Pour éclairer la lanterne des personnes de bonne foi qui viendraient à lire vos élucubrations, il convient de les replacer dans le contexte de votre mouvance politique.
Les ennemis de mes ennemis ne sont pas toujours mes amis...
« En finir avec la dictature de
Bouteflika »
Des dissidents exilés en Europe,
notamment en Suisse, se fédèrent pour tenter de renverser le régime en
place à Alger. Parmi eux, d’anciens islamistes radicaux poursuivis par
la justice de leur pays.
Enquête.
Al-Rachad, « Le bon sens », mouvement politique fondé
par des Algériens réfugiés en Suisse, au Royaume-Uni et en Allemagne, a
été lancé le 18 avril depuis Londres. Le groupuscule veut renverser
le président Abdelaziz Bouteflika et son régime. Pour parvenir à ses
fins, il drague aussi bien des sympathisants islamistes (MSP, ex-Hamas
algérien) que des membres du FLN (ex-parti unique) ou du FFS
(socialiste). Et il s’adresse tant à la diaspora qui a jeté l’ancre en
Europe qu’aux résidents cantonnés en Algérie.
Le mouvement - et non le parti - aspire à un « Etat de
droit et à la bonne gouvernance », et propose « au peuple algérien une
alternative pour un changement radical du système politique ». Trois des
cinq membres fondateurs vivent en Suisse : Abbas Aroua enseigne à la
Faculté de médecine de Lausanne ; Mourad Dhina est un ancien
collaborateur du CERN et de l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich ;
Rachid Mesli travaille pour l’organisation arabe des droits de l’homme
Al-Karama à Genève.
Leur charte dénonce « la façade civile » d’un
gouvernement contrôlé par « l’oligarchie militaire » et fustige la
dislocation sociale et la crise économique qui gangrènent l’Algérie. Les
dissidents récusent la « dictature de Bouteflika » : le parlement est
réduit à « une simple chambre d’enregistrement », et les institutions
sont « asservies » à la Direction des renseignements et de la sécurité
(DRS), service de l’armée nationale et colonne vertébrale du pouvoir.
Ces accusations virulentes se nourrissent de la réalité
d’un pays en faillite : malgré des ressources naturelles extrêmement
riches (50 milliards de dollars issus du seul pétrole dans les caisses
de l’Etat en 2006), le taux de chômage est écrasant et plus de 40% des
femmes sont encore analphabètes. Ces chiffres incarnent la paupérisation
d’un peuple assommé par une décennie de violences : 150000 morts, 2
millions de déplacés et 20000 « disparus forcés ».
Les ingrédients sont donc réunis pour battre le rappel
des troupes. En deux mois d’existence, Al-Rachad affirme être fort d’un
millier d’adhérents algériens, et d’une bonne poignée d’exilés de
l’intelligentsia. Le mouvement politique mijote « une action civique
symbolique », où il orchestrerait des grèves massives qui paralyseraient
le pays et contraindraient le pouvoir à composer avec ses
revendications. Voire à « abdiquer ».
Pourtant, derrière « ces voies non violentes » que
Rachad prône, se cache un passé lourd d’activisme islamiste. Mourad
Dhina est en effet une figure de proue des fondamentalistes algériens.
Après la dissolution et l’interdiction du Front islamique du salut (FIS)
en 1992, il se réfugie à Saint-Genis-Pouilly, aux portes de Genève dans
l’Ain. Deux ans plus tard, il est soupçonné de trafic d’armes par la
France. Il prend alors la poudre d’escampette en Suisse où sa demande
d’asile est rejetée à deux reprises. Entre 2002 et 2004, il devient
néanmoins responsable du bureau exécutif du FIS à l’étranger. Depuis
1995, il est ainsi toléré sur le territoire helvétique, grâce à une
admission provisoire qui s’éternise. Privé de passeport par les
autorités algériennes, il est condamné à arpenter les 26 cantons. Lui,
sa femme, et ses six enfants, dont cinq sont nés ici.
Dans un français irréprochable, l’ex-leader par intérim
se défend de relayer tout discours propagandiste. Mais il confesse
volontiers entretenir des liens « quasi permanents » avec le leader
historique du FIS, Abassi Madani, et son bras droit Ali Belhadj, qui ont
croupi douze ans dans les geôles algériennes et ont toujours refusé de
condamner les activités armées du Groupe salafiste pour la prédication
et le combat (GSPC), devenu Al-Qaida Maghreb.
Quelle influence s’apprête à exercer Al-Rachad, et en
tirant quelles ficelles ? Une plateforme euro-atlantique chargée de
surveiller les cellules islamistes dormantes ayant une vitrine sur
Internet garde un œil attentif sur le mouvement. Pas de commentaire du
côté de l’ambassadeur algérien à Berne, qui réclame néanmoins
ponctuellement à la Confédération l’extradition de Mourad Dhina,
condamné par contumace à 20 ans de réclusion criminelle. Quant à la
Police fédérale, elle explique laconiquement : « Le groupement
d’opposition politique est connu de nos services (ndlr : Service analyse
et prévention de lutte contre le terrorisme), mais pour l’instant, on
ne décèle aucun lien avec des actes extrémistes violents. »
En attendant, la campagne de recrutement bat son plein
et Al-Rachad envisage de se doter de sa propre chaîne télévisée.
Directeur du Centre d’études et de recherche sur le monde arabe et
méditerranéen (Cermam) à Genève, l’Algérien Hasni Abidi souligne :
« C’est la première fois que des islamistes influents s’ouvrent autant.
C’est bon pour leur image. C’est donc un moyen de recruter le plus
possible. » A Londres, Mohamed Larbi Zitout, pilote du projet
d’Al-Rachad, résume sans détour son objectif : « Nous pensons organiser une sorte d’Intifada, de
manifestation nationale [...]. Il y aura toujours un prix à payer.
L’Algérie, ce n’est pas la Géorgie, on ne peut pas réussir une
révolution qu’avec des fleurs. »
Le Temps.Ch
Marion Moussadek – Mardi 26 juin
2007