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Commentaire de Junior M

sur Fadela Amara veut nettoyer au Kärcher


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M.Junior Junior M 11 janvier 2010 16:21

Monsieur le Président de la République,

Je vous fais une lettre pour solliciter la grâce pour les mineurs incarcérés suite aux violences urbaines survenues dans notre pays en novembre dernier.

Monsieur le Président, ce n’est pas faire injure au travail de la justice, à celui de la police, ni à la loi que de demander un geste de réconciliation. Après la sanction, le temps de l’analyse, de la compréhension et de la main-tendue est venu. La force juste de la loi s’impose lorsque l’on a affaire à des actes qui contreviennent aux règles de la République. Mais pouvons nous résumer les émeutes de novembre à la révolte d’une minorité agissante et délinquante ? Non, c’est un appel qui nous est lancé !

Monsieur le Président, d’aucuns sait que la révolte était latente, en germe, qu’elle grondait dans nos quartiers depuis des années. Mais jamais elle n’aurait été si violente, jamais elle n’aurait causé autant de dégâts, jamais elle n’aurait poussé ces jeunes à se rendre coupables de tels actes sans la mort de deux jeunes garçons. Contenue depuis si longtemps, la révolte est devenue incontrôlable.

Notre jeunesse depuis longtemps se trouve réduite à la loi du silence, écrasée sous le poids des discriminations, épuisée de lutter pour être reconnue, prête à détruire le peu qu’elle a pour se faire entendre. Une jeunesse livrée à elle-même, abandonnée, se créant ses propres règles, allant parfois jusqu’à piétiner les lois… Lorsque l’horizon n’offre de perspectives qu’entre les murs de la cité, le désert des quartiers laisse le champ libre aux pires prophètes, ceux qui se jouent de la misère pour diffuser leurs messages contraires aux valeurs républicaines. Une situation que Ni Putes Ni Soumises n’a cessé de dénoncer depuis la Marche des femmes contre les ghettos et pour l’égalité de 2003.

Cependant les moyens d’expression de cette révolte ont laissé un sentiment d’incompréhension et de ras-le-bol auprès de nos concitoyens.

Parce que brûler la voiture de son voisin qui subit au quotidien la même misère sociale, c’est l’enfoncer encore un peu plus dans le marasme du surendettement et de la survie. Parce que détruire une entreprise, c’est mettre ses salariés au chômage technique et réduire un peu plus leur chance de sortir la tête de l’eau. Parce que mettre le feu à son quartier, c’est prendre le risque qu’il reste identifié comme une zone de non- droit et que la porte de sortie se referme encore un peu plus sur ses habitants. Enfin, parce que brûler les écoles, c’est compromettre définitivement l’émancipation et mettre en danger le vivre ensemble. Ce sentiment d’incompréhension élargit encore le fossé qui sépare notre jeunesse de ses voisins, de ses concitoyens. D’un côté des familles qui triment, des ouvriers qui bossent dur, des profs accablés, des économies parties en fumée ; de l’autre des jeunes sans espoir, fatigués de galérer en bas d’une barre HLM.

A trop vouloir reporter le traitement de la question des banlieues, nous venons d’assister à l’effet dévastateur maintes fois annoncé. Il faut s’atteler à la résolution des problèmes, ne pas reporter encore le traitement des questions, ne pas abandonner. La prison ne pourra que conforter les mineurs dans le sentiment d’exclusion dont est empreinte une partie de la jeunesse. Dans ces conditions, plus que jamais la punition à elle seule ne sert à rien, sauf à apaiser la conscience collective, elle ne résout pas les problèmes, elle ne fait que retarder l’échéance de leur résolution. Sans pédagogie, sans éducation, la sanction est privée de toute portée, de tout effet à long terme. Seules des mesures éducatives, alternatives pourront être utiles, utiles à ces jeunes car elles permettront aux auteurs de violences de prendre la mesure de leurs actes et de se réapproprier leurs droits et devoirs de citoyens.

Aussi Monsieur le Président, au nom du combat que je mène au quotidien, avec tant d’autres, j’ose espérer que ma demande de grâce, en faveur de ces enfants de la République trouvera auprès de vous un écho favorable.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’expression de ma très haute considération.

Fadela AMARA 2005


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