Madame Anger de Friberg,
Il me semble que Dame Mélusine vous siérait bien
mieux ; car c’est à un véritable sabbat que vous nous avez convié ;
tout le Petit Peuple en un féerique cortège a défilé pour vous rendre hommage Dame
Mélusine : trolls, orques, et gobelins, satyres et ondines, fées et
sylvains, je crois même avoir vu Puck et Obéron se gamahucher positivement à l’ombre
d’un Ent argenté.
Sachez donc Dame Mélusine, que cette question de l’anonymat
qui semble tant vous importuner n’a que peu d’intérêt : chacun porte un masque
ici ou dehors, d’ailleurs bien plus souvent dehors qu’ici. Est-ce là un mal ?
Moi-même ait eu maintes occasions de considérer les
positives,voir magiques, vertus du masque ; en effet à l’occasion (hélas pas assez à mon
goût), j’organise en mon philosophique boudoir quelques libertins soupers ;
chacun y porte un masque ; moi-même, maître de cérémonie, confesse aimer jouer
au divin Priape ou au raffiné Caligula : Mme de … se fait fort de jouer mon fidèle et
noble destrier Incitatus pendant que Mr de… se travestit en un gueux autant servile
que crasseux au service de Mamzelle Fanny, lavandière de son état, elle-même devenue par la magie du masque, capricieuse
autant que vicieuse duchesse ; et ainsi chacun devient l’autre, fout et se fait foutre sans
que les différences de rang, nature ou condition n’interfèrent dans l’acte.
Ainsi donc Dame Mélusine, porter un masque est
dans notre nature ;et considérez Dame Mélusine qu’en cette virtuelle arène, les masques
tombent bien plus facilement qu’en dehors : car ici tous se livrent en
pensées, ainsi donc dans ce qu’ils ont de plus intime…nos pensées ne sont que l’ombre
de nos sentiments, l’ombre projetée dans le piège de l’Instant ; et si elles
vous offensent sachez que celles-ci ne seront que toujours plus sombres, plus
vides ou légères, plus simples que ceux-ci.
Ainsi si le Petit Peuple vous importune,
rappelez-vous Dame Mélusine que bien souvent est un signe d’humanité qui n’est
pas sans importance que de ne pas vouloir juger quelqu’un et de se refuser à penser quelque chose de lui…ou elle.