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Commentaire de François-Ferdinand De la Friche en Souche

sur « Information donnée » et « information extorquée » : une distinction vitale méconnue


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Je plusse l’infâme Trolléon et le remercie d’avoir offert une réponse autant cohérente que pertinente à un auteur qui s’épargne l’éprouvante tâche de répondre aux sots : qui dans son système de pensée très particulier regroupent l’ensemble des contradicteurs potentiels. J’espère sincèrement que Trolléon n’aura pas trop à souffrir de s’être infligé cette répugnante tâche. 

 

Je salue donc autant que je rejoins le propos de Trolléon et me permettrai d’ajouter mes évidemment sottes objections de prétentieux ignare.

 

M Villach écrit donc : « principe fondamental qui régit la relation d’information : nul être sain ne livre volontairement une information susceptible de lui nuire. »

 

Il faudrait pour cela définir ce qu’est un être sain et considérer que les individus appartenant aux catégories suivantes : le croyant, le dissident, le résistant, l’opposant, l’objecteur de conscience, le militant, etc… ne sont pas sains.

 

Exemples : un témoin de jehovah ou un juif qui signifie clairement son appartenance religieuse à la gestapo délivre bien volontairement une information susceptible de lui nuire par conviction religieuse ; de même qu’un opposant ou dissident politique, un résistant qui sans torture affirme son opposition au dictateur, à l’occupant, etc…délivre bien volontairement une information susceptible de lui nuire par conviction politique ; ou bien encore le mari infidèle qui confesse ses infidélités à son épouse par sincérité ou remords et non après avoir été découvert délivre bien aussi une information susceptible de lui nuire.

 

Ainsi donc, ce principal fondamental villachien exclue d’emblée d’une humanité dite saine tout individu qui agirait en adéquation (et cohérence et sincérité) avec ses convictions religieuses, philosophiques, politiques ou valeurs morales : ainsi toute forme de sincérité et de répugnance au mensonge ou à la dissimulation dans la perspective de la survie ou induite par toute autre pulsion égo-centrée serait synonyme d’anormalité ou de déficience/aliénation mentale : à l’opposé donc le mensonge, la dissimulation seraient symboles d’une bonne santé mentale.

 

Effectivement, ainsi les théories de M. Villach prennent une autre dimension : toutes ont pour caractéristique de fonctionner à partir de la logique ou de la morale villachienne (à entendre ici comme système de pensée particulier/individuel) : ce qui d’emblée les placent en dehors des théories de l’information qui ne connaissent que la notion de probabilité et donc s’organisent autour de notions telles qu’incertitude, risque, aspect aléatoire, éventualité, réalisation, etc…et donc ni la logique, ou une grille de lecture particulière n’interviennent.

L’information étant définissable ou concevable par la mesure de l’incertitude calculée à partir de la probabilité de réalisation d’un événement. L’intérêt d’une information s’accroitra donc en fonction de l’incertitude et non de la stratégie optée pour l’acquérir.

Quant à la fiabilité d’une information dans les exemples que M. Villach cite régulièrement (renseignement, infiltration, journalisme, enquête, etc…), elle ne pourra se concevoir qu’a posteriori.

C’est la possibilité pour le récepteur d’accroître sa connaissance du nombre d’éventualités possibles  qui intéressera ici l’agent de renseignement, le journaliste, l’enquêteur : et ainsi lui permettra de dénouer l’incertitude auquel il doit faire face : que ce soit dans une optique de renseignement, de stratégie, ou de prise de décision,etc…ainsi la seule hiérarchie possible à établir quant à la fiabilité se confond avec la probabilité de réalisation d’un évènement qui au départ sont pour le récepteur équiprobables : donc degré de fiabilité établi a posteriori et non a priori : ce qui invalide la hiérarchie a priori entre information donnée, extorquée.

A nouveau dans les cas cités : renseignement, domaine militaire : les seules informations utiles sont celles qui peuvent influer sur ou choix stratégiques ou prises de décision : leur valeur ou fiabilité donc ne peut être conçue que a posteriori et non a priori : d’où l’usage de plus en plus important par les services de renseignement de l’intelligence en source ouverte où les informations sont données volontairement et non extorquées : ce qui invalide à nouveau le postulat d’une fiabilité supérieure de l’information extorquée sur l’information donnée : seul l’usage ou le traitement a posteriori définit la valeur relative ou fiabilité d’une information et non la stratégie ou moyen employé pour y accéder par le récepteur. 

