Bon dimanche,
- « Il y a sept maîtres à Leamys’s Natinal School et tous ont de lanières de cuir, des canes, des baguettes hérissées d’épines. Avec les baguettes, ils vous frappent sur les épaules, le dos, les jambes et, surtout, sur les mains. S’ils vous frappent sur les mains, ça s’appelle une tape. Ils vous frappent si vous êtes en retard, si vous avez une fuite au porte-plume, si vous riez, si vous bavardez ou si vous ne savez pas certaines choses.
Ils vous frappent si vous ne savez pas pourquoi Dieu a créé le monde, si vous ne connaissez pas le saint patron de Limerick, si vous ne pouvez pas réciter le »Credo« , si vous ne pouvez pas ajouter dix-neuf à quarante-sept, si vous ne
pouvez pas soustraire dix-neuf de quarante-sept, si vous ne connaissez pas les chefs-lieux et les produits des trente-deux comtés de l’Irlande, si vous n’arrivez pas à trouver la Bulgarie sur la carte murale du monde qui est toute tachée de crachats, de morve et de pâtés d’encre balancés par des élèves chahuteurs renvoyés définitivement.
Ils vous frappent si vous ne pouvez pas dire votre nom en irlandais, si vous ne pouvez pas dire le »Je vous salue Marie« en irlandais, si vous ne pouvez pas demander la clef des cabinets en irlandais.
Ca aide d’écouter les grands en avance sur vous. Ils peuvent vous renseigner sur le maître que vous avez en ce moment, ce qu’il aime et ce qu’il déteste.
Un maître te frappera si tu ne sais pas qu’Eamon de Valera est le plus grand homme qui ait jamais vécu. Un autre maître te frappera si tu ne sais pas que Michael Collins fut le plus grand homme qui vécut jamais.
M.Benson déteste l’Amérique, et tu as intérêt à te souvenir de détester l’Amérique, sinon il te frappera.
M.O’Dea déteste l’Angleterre, et tu as intérêt à te souvenir de détester l’Angleterre, sinon il te frappera.
Si jamais tu dis quoi que ce soit de bon sur Olivier Cromwell, ils te frapperont tous.
Même s’ils vous frappent six fois sur chaque main avec la cane de frêne ou la baguette épineuse, vous ne devez pas pleurer. Vous seriez une lopette. Des garçons pourraient bien vous huer ou se moquer de vous dans la rue, mais même ceux-là doivent faire attention, car le jour viendra où le maître les frappera et les tapera et ils devront retenir leurs larmes derrière leurs yeux ou perdre la face à jamais. Certains garçons disent qu’il vaut mieux pleurer, car ça plaît aux maîtres. Si vous ne pleurez pas les maître vous prennent en grippe, car vous les faites paraître faibles devant la classe, et ils se jurent que la prochaine fois qu’ils vous tiendront ils vous tireront des larmes, ou du sang, ou les deux.
Les grands de la cinquième division nous racontent que M. O’Dea aime bien vous amener devant la classe afin de pouvoir se te,nir derrière vous, pincer vos pattes (qu’on appelle rouflaquettes) et tirer dessus. Debout ! debout ! fait-il jusqu’à ce que vous soyez sur la pointe des pieds et que les larmes vous montent aux yeux. Vous ne voulez pas que les garçons de la classe vous voient pleurer mais avoir les rouflaquettes tirées ça fait venir les larmes qu’on le veuille ou non, et le maître aime bien ça. M. O’Dea est le seul maître qui arrive toujours à faire naître les larmes et la honte.
En général mieux vaut ne pas pleurer, car vous devez rester potes avec les garçons de l’école, et puis vous ne voudriez pas faire plaisir aux maîtres.
Si le maître vous frappe, inutile de s’en plaindre à votre père ou à votre mère. Tu le mérites, disent-ils toujours. Ne fais pas le bébé. »
C’est un texte écrit par Frank McCourt dans un livre intitulé « Les cendres d’Angela » (éditions J’ai Lu).
Vous ne voyez pas le rapport avec le sujet n’est ce pas ?
Voila celui que je vous propose. J’espère que vous en sentirez tout le poids :
Entre les méthodes de cette époque (pas si lointaine) et celles d’aujourd’hui, il n’y a de différence que de degré. La soumission des adultes au Pouvoir et aux normes qui font loi reste massif en matière d’éducation. Même si l’enfant manifeste sa souffrance ils le traînent de force à la maternelle et écoutent les enseignants et les psys-féministes (si vous êtes zen, l’enfant sera zen) beaucoup plus que leur enfant qui « finira par s’y faire ».
Pour tous les adultes, l’obéissance des enfants est toujours une vertu cardinale. « Il n’a qu’à obéir » répondait cette mère à mon fils âgé de trois ans qui lui disait de ne pas être méchante avec Alexis (qu’elle battait copieusemen).
Les parents, malgré quelques escarmouches, ne s’opposent pas à l’EN. A peu près tous remettent leurs enfants à des tiers pendant toute leur enfance, oubliant leur rôle naturel et exclusif de protecteurs.
Quel bel exemple de soumission à l’autorité que cet abandon de responsabilité qui pousse à ignorer plus ou moins volontairement la souffrance de ses propres enfants et les conséquences pour leur santé psychique future d’adolescents et d’adultes.