Ma qué pourrissement de sujet ? Je ne cherche pas à pourrir les sujets, moi !
Il se trouve que tous les articles de Krokodilo que j’ai eu l’occasion de lire sont interchangeables et concernent un seul et unique sujet : la lutte entre l’espéranto, paré de toutes les vertus, et l’anglais, immonde instrument de domination culturelle de la perfide Albion. Au début, ça fait rire. On trouve même de temps à autre quelques morceaux intéréssants et instructifs (il faut chercher longtemps, tout de même). Mais à force, tout cela lasse, et le seul intérêt que l’on trouve à cette charge permanente est de pouvoir entrer dans la danse.
Personellement, en tant que non pratiquant, je vois l’espéranto d’un bon oeil. Un projet un peu fou et totalement utopique sans la moindre chance de redécoller depuis la fin de son âge d’or au début du siècle dernier. Un épiphénomène, comme disent les journalistes. Mais un épiphénomène sympathique et généreux, quoique très naïf.
Dans la pratique, comme souvent les idées généreuses, un projet totalitaire totalement à côté de la plaque, mais ce n’est pas grave puisqu’il est et restera ad vitam aeternam au stade de l’activité de loisir, comme tant d’autres projets semblables avant lui et après lui. La seule force de l’espéranto est d’avoir été. Sans cela, dans la pratique comme dans la théorie, il n’est pas viable, ce pour toutes sortes de raisons exposées par « la bande à la plume malodorante » dans leurs tous premiers commentaires contre « la bande des massons » (juste avant qu’ils décident, dans un bel ensemble, de passer de l’argumentaire au troll systématique).
A mes yeux, la raison principale qui empêche l’espéranto de devenir langue internationale est... qu’il n’est pas fait pour cela. Cette langue a été créée dans le but de favoriser la paix et la concorde entre les peuples. Il avait donc un contenu idéologique. La décénnie ayant suivi la mort de Staline a, je pense, largement montré à travers moult exemples qu’on institutionalise pas par principe, encore moins par idéologie, mais par intérêt et utilité (l’Union Européenne qui ne tient que par des rustines et des gadgets depuis plus d’une dizaine d’années maintenant est d’ailleurs l’exact exemple de la systématique non-viabilité d’une institution instaurée par principe et non pas par nécéssité).
Donc l’espéranto, langue qui se veut généreuse avant tout, n’a aucune utilité, donc aucune raison d’être adoptée, à moins d’un système totalitaire. C’est d’ailleurs le sens exact de ce qu’en disait Tito (pourtant à la tête d’un régime assez totalitaire lui-même) : "L’espéranto
doit être introduit dans les écoles, non point par un décret d’en haut,
mais par l’exigence consciente de l’opinion publique informée, par
conséquent depuis la base, d’une manière vraiment démocratique.«
Dans le petit conflit internautique opposant deux »bandes« tout aussi ridicule l’une que l’autre par la vacuité de leurs causes respectives (la défense de l’espéranto et la défonce de l’anglais pour la »bande des massons« , le masson-bashing bête et méchant pour la »bande à la plume malodorante"), j’ai opté pour la bande de con qui ne se prend pas au sérieux. Comme de toute manière ni l’une ni l’autre n’aura jamais la moindre incidence sur l’adoption ou non de l’espéranto à quelque échelle que ce soit, cet engagement de ma part n’est guère risqué, encore moins responsabilisant.