Ancien combattant, héros de la Seconde Guerre mondiale, grande figure des guerres d’
Indochine et d’
Algérie, le
général Marcel Bigeard,
l’officier le plus décoré de France est décédé vendredi matin à son
domicile de Toul en Meurthe-et-Moselle à l’âge de 94 ans, a-t-on appris
auprès de son épouse. Cinq fois blessé au combat, trois évasions,
c’était une personnalité hors du commun, une force de la nature, au
franc-parler légendaire.
« Trente ans de sauts en parachutes, dont vingt ans dans la guerre », un homme d’action et de combats qu’il aura menés jusqu’au bout, restant fidèle à ses convictions.
Né à Toul en Meurthe-et-Moselle le 14 février 1916,
Marcel Bigeard, devenu employé de banque à l’âge de 14 ans, est appelé sous les drapeaux comme 2e
classe en 1936 et libéré avec le grade de caporal-chef en septembre
1938. Avec la Seconde Guerre mondiale, il est rappelé en 1939 au sein
du 23e RIF (régiment d’infanterie de forteresse) et promu sergent.
Volontaire pour les corps francs, les commandos de l’époque, il devient
rapidement sergent puis adjudant à l’âge de 24 ans.
Nom de code « Commandant Aube » Le 10 mai 1940, les Allemands envahissent la France. L’Armistice est signé le 22 juin 1940.
Marcel Bigearda déjà à son actif, une blessure, trois croix de guerre. Fait
prisonnier, il est envoyé au Stalag 12A au camp de prisonniers de
Limbourg en Allemagne. C’est à la troisième tentative qu’il réussit à
s’évader en novembre 1941, retourne à Toul, puis direction Nice en zone
libre. En 1943, il rejoint Dakar, est engagé dans les troupes
coloniales au Sénégal.
Promu sous-lieutenant, il rallie Mekhnès au Maroc, se porte volontaire pour partir à
Alger,
suivre un entraînement parachutiste, pour sauter en France pour des
missions de sabotage avec les résistants français. Nom de code «
commandant Aube ». Ilest
parachuté en Ariège le 8 août 1944, pour encadrer l’action des
résistants. À la fin de la guerre, il sera décoré de la Légion
d’honneur et du
Distinguished Service Order britannique pour ses actions en Ariège. Il n’a que 28 ans. Il est nommé capitaine en 1945.
Dans l’enfer de Diên-Biên-Phu
En septembre de la même année, le capitaine
Bigeard reçoit le commandement de la 6e compagnie du 23e RIC (régiment d’infanterie coloniale), désigné pour le corps expéditionnaire en
Indochine.
Il débarque à Gia-Dinh près de Saigon et parcourt la Cochinchine. Après
de nombreuses batailles à la tête d’une compagnie parachutiste du 3e bataillon thaï (1948-51) et trois séjours indochinois, il est parachuté à Diên-Biên-Phu, le 20 novembre 1953, avec le 6e bataillon para au milieu des Viets. Les combats au corps à corps sont terribles.
Le
16 mars 1954, « Béatrice » et « Gabrielle », deux postes avancés sur les
collines, tombent. Il ressaute avec son bataillon sous le feu des
Vietcongs dans la célèbre cuvette de Diên-Biên-Phu. Une bataille
héroïque qui durera 50 jours jusqu’à l’arrêt des combats le 7 mai 1954.
Fait prisonnier, il sera libéré après les accords de Genève. Devenu
lieutenant-colonel
Bigeard, il rentre à Paris le 25 septembre 1954.
Honneurs, blessures, torture Le 25 octobre 1955,
Marcel Bigeard prend le commandement du 3e BPC (bataillon de parachutistes coloniaux) dans la région de Constantine en
Algérie. Opération 744 en Kabylie, bataille des monts Nementcha, sécurisation d’
Alger, opérations
Atlas et Agounnenda dans les massifs de Blida
, opération Timmoun :
Marcel Bigeard est de tous les combats, il collectionne les honneurs et les blessures.
Le 27 août 1959, le général De Gaulle le rencontre à
Alger.
Bigeardse voit confier le commandement du secteur de Ain-Sefra, soit un
effectif de 15.000 hommes. Il sera accusé par la suite d’avoir pratiqué
la torture pendant cette période. Lui s’en est toujours défendu. A deux
journalistes suisses de
Liberté, il rétorque des années après : «
Vous
voulez parler de torture. C’est un mot que je déteste (...) Evitez ce
mot-là ! Vous savez, nous avions affaire à des ennemis motivés, des
fellaghas, et les interrogatoires musclés, c’était un moyen de récolter
des infos. Mais ces interrogatoires étaient très rares et surtout je
n’y participais pas. Je n’aimais pas ça. Pour moi, la gégène était le
dernier truc à utiliser. »
« J’ai trop aimé la France... » Ce
seront ensuite des années passées en Centrafrique, au Sénégal, dans
l’Océan indien, puis retour en France où il est promu général de corps
d’armée en 1974. Il prend le commandement de la 4e Région Militaire à Bordeaux, soit 40.000 hommes dont 10.000 parachutistes.
En
janvier 1975, le président Valéry Giscard d’Estaing lui propose le
poste de secrétaire d’Etat à la Défense. Il occupera ce poste jusqu’en
août 1976, date à laquelle il remet sa démission. Il est ensuite élu
député UDF de Meurthe-et-Moselle en 1978 et préside la commission de
Défense nationale. Il sera réélu jusqu’en juin 1988.
C’est
dans sa maison de Toul qu’il vivra ces années de retraite. Il rédigera
de nombreux livres, seize en tout, qui racontent sa carrière militaire,
ses batailles d’
Indochine et d’
Alger,
mais aussi ce qu’il pense de l’époque, de l’armée, du monde qui change
et de sa vision de la France. Avec la mort s’éteint la voix d’un
éternel trublion aux légendaires coups de gueules, qui avait besoin de
dire haut et fort ce qu’il pensait jusqu’au bout. «
Je vais casser ma pipe et je ne serai pas mécontent. Car j’ai trop aimé la France pour accepter ce qu’elle est devenue », confiait-il récemment dans les colonnes du
Figaro.
Mes condoleances a la famille, aux proches et aux Paras.
Que Saint Michel veille sur ce grand guerrier et l’accompagne dans son voyage vers d’autres cieux.