• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile


Commentaire de Son Ôguste Insanité BADGURU Ier

sur Arioviste était-il un Germain ou un Celte ?


Voir l'intégralité des commentaires de cet article

S.Ô.I Shri BaBâd Guru Lashpâ Son Ôguste Insanité BADGURU Ier 12 mars 2010 04:26

Partons donc d’ Arioviste  :

Exemple parfait pour illustrer mes rappels nombreux sur le fait que la linguistique seule ne suffit pas et que l’approche doit être pluridisciplinaire d’autant plus lorsqu’on aborde les périodes antiques ou proto-historiques.

Arioviste ? nom celtique ou germanique ? et bien, la linguistique ne peut que considérer que les deux sont possibles tant la proximité est importante : tout dépend si l’on place un h- en lettre initiale ou non : ha- ou a- possible origine germanique, strictement a- origine celtique : ha- ou a- origine IE dérivant des mêmes racines PIE

Sens celtique ario-vistus : ario- soit noble, maître, seigneur ( à rapprocher du terme bien connu : aryen), homme libre, gentil, généreux ; vistus notion de sagesse, connaissance, savoir,anticipation (gaulois : uid-,uissu-  : vous aurez reconnu druide) : donc ariovistus traduisible par noble( seigneur) et sage (variantes laissées à votre choix)

Sens germanique : si nous partons d’ario- : même racine noble, maître, seigneur,etc… seul vistus change :

on considèrera alors f³st soit main ou poing sous la forme fistus en se référant au vieil haut allemand (en rapport avec la localisation géographique des groupes germaniques dits Suèves donc groupes germaniques de l’Elbe) : soit donc ario-fistus donc noble main ou poing

une autre hypothèse serait de renvoyer au vieil haut allemand furisto, que l’on retrouve dans les mots allemands erste et Fürst, ainsi que l’anglais first donc premier ou prince et donc ariovistus serait le premier des nobles ou le noble prince

autre hypothèse avec un h- initial : nous avons là le mot en vieil haut allemand heri d’origine germanique *harja-, *harjaz soit troupe ou armée donnant l’allemand Heer par exemple, que l’on retrouve aussi en vieux frison here, hire ou encore en vieux norrois hertogi her-ogn duc ou combat

ce qui donnerait donc heri ou harja+f’st soit le poing ou la main de l’armée (considérer la notion de commandement)

une autre approche plus hasardeuse serait de renvoyer au gotique : mots gadrauhts et gadriugs et au gotique de Crimée  : cadariou : construir autour de ariou- soit soldat, guerrier (infanterie) 

Bref Arioviste peut autant avoir une origine celtique que germanique : les deux formules noble sage, ou poing de l’armée pouvant renvoyer au personnage : je vous laisse de la choix de votre préférence : même si la première variante donc celtique me semble plus explicite et proche du personnage

Voilà donc sur arioviste d’un point de vue linguistique : je ne développerai pas sur le suffixe ar- ou Arvernes, ce serait trop long et présente peu d’intérêt quant à votre article : ar pouvant renvoyer à la racine aryo- bien connu avec le terme aryen et déjà précisé plus haut, ou à aroura déjà évoqué pour Héra (donc présent dans plusieurs familles linguistiques IE) et donc renvoie au registre agricole (terre cultivée), tandis qu’arverne peut se décomposer de différentes façons, au vu de l’histoire de ce peuple, la construction sur une base ar-Uer- évoquerait à nouveau noblesse, force ou supériorité soit les seigneurs ou les puissants (Uer- dérivant de kern- soit angle ou côté signifie haut, dans le sens le plus haut : supérieur). Mais d’autres hypothèses sont possibles autour du registre agricole : celle-ci étant juste plus proche de ce que l’on sait de ce peuple.

Donc comme énoncé plus haut, la linguistique seule ne peut suffire mais déjà présente la très grande proximité entre groupes celtiques (celtes) et germaniques (germains) et donc il faut s’intéresser à l’histoire, l’archéologie, l’anthropologie, la mythologie, etc…ce qui à nouveau remet en cause votre foyer bourguignon et le sens de l’expansion des Celtes.

Bref aperçu : 

Que savons-nous sur Arioviste ? à entendre pertinent pour la question que vous posez : il parle couramment gaulois (langue celtique), les interprètes que les Romains lui envoient non pas des interprètes parlant germain ( à entendre la langue-variante germanique employée à l’époque) mais des interprètes celtes : donc première question : de votre perspective militaire : considérez-vous l’attitude romaine comme diplomatique : envoyer à un chef germain des interprètes ne parlant pas sa langue maternelle supposée ? mépris affiché par voie diplomatique pour accentuer le rapport civilisé/barbare (ici le Germain) ou marque de respect pour ses origines celtes  ?

Autre élément intéressant : la coopération entre Séquanes (Celtes) et Suèves (Germains) : simple coopération militaire ou liens ethniques et/ou familiaux entre leaders ?

Soit. Arioviste est le leader des Suèves  : qui sont les Suèves ?

Rapidement donc :

Selon que l’on se réfère à César ou à Tacite, selon que l’on limite la période à Arioviste ou s’intéresse à l’ethnogenèse et aux migrations des groupes germaniques Suèves n’a pas le même sens : pour César : cela se limite aux Suèves ici par vous évoqués, pour Tacite l’ethnonyme Suèves renvoie plus à une confédération de tribus distinctes qu’à une seule tribu : confédération occupant plus de la moitié de la Germanie selon Tacite.

Pour le linguiste ou l’historien : l’ethnonyme Suèves renvoie au groupe ethnolinguistique germanique de l’Elbe (isoglosse) soit Herminones et Herminduri principalement, les dits Suèves étant un sous-groupe des Herminones. Groupes ethnolinguistiques dont la séparation se situe app. après l’an 800 av JC (soit ce qui correspond pour l’espace germanique à la période dite âge de fer pré-romain ou assimilable à la Culture de Jastorf). Les groupes dits Suèves dans leur lente migration depuis l’espace nord-germanique ont pris une direction Est (espace baltique mer baltique conneu par les Romains sous le nom de Mare Suebicum) puis Ouest vers la Vistule puis l’Elbe enfin vers l’espace rhénan (Souabe) avant d’être invité à la période qui nous concerne.

Donc maintenant quels rapports groupes germains (germaniques) et celtes (celtiques) ont-ils pu entretenir ? pouvons-nous les lier ? la distinction romaine est-elle valable ou justifiée ?

A nouveau, bref descriptif :

Distingo romain pertinent ou non ? l’usage du Chaudron de Gundestrup donc trouvé au Danemark d’origine thrace suffit à montrer que les limites entre espace celtique et germanique (voir nordique) sont très élastiques 

Puisque vous aimez les classiques antiques : que nous dit Strabon : Strabon, Géographie L VII 1-2 résumons : la différence essentielle entre Celtes et Germains résident dans la blondeur et la hauteur des seconds, les Germains étant un peu plus sauvages : pour le reste ils sont pareils. Plus tôt, Pythéas désigne comme celtes les peuples de l’espace germano-nordique (soit les Frisons, Saxons, Danes : peuples germaniques) ; on tombe parfois avec d’autres sources classiques sur cette étrange formulation « celtes germaniques ».

Bref : les Anciens confondaient aisément Celtes et Germains et à raison : le distingo opéré par les Romains occulte le fait qu’espaces/cultures celtique et germanique ont toujours été très proches, jusqu’à s’interpénétrer : le Rhin ne devenant une frontière que bien plus tard.


Voir ce commentaire dans son contexte





Palmarès