La reconduction du mandat du président de la Fed est menacée de rejet au Sénat
Photo : Agence Reuters Jason Reed
Même
si beaucoup d’économistes apprécient son action à la tête de la Fed,
Ben Bernanke, 56 ans, fait l’objet d’attaques virulentes de la part
d’un bon nombre d’élus du Congrès, et ce, des deux partis.
Washington — La reconduction par le Sénat de Ben Bernanke à la tête de
la banque centrale américaine (Fed) s’avère plus compliquée que prévu
malgré le soutien, réaffirmé hier, du président Barack Obama à ce
spécialiste des crises financières.
L’incertitude était totale pour savoir si M. Bernanke, nommé sous le
président George W. Bush et dont le mandat de quatre ans s’achève le 31
janvier, allait garder son siège, à un moment où l’économie américaine
apparaît mal remise de la pire crise qu’elle ait traversée depuis les
années 1930.
Devant la perspective d’un éventuel rejet de M. Bernanke par le Sénat,
qui constituerait un grave revers pour M. Obama, la Maison-Blanche a
réagi hier. « Le président a pleinement confiance dans ce que le
président Bernanke a fait pour empêcher notre économie de sombrer »
depuis le début de la crise économique et financière en 2007, a
expliqué un porte-parole, Bill Burton, à bord de l’avion présidentiel
Air Force One. « Le président [...] est persuadé que [sa nomination]
sera confirmée » par le Sénat, a ajouté M. Burton dans l’avion emmenant
M. Obama dans l’Ohio, dans le nord des États-Unis.
Mais au Capitole, la situation était confuse. Un conseiller démocrate
s’exprimant sous le couvert de l’anonymat a indiqué qu’il n’était pas
certain que M. Bernanke obtienne les 60 voix sur 100 nécessaires à sa
reconduction. Les leaders de la majorité démocrate qui devaient
soumettre la question au vote des sénateurs cette semaine ont repoussé
le scrutin et évaluent l’ampleur de l’opposition à
M. Bernanke, selon ce conseiller. « En ce moment, nous sommes dans une
position d’attente », a dit une autre source démocrate sous le couvert
de l’anonymat.
Hier, l’opposition à M. Bernanke s’est librement exprimée au sein de la
majorité démocrate. « Sous Ben Bernanke, la Réserve fédérale a laissé
faire des activités financières scandaleusement irresponsables qui ont
mené à la pire crise financière depuis la crise de 1929 », a estimé le
sénateur Russ Feingold, en annonçant qu’il ne donnerait pas sa voix à
M. Bernanke.
Peu après, c’est sa collègue Barbara Boxer qui a annoncé qu’il était
« temps de changer ». « Notre prochain président de la Fed doit
représenter une rupture nette avec les politiques du passé », a-t-elle
écrit dans un communiqué publié après les déclarations de la
Maison-Blanche.
« Environ 10 ou 15 démocrates ont indiqué à leurs collègues qu’ils
s’opposaient à la nomination, et d’autres ont indiqué qu’ils doivent
encore y réfléchir », a déclaré un conseiller d’un sénateur opposé à la
reconduction de M. Bernanke.
Le sénateur indépendant de gauche, Bernie Sanders, qui vote
habituellement avec les démocrates, avait lancé dès l’automne la charge
contre la reconduction de M. Bernanke, que le président Obama avait
demandée le 25 août.
La commission bancaire du Sénat américain avait approuvé cette décision
en décembre. Mais déjà un sénateur démocrate, Jeff Merkley, avait voté
contre. La confirmation de
M. Bernanke doit être maintenant soumise à l’ensemble du Sénat.
Interrogé par les journalistes hier, M. Burton s’est refusé à lancer
des hypothèses sur le nom d’un nouveau candidat. De son côté, la chaîne
de télévision CNBC a affirmé hier, sans citer de sources, que le nom du
vice-président de la Fed, Donald Kohn, était envisagé.
L’homme de l’année
Universitaire réputé et spécialiste de la crise des années 1930, M.
Bernanke a récemment été sacré homme de l’année 2009 par le magazine
Time.
Mais si beaucoup d’économistes apprécient son action à la tête de la
Fed, M. Bernanke, 56 ans, fait l’objet d’attaques virulentes de la part
d’un bon nombre d’élus du Congrès des deux bords. Ses détracteurs lui
reprochent tout à la fois de n’avoir rien vu venir de la crise et
d’avoir tardé à y répondre, d’avoir trahi les principes de l’économie
de marché en volant au secours des banques ou de l’assureur AIG, ou
encore de dépenser sans compter l’argent des contribuables.
La population, elle, lui reproche volontiers d’avoir sauvé les
banquiers plutôt que les emplois, et ce, au moment où les banques
américaines viennent d’accorder des milliards de dollars en primes à
leurs employés.