment les chanteurs/danseurs s’y croient devant une caméra, et pourtant, franchement, ils sont pitoyables dans leur numéro de mendicité). Si le mérite n’existe plus, alors plus personne ne peut être motivé pour l’intérérêt général (la motiviation est purement égoïste et cherche à imiter les vices de la hiérarchie) : c’est la décadence globale. Une société prospère ne peut pas être une assemblage de personnes qui ne cherchent qu’à profiter des autres en n’en faisant le moins possible.

    Dans des civilisations hautement hiérarchiques comme la notre, l’immoralité de la hiérarchie (et nous atteignons aujourd’hui des sommets dignes de la décadence de l’empire romain) entraine l’ensemble des personnes dans la décadence, comme par mimétisme. L’homme est l’animal qui imite le plus.

    Dans toute civilisation, le choix des modèles est primordial pour le long terme. Il faut croire que les médias, très influents, ont choisi les pires.


  • Marc Viot Marc Viot 5 janvier 2010 11:11

    Pour moi, les valeurs de l’Europe sont d’être un lieu où les idées se confrontent et s’apprivoisent.

    Si l’europe s’interroge sur le chemin à prendre c’est qu’elle est un carrefour des cultures et qu’à l’heure actuelle aucune piste clair ne se dégage, si ce n’est la multiplicité des approches.

    En fait, à travers l’Europe qui semble décliner : c’est l’humanité qui se cherche.


    • Marc Viot Marc Viot 5 janvier 2010 11:32

      Je reconnais aussi que j’ai une approche assez ego/ethnocentriste smiley


    • sheeldon 5 janvier 2010 12:36

      bonjour

      l’europe est exactement là ou elle doit être , un vassal des usa , ceci sera conforté avec l’accord de libre échange , qui enfin officialisera notre soumission .

      cette europe de la finance , car ce n’est rien d’autre cette europe , a réussit a faire baissé les salaires , les standards sociaux , c’est une parfaite réussite ( l’europe sociale n’aura pas lieu raison d’agir ou l’intégration européenne d’annie lacroix ruiz , mais aussi de nombreux articles dans la presse anglaise ( ils ont encore une presse eux ! ) , sur monet et schumann par exemple le démontre ) .

      en france sarkozy est un exemple forcené de la mise sous tutelle de la france , l’entrée dans le commandement intégré de l’otan étant une preuve suffisante pour moi .

      quand on comprend que l’europe est aux « ordres » on comprend dessuite beaucoup mieux ses décisions de politique internationale ou économique , nous ne défendons plus nos intérêts d’ailleurs comment cela pourrait être possible avec autant d’intérêts divergents ? les anglais ou les polonais n’ont pas les mêmes intérêts que nous français , et je n’y vois rien a redire c’est normal .

      mort a cette entité de banquiers véreux , nellie croze ou barosso sur un pic mare de ces TRAITRES et je pèse mes mots .

      je ne suis pas nationaliste et je suis contre les frontières , orwell d’ailleurs dans a ma guise s’étonne de cette socièté moderne qui interdit aux hommes de voyager librement , mais je suis contre les entités supranationales qui sont des monstres a broyé les nations pour la plus grande joie des transnationales .

      en ce qui concerne le boucher ; comment dire les propos et les thèses de se propagandiste ne m’intéressent guère .

      http://www.acrimed.org/mot673.html

      cordialement

      cordialement


      • M.Junior Junior M 5 janvier 2010 14:28

        De 1998 à 2004, les scientifiques (Klein, Lebraty, Pastorelli, Endsley) ont réalisé une étude sur la compréhension des mécanismes décisionnels ou comment nous prenons toutes nos décisions dans un contexte d’urgence, risquée et complexe.

        Ces informations nous permettent de savoir comment fonctionne un expert dans sa prise de décision et non comment fonctionner.

        Attention à la fonction copier-coller

        Les décisions des plus expérimentées se traduisent le plus souvent par l’évaluation d’une seule solution potentielle contrairement aux moins expérimentées.

        Face à différentes situations, l’expert :


        - Comparaison instinctive de la situation avec ce qu’il a déjà vécu et appris auparavant (nos résistances instinctives au changement ?).

        - Vérification de l’application de la solution au nouveau cas
        En cas d’inapplication de la solution
        - Recherche d’une nouvelle solution
        - Simulation mentale de l’application de la solution.
        - Mise en oeuvre

        Conclusion erronée
        L’expert en situation d’urgence, risquée et complexe apporte des propositions et des analyses de solution potentielle au lieu d’améliorer sa compréhension de la situation et de comparer les options.

