Bonjour
Damien,
Vous
annoncez une « synthèse » des arguments présentés à la suite de votre
dernier article ; il s’agit davantage d’une reformulation des vôtres ;
mais peu importe, c’est votre article et pas le mien…
Je
vous ferai donc l’économie de la reformulation des arguments que je vous avais
opposé pour vous dire mon opposition à votre velléité d’interdire le port du
voile intégral dans la rue, car c’est bien de cela qu’il est, in fine, question
– tout le monde, absolument tout le monde, est d’accord sur la dimension
sécuritaire (banques, écoles, etc.) et il n’y a absolument pas besoin d’une loi
pour cela -.
Par
contre vous ajoutez un nouvel argument (ou disons, à tout le moins, que je n’avais
pas identifié que vous l’aviez mobilisé dans votre papier précédent) : Pour finir, dites-vous, rappelons que
le même débat avec les mêmes arguments a eu lieu lors de la question du voile
dans l’école publique, et qu’aujourd’hui plus personne ne se pose la question.
Je
regrette, Damien, mais c’est faux, tout simplement faux.
La question
qui était posée était celle de l’interdiction du port des signes religieux
visibles (et pas seulement le voile) dans les établissements de l’enseignement
public primaire et secondaire.
Mais
bon, reconnaissons que même si le problème avait été identifié et soulevé par
le mouvement laïque dès l’adoption de la loi Jospin – qui a créé la faille dans
le dispositif - le fait déclencheur, à l’échelle de l’opinion publique, a bel
et bien été le port du voile : les collégiennes de Creil, il y a vingt ans
déjà.
Je
ne vais pas vous refaire toute l’histoire mais si il est vrai que pour certains
le même argument du risque de stigmatisation des populations d’origine
musulmane était mobilisé, le mouvement laïque, pour ses principaux porte-parole
(libre pensée, union rationaliste) était bel et bien partisan du retour (car il
s’agissait d’un retour) à l’interdiction du port des signes religieux visibles
dans les établissements publics d’enseignement primaire et secondaire.
Un
débat secondaire existait sur la nécessité d’une loi pour le faire, ou si il ne
suffisait pas d’abroger l’article 10 de la loi Jospin et de réactiver les
circulaires Jean Zay. D’autres débats nous opposait à ceux qui réclamaient l’extension
de cette interdiction à l’université (comme ceux qui sont devenus RL aujourd’hui
et sont parmi les animateurs les plus prolixes de la campagne présente) ou aux
établissements d’enseignement privés sous contrat.
Donc,
non Damien, vous ne pouvez pas, sauf à trahir l’histoire établir un parallèle
entre ces deux questions. Le débat de 1994 avait pour cadre la laïcité
scolaire. Le débat d’aujourd’hui a pour cadre la laïcité institutionnelle. Au
nom de la conception de la laïcité que je défends et que je partage avec les
plus grandes organisations laïques de ce pays (ligue de l’enseignement,
fédération nationale de la libre pensée, union rationaliste) croix, voiles et
kippa n’ont rien à faire dans les établissements publics d’enseignement
primaire et secondaire, par contre la rue (comme l’université, pour les
étudiants et étudiantes) est un espace de liberté. Si vous ne saisissez pas la
nuance et que vous mettez un grand signe égal partout toute discussion devient
matériellement impossible.