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Commentaire de poetiste

sur L'Assommoir éducatif


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poetiste poetiste 28 mai 2010 23:59

Ennui et passion.

L’ennui à l’école secondaire, je n’ai pas connu ça. Il n’y avait pas d’élèves fils d’ouvriers dans les collèges en 1949, à moins qu’ils n’aient passé un concours pour obtenir une bourse.
J’ai passé et obtenu un fameux diplôme : le certificat d’études primaires, ce qui me fait dire à ceux qui ont poursuivi de hautes études : j’ai le bac + 10 en Français.
Et comme ces études m’ont manqué, je suis devenu ouvrier d’usine en 1960, un temps où l’on claquait dans ses doigts et dix patrons vous tombaient sur le râble. Et de vous vanter les avantages de leur société ! Le contexte n’est plus le même ; nous avions le boulot assuré.
Avant 1960, dans les années 57/58, on m’a envoyé en Algérie. Ouf ! Je n’ai tué personne !
Et je me suis marié et j’ai eu deux enfants. Il va sans dire que si l’un d’eux ne comprenait pas un mot que je prononçais, je lui enjoignais d’aller consulter le dictionnaire. (Et je me cultivais avec mes enfants). Et la télévision était discutée et limitée dans la concertation : un coup de feutre jaune sur les émissions choisies à l’unanimité.
Aux réunions de parents professeurs : file d’attente longue devant le prof de maths, un peu moins devant le prof de Français et quasiment rien devant la prof d’art.
Je lui disais : je commence par vous car je passe tout de suite au plus important. Sourire de la prof qui ne semblait pas convaincue de mon sérieux, ce qui est un comble. La création, n’est-ce pas ce qu’il y a de plus important ?
Aujourd’hui mes deux fils ont un travail et un des deux est linguiste, il a obtenu un DEA avec mention « très bien ». Il écrit dans le genre « fantastique ». Il vit au Japon.
J’ai écrit moi-même un livre de poésie. Si je fais ce témoignage, c’est par rapport à cet ennui. Comment en est-on arrivé là ?
Peut-être doit on avoir une vue un peu plus holistique des choses et considérer le problème de l’enseignement dans le contexte actuel, plutôt inquiet, voire désenchanté.
Un ami prof de droit me montre des copies d’universitaires : fautes d’orthographe : une dizaine par page et surtout une incapacité à s’exprimer correctement.
Je propose donc de réhabiliter le certificat d’études primaires, de forcer sur les dictées et les compositions françaises.
Bon ! Allez ! J’ai eu de la chance, les sms n’existaient pas en1943 et pour nous désennuyer, une sirène retentissait de temps à autre pour que nous allions nous planquer dans les tranchées. Les SS avaient réquisitionné la moitié de la maison et nous imposaient un couvre feu. A noter que je relate mais ne me plains pas. Enfant, ça nous passe un peu au dessus la guéguerre des grands. C’est après que l’on mesure les dégâts mais l’avenir ne pouvait être que mieux.
Il l’a été et voilà qu’il devient ennuyeux. Alors, je compatis. Je comprends le marasme, c’est le goût de l’étude qui manque, l’étude qui élargit notre champ de vision.
Et pour ceux qui découragent : septuagénaire, j’ai appris l’Anglais et la guitare classique. Il n’est jamais trop tard pour sortir de l’ennui.
Il me semble avoir le charisme de remonter le moral de certains jeunes qui ne croiraient plus à leur chance, qui auraient perdu la capacité d’émerveillement ou celle d’indignation.
Bonheur à ceux qui vont rester dans la beauté des choses comme aurait dit Aragon. Si l’ennui naquit de l’uniformité, c’est que ce qui nous unit est devenu fort mité.
Le goût et le respect de la langue maternelle, on pense que cela ne rapporte rien à court terme, mais ça reste l’avenir, c’est un indicateur de la santé tout le reste.
Parole d’ex-père, parole d’ex-ouvrier !

A.C


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