Merci pour vos réponses, et en particulier pour votre lien vers le site de la SFEN, à propos des coûts de démantèlement.
Pour le problème de la confiance, il s’applique également aux ingénieurs, de manière générale aux « élites ». Il est devenu monnaie courante de signer, à l’embauche, un document engageant l’ingénieur au secret. Même dans des secteurs et départements ayant peu d’intérêts stratégiques, il est difficile de contourner cela. Personnellement, on m’a toujours fait signer ces documents, et tout le monde considère cela comme une formalité. De plus, quand on a 50 ans, un crédit et une famille à nourrir, on on est prêt à faire des concessions éthiques pour ne pas risquer de tout perdre. Enfin, vous connaissez probablement les analyses de Noam Chomsky sur la sélection des collaborateurs. Évoquons aussi les réticences à instaurer un statut de « lanceur d’alerte ». Structurellement, nos institutions et grandes entreprises incitent à la défiance.
J’ai parcouru rapidement le site des retraités du CEA que vous m’avez indiqué. Je n’ai pas vu ce qui en faisait sa spécificité : sur les thèmes à opinion, il reprend des arguments classiques en faveur du nucléaire. Il y aurait beaucoup à redire. En particulier, le nucléaire ne rend pas la France indépendante énergétiquement !
D’après mes sources (voir : Belot A, Grosclaude P, Bossard N, Jougla E, Benhamou E, et coll. Cancer incidence and mortality in France over the period 1980-2005. Revue d’Épidémiologie et de Santé Publique 2008, 56 :159-175 ), la baisse des cancers est essentiellement liée à l’évolution de la consommation de tabac et d’alcool. Quand à la baisse de leur mortalité, elle est en grande partie liée aux dépistages anticipés, qui rendent toute interprétation difficile.
Quoi qu’il en soit, c’est dans la population des travailleurs du nucléaire qu’il faudrait faire un suivi. Ce suivi existe tant qu’on reste dans ce secteur. Après, rien. Or, 1) c’est un secteur où beaucoup ne souhaitent pas faire de vieux os, et 2) un cancer peut mettre 15 à 20 ans à se déclarer. Conclusion : il faut se donner les moyen de suivre ces travailleurs lorsqu’ils quittent le secteur.
Les compteurs Geiger une une utilité limitée : avec, on peut juste comparer une mesure à une norme. Ce qui importe, et ce qui coûte cher, ce sont les études sur le nucléaire : impacts sur le vivant, etc. La moindre thèse coûte plusieurs centaines de milliers d’euros. Et ce sont ces études qui déterminent les normes. Et quel industriel sera prêt à financer une étude qui risquerait de détruire son propre business ? Ce serait stratégiquement injustifiable. Et quelle organisation indépendante aurait les moyens de financer cela ?
La recherche dite « publique » est financée par ceux qui veulent bien lui donner de l’argent. C’est à dire par l’industrie pétrolière sur les applications pétrolières, et par l’industrie nucléaire sur les applications nucléaires. En général.
Comme vous l’aurez peut-être compris à travers mes mots, je serai bien davantage disposé vis-à-vis de l’industrie nucléaire, quand elle sera régie par des principes de transparence, et quand elle sera contrôlée par des organismes indépendants au budget conséquent. L’industrie nucléaire n’est plus l’industrie de la Bombe ; qu’est-ce qui empêche donc cette transparence ?
Cordialement