        Pourquoi ?
        Clic clic

        • Christian Delarue Christian Delarue 5 janvier 2010 23:12

          JUNIOR
          Je comprends que tu n’apprécie pas mon langage néomarxiste. Sans vouloir te vexer le tien semble technocratique. Le pouvoir de l’expertise n’est ni neutre, ni transparent.


        • M.Junior Junior M 6 janvier 2010 00:25

          Je suis parfaitement d’accord, mon commentaire est purement scientifique et il n’est pas à portée de tout le monde. Je te rassure si j’avais dû écrire un article sur le sujet de la prise de décision, je l’aurais transformé pour communiquer plus simplement avec le plus grand nombre mais là ce n’était pas mon objectif juste un supplément d’information à cet article qui nous est donné à lire.

          Je te remercie de ton conseil. Toutes les vérités sont bonnes à dire quand elles peuvent être entendues.


        • iris 5 janvier 2010 15:20

          on a mis au panthéon les vendeurs qui gagnent plus que penseurs chercheurs intello etcc
          alors l’occident a ce qu’il mérite


          • perlseb 5 janvier 2010 16:55

            Tout à fait. Si une société favorise l’absence totale de scrupules, si on se fait plus d’argent en vendant le plus cher possible de la merde avec quelques vendeurs prêts à se prostituer plutôt qu’en essayant de faire quelque chose de réellement novateur ou de bonne qualité, si la publicité compte plus que la recherche/développement alors nous avons la décadence que nous méritons.

            Tout le monde prend tout le monde pour des cons, et à la fin, on finit par être tous cons pour de bon.

            La publicité se développe de plus en plus, parallèlement à la saturation des besoins. Pour une personne instruite (qui sait chercher selon ses besoins, selon les caractéristiques qu’elle souhaite), la publicité ne sert à rien (on pourrait en dire autant sur les commerciaux qui mentent presque tout le temps pour vendre). Alors, oui : les gens aiment être pris pour des cons et ne veulent pas s’informer objectivement comme une personne instruite est censée le faire.


          • Senatus populusque (Courouve) Senatus populusque 5 janvier 2010 15:40

            Humain, trop humain. Un livre pour les esprits libres (1878) :
            V , § 265 : La raison à l’école. C’est la raison à l’école qui a fait de l’Europe l’Europe : au Moyen-Âge elle était sur le chemin de redevenir une province et une annexe de l’Asie, – et donc de perdre le sens de la science dont elle était redevable aux Grecs.
            VIII, § 475 « L’homme européen et la destruction des nations » : faire de la mission et de l’histoire de l’Europe la continuation de celles de la Grèce. (Nietzsche)


            • beubeuh 5 janvier 2010 17:16

              L’article est brillamment écrit, la démonstration est savante, mais les postulats de départ sont toujours aussi contestables.
              L’Europe en déclin ? C’est une vieille rengaine, presque aussi vieille que la notion d’Europe. L’Europe délocalise, transfert ses technologies, certes. Mais le fait-elle davantage que les Etats-Unis ? Certainement pas, et pourtant on parle beaucoup moins de déclin à leur endroit. La croissance alors ? Celle de l’Europe a beau être faible, tout les pays sont bon an mal an en train de sortir de la récession. Ils avancent moins vite que les autres mais restent devant quand même. La faillite ? On y est pas encore, sauf pour quelques uns (la Grèce, dernièrement) qui auraient déjà plongé depuis longtemps si n’existait pas cette structure supranationale qui s’appelle l’UE et qui préserve quelque temps du hachoir du FMI. Reste ce phénomène regretté par l’auteur : la perte, déjà ancienne, de l’hégémonie. Idéologie purement libérale : le bien, le progrès, c’est d’être le premier et le mal, le déclin, c’est quand on passe dans « le ventre mou du classement », comme disent les commentateurs sportifs. Et le bonheur, dans tout ça ? « Les pauvres vont être contents de savoir qu’ils habitent un pays riche » disait Coluche, bien inspiré. L’hégémonie ne fait certainement pas le bonheur, elle peut nous conduire à notre perte, Thucydide l’a montré depuis assez longtemps.
              L’Europe n’a plus de dessein ? En a-t-elle jamais eu ? Les fondateurs d’Etats, les grands colonisateurs, les capitaines d’industrie, les as de la finance n’étaient pas forcément de grands lecteurs. Pour la plupart ils se tapaient comme d’une guigne du destin de leur continent, même si fortune faite on leur dressé des statues et tressé des lauriers. Charlemagne voulait ressuciter l’Empire Romain et il ne savait pas ce que c’était que l’Europe. Colomb voulait bien prendre possession de l’Amérique au nom de n’importe qui pourvu qu’on lui finance son expédition. Les voyages de Cortes et Pizarro étaient des expéditions privées, tout comme le Mayflower était un bateau de réfugiés politiques. Joseph-Marie Jacquard était un autodidacte pensant d’abord à rentabiliser son affaire et Denis Papin est mort dans la misère. Techniquement, les penseurs viennent toujours après les explorateurs, les migrants, les techniciens, les militaires...
              La faillite de civilisation ? Comparons 1910 et 2010 : entre-temps nous avons perdu ces brillants éléments de civilisation qu’étaient la peine de mort, les dernières monarchies de droit divin, les dictatures militaires, l’antisémitisme et le racisme d’Etat, les tirs à balles réelles sur des manifestations pacifiques, la femme privée de de ses droits les plus élémentaires, le travail des enfants...j’en passe et des meilleures. Dans ces conditions je veux bien faire faillite plus souvent.
              L’Europe n’a pas d’identité économique ? Je veux bien l’admettre, mais à ce moment-là personne n’en a. Bien sûr il n’y a pas de grands choix dignes des plans quiquennaux staliniens, mais qui s’en plaindra ? Personnellement, le fait de savoir que nous avons préservé la sécurité alimentaire du continent avec la PAC alors qu’au Brésil on préfère cultiver de quoi faire rouler les bagnoles plutôt que de quoi nourrir les pauvres, ça me va. Le fait de constater qu’on essaye d’imposer des normes écologiques à nos industries alors qu’en Chine on veut bien mourir empoisonné par l’air ambiant pourvu que ça crée de la croissance, ça me va aussi. Faites donc le tour de la question et vous verrez que l’UE est en vérité la première source de normes économiques dans le monde, et que par son statut de premier importateur de la planète, les règles qu’elle édicte s’appliquent en fait bien au-delà de ses frontières.

