« Je ne comprends pas ton optimisme, me déclara Ben Gourion. Pourquoi
les Arabes feraient-ils la paix ? Si j’étais, moi, un leader arabe,
jamais je ne signerais avec Israël. C’est normal : nous avons pris leur
pays. Certes, Dieu nous l’a promis, mais en quoi cela peut-il les
intéresser ? Notre Dieu n’est pas le leur. Nous sommes originaires
d’Israël, c’est vrai, mais il y a de cela deux mille ans : en quoi cela
les concerne-t-il ? Il y a eu l’antisémitisme, les nazis, Hitler,
Auschwitz, mais était-ce leur faute ? Ils ne voient qu’une chose : nous
sommes venus et nous avons volé leur pays. Pourquoi l’accepteraient-ils ?
Ils oublieront peut-être dans une ou deux générations, mais, pour
l’instant, il n’y a aucune chance. Alors, c’est simple : nous devons
rester forts, avoir une armée puissante. Toute la politique est là.
Autrement, les Arabes nous détruiront. »
J’étais bouleversé par ce
pessimisme, mais il poursuivit : « J’aurai bientôt soixante-dix ans. Eh
bien, Nahum, me demanderais-tu si je mourrai et si je serai enterré dans
un Etat juif que je te répondrais oui : dans dix ans, dans quinze ans,
je crois qu’il y aura encore un Etat juif. Mais si tu me demandes si mon
fils Amos, qui aura cinquante ans à la fin de l’année, a des chances de
mourir et d’être enterré dans un Etat juif, je te répondrais :
cinquante pour cent. — Mais enfin, l’interrompis-je, comment peux-tu
dormir avec l’idée d’une telle perspective tout en étant Premier
ministre d’Israël ? — Qui te dit que je dors ? » répondit-il simplement." (Nahum Goldman dans Le
Paradoxe juif)