Exemple : les informations obtenues à Guantanamo et autres prisons militaires avec option torture n’ont jamais permis de déjouer des attentats, quand bien même le processus d’extorsion est raffiné et développé.

Ainsi cette conception a posteriori et non a priori ne peut donc supporter le type de schéma général proposé par M. Villach : exemple :

 

sur Milgram, il me semble qu’il y a confusion évidente entre stratégie dans la transmission ou l’accès à telle ou telle information et contenu ou valeur de l’information en question : le scientifique adopte telle stratégie uniquement parce que celui qui possède l’information (sujet expérimental) use de telle stratégie : l’information potentielle (contenu) qui intéresse Milgram ne varie pas en fonction de la stratégie choisie : rien dans l’absolu ne peut interdire de considérer que cette information aurait pu être obtenue par un autre biais. Et donc donnée et non extorquée.

 

De plus, nous sommes avec Milgram dans le cadre d’une expérience scientifique (dans un domaine hautement spéculatif : celui de la psychologie) suivant donc un protocole spécifique : l’information, autant sa valeur ou dite fiabilité, ne dépend pas spécifiquement ou uniquement de l’émetteur ici le sujet mais 1) de la stratégie employée a priori pour l’obtenir, et surtout 2) de l’interprétation a posteriori de cette même information : on entre donc dans le domaine de la spéculation : dépendante non de l’information obtenue, volontairement ou non, mais de son traitement postérieur. D’emblée, l’aspect spéculatif est exclusif et excluant : la fiabilité dépendra donc bien plus de l’observateur que du sujet. 

 

Continuons : M. Villach écrit : « c’est ce qu’on nomme une information extorquée par opposition à l’information donnée qui, elle, est livrée volontairement par l’émetteur et qui, pour être filtrée par son autocensure, n’est pas fiable du tout. »

 

Dans le cadre de l’expérience : l’existence de ce filtre auto-censeur relève du postulat : les exemples où la soumission à l’autorité est considérée comme valorisante ne manquent pas et donc information non soumise à dissimulation par honte ou auto-censure : le contexte étant ici l’élément déterminant : ici les débuts des années 60.

 

Ce qui infirme les propositions suivantes de M. Villach, ou tout au moins relativise leur pertinence : « 1- ou ne savaient pas quel était leur degré de soumission à l’autorité, 2- ou, s’ils le connaissaient, auraient pu le minimiser ou refuser de le révéler, car avouer une soumission aveugle de valet n’est pas valorisant. »

 

Dans la situation 1, le scientifique ayant péché à l’aveugle au sein d’une population mâle adulte donnée, le contexte historique aidant : les sujets auraient pu parfaitement être conscient de leur degré de soumission à l’autorité si par exemple ils avaient eu une expérience militaire : possibilité soutenue par la proximité de : Seconde Guerre Mondiale, Guerre de Corée, etc…et donc à même de savoir jusqu’où ils iraient face à un ordre issu d’une autorité conçue par eux comme légitime :

 

Dans la situation 2, un individu considérant la soumission à l’autorité comme valorisante ou positive et qui donc livrera volontairement cette information : qui dans le contexte de la Guerre Froide et considérant le patriotisme exacerbé de la société américaine n’avait rien de dévalorisant ou nuisible et donc non sujet à cette nécessité vitale de dissimulation.

 

L’expérience de Milgram peut bien se fonder sur l’information extorquée selon M. Villach, rien n’interdit que cette information n’aurait pu être tout simplement donnée, au vu du contexte historique.  

 

Dans les deux situations, la lecture se place donc au niveau de la morale de M. Villach et est propre à son système de pensée individuel qui considère la soumission aveugle comme non valorisante ce qui n’est pas forcément le cas de tout individu ; et donc non nécessité vitale de dissimulation : M. Villach balaie d’emblée les cas où soumission aveugle à une autorité conçue comme légitime ou relevant de l’idéologie, croyance, etc.. ainsi que l’obéissance sont conçues comme valorisantes et source de fierté individuelle : cas que l’Histoire autant que l’actualité ne manquent de nous fournir. 

 

A nouveau, enfermement dans un système et manque évident de probité : 1) par le dédain manifeste signifié par l’auteur à tout possible contradicteur 2) par des pseudo-analyses s’autorisant sans cesse des sauts théoriques entre disciplines et concepts différents sans aucune cohérence.


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