Beaucoup de réactions (c’était
prévisible, le sujet passionne). Je vais essayer de répondre
de manière synthétique, et pas trop passionnée.
Certains intervenants ont d’ailleurs déjà répondu
à une partie des objections ; ils se sont même donné
la peine de réagir aux inévitables insultes, très
classiques quant à elles. Merci à eux de me faire
gagner du temps. Reste trois familles d’objections méritant
débat :
-
distinction / discrimination :
une distinction imposée EST une discrimination ! N’oublions
pas qu’ « apartheid » ne veut pas dire
« infériorité » mais
« séparation » ; lorsque, disons
un bar, (ou une pîscine..) étaient « réservé
aux blancs » et un autre « réservé
aux noirs », les défenseurs de l’apartheid nous
disaient que ce qui était, servi, et le prix, étaient
les mêmes, et qu’il n’y avait « donc »
pas discrimination. Cette hypocrisie a vécu, ne la ravivons
pas dans une version alambiquée à laquelle la religion
donnerait une noblesse usurpée. En outre, ce n’est pas moi
mais la Convention Internationale des droits de la femme qui
emploie le mot de distinction : on a le droit d’être
« contre » cette convention, et même de
réclamer, avec les pays qui ne l’ont pas signée,
qu’elle soit réécrite dans le sens qu’on veut, mais
jusque-là,, en France comme dans toute l’union européenne,
elle a force de loi. Cela veut dire qu’on peut légiférer
sur le voile intégral, au contraire de ce que tentent de
faire croire de « fins politiques » dont la
fausse prudence ne fera que laisser pourrir la situation. La phrase qui fâche souvent : (voile, étoile
jaune de la femme) est un raccourci ,et si on y tient, quoique le contexte le rende évident, on peut la faire précéder de la
précaution « Dans les lieux ou groupes sociaux où
il est imposé, le voile ...etc » Mais l’équivalence
reste valable : partout où le voile est imposé, que ce
soit par une législation ou par une coutume, il est
discriminant : il détermine par exemple les lieux où
on peut aller et ceux où ce n’est pas « licite »,
les gens à qui on peut parler et ceux avec qui on ne le doit
pas, etc : il est, comme l’étoile jaune, l’outil d’une
discrimination quotidienne. Ce qui nous amène à
la deuxième famille d’objections :
-
Caractère « volontaire »
du port du voile, nécessité qu’il y ait un
« discriminant » pour qu’il y ait un
discriminé... Je peux attester, pour avoir vécu, et
même un peu géré, les deux époques de
législation, que la loi sur le port des signes ostentatoires
à l’école a en quelques mois révélé
que 90% des jeunes filles concernées étaient forcées
par leur entourage, et que la loi les a libérées.
C’est bien pour ça que la loi a rapidement atteint son
objectif, divisant en quelques mois par dix le nombre des situations
conflictuelles. Il en sera de même pour une loi sur le voile
intégral. Là aussi, regardons la réalité,
et écoutons les femmes qui osent s’exprimer ailleurs que dans
des manifestions bien encadrées, où quelques porteuses
de voile ont le droit de brandir des pancartes mais pas de parler
aux journalistes. Ecoutons Chahdort Djavann, Taslima Nasreen, Ayaan
Hirsi Ali. Elles savent de quoi elles parlent. Lisons aussi le Coran
: le voile est essentiellement justifié par le verset 33/59,
et sa rédaction est très intéressante « Dis
à tes épouses, à tes filles, et aux femmes des
croyants, de ramener sur elles leurs grands voiles » Ce
n’est pas « Mesdames, vous devriez... »
Parole d’homme, imposée aux femmes, et qui dans
sa forme même donne aux hommes la mission d’assurer le respect
de la règle. Il y a bien coercition, discriminant et
discriminée.
-
Troisième critique : le
point de vue « occidental » ne serait qu’un
point de vue parmi d’autres. C’est un argument qui mérite
examen, et chacun de nous a appris à se défier de
l’ethnocentrisme. Un premier niveau de réponse est que dans
ce cas il faut choisir : on ne peut pas, pour réfuter un
modèle, faire appel aux valeurs et principes qui le
constituent : s’ ils sont utilisables pour cela, c’est
qu’alors ils sont universels, la preuve est faite. Le second
niveau est plus concret : dans notre pays, c’est
ce point de vue « occidental » qui
fonde la loi ; vouloir lui en substituer un autre est précisément
la tentative de modifier unilatéralement
un modèle de société. On a le droit de
le vouloir, mais il faut le dire franchement, et non prétendre
que « ce n’est pas important » ou que « c’est
l’application même de nos valeurs ». Incidemment,
dire que « du point de vue moyen-oriental, le voile est
une chance pour la femme » (et les vêtements
informes une chance pour les filles dans certains quartiers ? Hola
!), c’est faire injure aux hommes de ces pays, les croire bien
dangereusement harceleurs ou pire. C’est surtout admettre qu’il
s’agit pour les femmes d’une précaution, d’une condition de
leur sécurité : çà ressemble beaucoup à
une contrainte, çà ! En tout cas on est bien loin de
la « manifestation d’une conviction religieuse »
: C.Q.F.D...