L’excellent livre de l’Historien Shlomo SAND a maintenant été publié aux USA. Le journal Suisse letemps.ch a publié récemment un article intéressant sur ce sujet.
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Luis Lema New York
Les moissons dans un kibboutz ultraorthodoxes. (Menahem-Kahana)
La traduction anglaise du livre de Shlomo Sand, « L’invention du peuple juif », est accueillie aux Etats-Unis par des critiques parfois paradoxales
Les liensLa formule, d’abord utilisée par l’historien américain Walter Laqueur, avait fait les délices de tous ceux qui raillaient à l’époque « les nouveaux historiens » israéliens : « Ce qu’ils disent de vrai n’est pas nouveau. Et ce qu’ils disent de nouveau n’est pas vrai. » Ce type de sarcasmes et la poursuite incessante de la violence dans la région ont fini par faire leur chemin : le mouvement des « nouveaux historiens », qui s’était donné pour tâche de débarrasser de ses mythes le récit officiel du sionisme et de la création d’Israël, n’a pratiquement plus aucun représentant aujourd’hui au sein de l’Etat hébreu.
Mais un autre historien, Shlomo Sand, a pris à lui tout seul la place laissée vacante. Son livre (Comment le peuple juif fut inventé, Fayard, 2008) est rapidement devenu un phénomène éditorial en Israël et dans sa traduction française. Il vient de paraître en anglais sous un titre plus direct : L’Invention du peuple juif. Et le débat qui monte aux Etats-Unis montre combien la thèse qu’il défend est explosive, certains appelant déjà à la rescousse la formule de Laqueur.
Rien de neuf, vraiment ? En très schématique, Shlomo Sand – qui avoue lui-même s’être en grande partie contenté de puiser au sein de sources déjà existantes – s’érige contre l’idée de l’existence d’un peuple juif actuel qui serait le descendant direct des juifs dispersés après la destruction du Deuxième Temple par les Romains. Le brassage des populations et des vastes mouvements de conversion au judaïsme sont passés par là, affirme-t-il en substance. Comme celui qui a affecté l’empire asiatique des Khazars, dont les souverains turco-bulgares ont adopté cette religion entre le VIIIe et le Xe siècle. Bref : l’identité juive est en grande partie une construction idéologique découlant des nationalismes du XIXe siècle. Le peuple juif est une invention. Comme tous les autres.
Cette thèse, si elle était avérée, aurait bien sûr de quoi faire trembler sur ses bases « l’Etat juif » et certains de ses attributs, comme « le droit au retour » automatique pour chacun de ses membres, fussent-ils exilés depuis 2000 ans et établis à Manhattan. Shlomo Sand ne prône pas la disparition de l’Etat d’Israël (il est lui-même Israélien), mais il défend ardemment l’idée d’un Etat démocratique qui accueillerait pleinement « le peuple israélien » dans son ensemble, y compris sa minorité arabe et/ou musulmane.
Dans une critique polie mais sévère, le New York Times a été le premier à donner le ton aux Etats-Unis. Shlomo Sand, disait la journaliste Patricia Cohen, ne fait que s’appuyer sur le travail des historiens sionistes qu’il critique par ailleurs pour avoir soi-disant camouflé la vérité. L’historien réarrange les données disponibles pour formuler son propre agenda.
Au passage, cependant, la critique demande l’avis d’une série de spécialistes juifs américains. Et leurs conclusions semblent accréditer en bonne partie les thèses défendues par Sand. L’expulsion massive des juifs après la destruction du Temple ? Elle est fortement remise en question. La possibilité que les Palestiniens soient par conséquent les descendants lointains des Juifs restés dans la région ? « Elle paraît raisonnable », note Harry Ostrer, directeur du Programme de génétique humaine à la New York University. Le processus de conversions massives au judaïsme, à l’œuvre pendant des siècles en Europe et dans le nord de l’Afrique ? Admis par Lawrence Schiffman, président du Département d’Etudes hébraïques de la même université.
Ces relatives confirmations scientifiques (elles ne sont pas complètes : des historiens mettent aussi parfois en avant une très grande homogénéité génétique des populations juives et remettent fortement en question l’origine khazare des Ashkénazes avancée par Sand) ne suffisent pas à calmer les esprits. Le magazine progressiste Forward évoque ainsi « le scandale de ce long laïus anti-sioniste » qui « donne des armes aux ennemis de son peuple ». Même son de cloche chez Jeffrey Goldberg, un autre analyste très écouté aux Etats-Unis : « Sand est tout heureux d’offrir les pires théories de la conspiration à propos des juifs. » Ou encore chez Ralph Selinger, qui milite au sein de Meretz USA, la gauche américaine sioniste : « Sand est engagé dans un combat idéologique et provocateur. »
Shlomo Sand ne fait-il que caricaturer l’état du débat au sein du monde juif pour mieux s’y opposer et apparaître ainsi comme le découvreur de réalités scientifiques établies depuis longtemps ? Le débat soulevé aux Etats-Unis revêt une importance toute particulière. D’abord parce que c’est ici que se trouvent les meilleurs spécialistes de la question. Mais surtout, parce que, à l’heure où des brèches semblent s’ouvrir au sein de la communauté juive américaine sur son soutien inconditionnel à la politique d’Israël, l’acceptation des thèses défendues par Sand pourrait avoir de grandes conséquences sur la manière dont les juifs américains se perçoivent eux-mêmes (lire l’article de Tony Judt ci-dessous).
La polémique, en tout cas, est loin de se résumer à une querelle d’historiens. Même si les critiques du livre semblent l’ignorer, la question est encore au centre de l’image que les responsables israéliens veulent projeter de l’Etat hébreu, ajoutant constamment une légitimité divine à un processus historique dont ils passent sous silence la complexité.
Voici ce qu’en disait il y a quelques jours Michael Oren, l’ambassadeur d’Israël aux Etats-Unis, s’adressant à un cercle juif conservateur américain : « La foi a permis à un petit groupe de nomades de survivre à 3000 ans d’histoire, en dépit des expulsions, des inquisitions et des massacres, avant que lui soit donnée une terre pour réaliser sa destinée nationale. » L’exact contraire de la thèse défendue par Sand.
10/01 04:19 - Traroth
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09/01 19:19 - Pierre93
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09/01 16:30 - unpassant
« 1) on peut être Juif et athée » Décidément on aura tout vu !!! A quand les synagogues pour (...)
09/01 15:15 - Paradisial
Les néo-cons, les évangélistes alliés judaïophobes des sionistes, les sionistes eux-mêmes (...)
09/01 14:57 - Ali
@ l’auteur méfiez vous des chasseurs de têtes veillent sur Agoravox on m’a menacé (...)
09/01 11:16 - Shaytan666
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