Dommage que cette belle retrospective ne contienne son élément central, le maître absolu du romantisme : Goethe. Le romantisme n’est amour qu’à son départ : « Il est mal à l’aise dans sa peau, celui qui regarde dans son coeur » (Xénies). Il devient ensuite prélude au très Nietzschéen « par delà le bien et le mal » : « Quel est donc l’homme souverain ? Celui qu’on ne peut empêcher de courir au bien et au mal » (Aphorismes). Il devient en finalité initiation, en vertu de la seconde naissance (Faust) : « Il faut que l’homme soit de nouveau détruit » (Eckermann, entretiens)
Rousseau a laissé sombrer le romantisme dans l’utopie. C’est déjà un décadent avant l’heure, pour preuve, son contrat social, un voeu pieux, on voit aujourd’hui dans quels enfers a dérivé le contrat social : non pas la souveraineté de l’homme, mais son asservissement absolu. Le meilleur tenant de l’aboutissement de la souveraineté de l’homme, après Nietzsche, est probablement Léo Strauss : « Le droit naturel dans sa forme classique est lié à une perspective téléologique de l’Univers » (droit naturel et histoire).
Ce que dit plus clairement Simone Goyard-Fabre (les embarras philosophiques du droit naturel) : « Croire que l’homme est capable d’édifier des systèmes juridiques en négligeant le moment transcendantal de leur possibilité conduit à ne construire qu’un appareil instrumentalisé visant une sorte de maîtrise technicienne du monde et des hommes. Une telle présomption, ôtant au droit sa consistance et sa prégnance, le fait entrer en crise ».
Oui, le romantisme ouvre la porte au révolutionnaire, mais pas au révolutionnaire syndical, défendant un droit du contrat social, mais bien à une dimension initiatique inconnue des inventaires sociaux, celle-là même que l’anthropologie récente nous a fait redécouvrir : « L’abolition du temps profane et la projection de l’homme dans le temps mythique ne se produisent qu’aux intervalles essentiels, cad ceux où l’homme est véritablement lui-même. Le reste de la vie se passe dans le temps profane, et est dénué de signification » (M. Eliade, le mythe de l’éternel retour
Merci en tous cas à l’auteur de remettre au goût du jour ce moment exquis que fut l’invention du romantisme, mais qui n’est en fait que la réécriture du classicisme grec.