Ce qui fonde l’intérêt du livre, c’est aussi ses interrogations sur la réception de la littérature populaire (ainsi du cas d’Harry Potter, série reçue diversement par celles et ceux, enseignants notamment, qui se félicitent ou non que son succès incite à la lecture), sur la manière dont sont enseignées la littérature et les genres littéraires...
Ce n’est pas par nostalgie ou passéisme que je trouve très suspecte l’utilisation qui est faite, dans l’enseignement, des apports de l’analyse sémantique.
Oui, il n’est pas indifférent de décortiquer un texte en s’appuyant sur une grille permettant de repérer qui est le « locuteur », le « narrateur », l’« auteur », &c.
Le problème, c’est qu’on finit par suggérer que la fiction ne doit être vue qu’à travers ce type d’approche. Pourquoi ne pas pousser la logique et demander des tableaux de tableur genre Microsoft Excel, et des graphiques et des camemberts ? L’exposé remplacé par une présentation PowerPoint ?
Et pourquoi encore des devoirs de lettres écrits, rédigés ? Un bon QCM, genre « Questions pour un champion », ne faciliterait-il pas la correction ? Et prêterait moins le flanc à une interrogation sur la docimologie ?
Or, on peut en arriver à des méthodes rappelant celles de l’enseignement dans la Moldavie soviétique : rabâchage écartant toute incitation à une vraie réflexion. Le modèle cubain est de ce point de vue significatif : la dissertation est bannie dans l’enseignement. Les formes du totalitarisme sont diverses mais ses visées sont souvent identiques partout. Tout comme dans un prétoire d’assises, accusateurs publics et avocats ne posent plus la question que s’ils ne peuvent s’attendre qu’à une réponse conforme à leur souhait, sans digression laissant place à la nuance, au doute. On peut se demander si le livre d’Anne Larue ne transgresse pas un modèle désormais imposé, excluant toute autre approche. Et c’est pourquoi, je crois, il est important de se donner les moyens d’en prendre connaissance.