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Commentaire de sisyphe

sur Assaut israélien : la dérive d'une armée dévorée par la religion ?


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sisyphe sisyphe 2 juin 2010 12:43

« Gaza sera notre Vietnam »



Les guerres révèlent aux peuples de terribles vérités sur eux-mêmes. C’est pourquoi il est si difficile pour eux de les écouter. Nous, Israéliens, étions résolus à ne pas porter un regard honnête sur la première guerre de Gaza [2008-2009]. Aujourd’hui, c’est dans les eaux internationales, où Tsahal a ouvert le feu sur un groupe d’humanitaires et de militants du monde entier, que nous sommes en train de livrer et de perdre la deuxième. Au bout du compte, cette deuxième guerre de Gaza pourrait se révéler bien plus coûteuse et bien plus douloureuse que la première.


En partant en guerre à Gaza fin 2008, l’armée et les dirigeants politiques israéliens espéraient donner une leçon au Hamas. Ils y ont réussi. Le Hamas y a appris que le meilleur moyen de combattre Israël était de le laisser aller au bout de ce qu’il avait commencé de son propre chef : ruer dans les brancards, commettre des bévues, faire de l’obstruction, et enrager.

Le Hamas mais aussi l’Iran et le Hezbollah ont compris très tôt que l’embargo d’Israël contre la bande de Gaza, dirigée par le mouvement islamique, était l’arme la plus puissante et la plus sophistiquée qu’ils pourraient jamais rêver de déployer contre l’Etat juif. Ici en Israël, nous n’avons pas encore compris la leçon : nous ne défendons plus Israël. Nous défendons désormais le siège [de Gaza] – ce siège qui, à lui seul, devient le Vietnam israélien.

Evidemment, nous savions que cela pouvait arriver. Dimanche 30 mai, quand le porte-parole de l’armée a commencé à présenter la flottille humanitaire en route pour Gaza comme une attaque contre Israël, Nahman Shai, député à la Knesset et premier porte-parole de Tsahal pendant la guerre du Golfe de 1991, a déclaré publiquement craindre que ne se réalise son pire cauchemar : des soldats israéliens attaquant les navires et ouvrant le feu sur des pacifistes, des humanitaires et des Prix Nobel de la paix. Miri Regev, députée du Likoud et elle aussi ancien chef du bureau du porte-parole de l’armée israélienne, a estimé lundi 31 mai que le plus important était désormais de réagir au plus vite à la couverture médiatique négative afin d’y mettre un terme.

Mais on n’arrivera pas à occulter l’affaire. L’un des bateaux porte le nom de Rachel Corrie [pacifiste américaine], morte il y a sept ans en tentant de barrer la route à un bulldozer de Tsahal à Gaza. Son nom et son histoire sont depuis lors devenus des symboles brandis par les militants propalestiniens.

Il y a sans doute plus inquiétant encore : progressant tel le lemming vers une folle dégradation de nos relations avec la Turquie, une puissance régionale de poids qui, si l’on en avait pris conscience, aurait pu contribuer à modifier le cours de la première guerre de Gaza, nous nous sommes dangereusement rapprochés d’une déclaration de guerre à Ankara. “Cela va créer un très gros incident avec les Turcs, c’est certain”, a ainsi reconnu Benyamin Ben-Eliezer, le ministre du gouvernement le plus conscient de l’importance des liens d’Israël avec le monde musulman.

Nous affirmons à qui mieux mieux que nous ne sommes pas en guerre avec le peuple de Gaza. Nous le répétons sans cesse parce que nous-mêmes avons besoin d’y croire – et parce qu’au fond nous n’y croyons pas. Il fut un temps où l’on pouvait dire que nous ne nous connaissions vraiment qu’en temps de guerre. Ce n’est plus le cas. C’est là un autre problème issu de notre refus de discuter avec le Hamas et l’Iran : ils nous connaissent bien mieux que nous ne nous connaissons.

Ils savent, comme le suggérait la chanson sur la guerre du Liban (Lo Yachol La’atzor Et Zeh) [On ne peut pas arrêter ça], que, incapables de porter sur nous le moindre regard lucide, nous ne sommes plus capables non plus de nous arrêter. Le Hamas, comme l’Iran, a appris à connaître et à tirer profit de la toxicité de la politique intérieure israélienne, caractérisée par une trop grande disposition à hypothéquer l’avenir pour le bénéfice d’un moment de calme apparent.

Ils savent que, trop soucieux de protéger notre propre image, nous éviterons de revenir sur des choix politiques qui, de facto, apportent aide et réconfort à nos ennemis, en particulier au Hamas, que le siège de Gaza enrichit grâce aux taxes sur les marchandises transitant par les tunnels [creusés à la frontière avec l’Egypte] et consolide grâce à la colère contre Israël.

Beaucoup, à droite précisons-le, vont se réjouir en silence de l’évolution calamiteuse à prévoir. Le refrain des “On vous l’avait bien dit” va retentir : “Quoi que nous fassions, le monde nous déteste. Nous pouvons donc aussi bien poursuivre les constructions (lire : ‘coloniser la Cisjordanie et Jérusalem-Est’) et continuer à défendre nos frontières (lire : ‘renforcer le Hamas et, au bout du compte, nous faire du tort à nous-mêmes en refusant de lever l’embargo sur Gaza’).”


Le Hamas, l’Iran et la droite dure en Israël et dans la diaspora sont tous bien conscients que c’est là une épreuve d’une importance cruciale pour Benyamin Nétanyahou. Désireux de voir tous les regards de la communauté internationale fixés sur l’Iran et la menace qu’il représente pour le peuple israélien, le Premier ministre doit prendre conscience, lui, que le monde entier a aujourd’hui les yeux rivés sur Israël et la menace que l’Etat juif représente pour le peuple de Gaza.



Bradley Burston

éditorialiste de Ha’Aretz.


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