              A mon avis le problème de l’Europe vient plus de phrases comme celles-ci : "De toutes façons, le système technologique ne produit plus de nouveautés et va vers une convergence mondiale. Le progrès est achevé, fini, terminé.« Jusqu’à XIXe siècle, tout le monde croyait la même chose sauf les Européens. Aujourd’hui personne ne pense cela sauf les Européens. Une troisième ou quatrième révolution industrielle (selon le décompte) est actuellement en cours (technologies bio, nano, quantiques etc.) mais nous autres Européens y sommes tellement habitués que nous ne nous en rendons même plus compte. Nous nous sommes enfermés dans cette idée que nous sommes arrivés les premiers, que la course est terminée et que les autres qui poussent derrière ne sont que des jaloux qui veulent nous piquer notre place, à commencer par les immigrés accusés partout d’être des profiteurs alors qu’ils sont la condition de notre mode de vie. Nous n’avons pas compris que pendant que nous nous reposons sur nos »acquis" (économiques, sociaux etc.) l’histoire continue et qu’elle ne se répète pas toujours.


              • Christian Delarue Christian Delarue 5 janvier 2010 23:23

                L’Europe contre les migrants d’un côté, l’Europe des libéralisations à tout crin de l’autre. Le résumé cynique d’une Europe pour le fric accumulé par certains et des humains déshumanisés de l’autre côté. Le peuple-classe trinque dans tous les pays, l’oligarchie financière et les propriétaires du capital ramassent pour eux les surprofits.

                Le problème est qu’il n’y a que le marché pour régulation depuis le début. Et qu’au marché on a ajouté les élections européennes largement pour le fun démocratique mais qu’en même temps et surtoput on a libéralisé, marchandisé encore plus. Même la banque européenne n’a pas de capacité politico-économique de régulation.

                Acte unique européen 86, Maastricht, Amsterdam et la suite , tout est à reprendre de fond en comble !!!


                • letuyauteur 5 janvier 2010 23:46

                  Ce n’est pas l’Europe qui decline , c’est les autres qui accelerent ...



                  • frédéric lyon 6 janvier 2010 07:34

                    Ce n’est pas l’Europe qui decline , c’est les autres qui accelerent ...

                    .....................

                    En effet, et ce n’est pas bien grave, car ceux qui accélèrent, c’est à dire les Asiatiques, le font en copiant largement le modèle libéral occidental.

                    Il ne reste plus à la Chine qu’à procéder à la libéralisation politique, après qu’elle ait procédé à la libéralisation économique sous la direction de Den Xiao Ping, et elle ressemblera bientôt au Japon ou à Taiwan.

                    Pas de quoi fouetter un chat !

                    • Geneste 10 janvier 2010 16:28

                      Excellent article, merci.

Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON







Palmarès