J’avoue avoir été un peu perdu après votre premier
commentaire, car pour moi, Dieu pouvait prendre des attributs purement
terrestres dans l’islam, tels que la parole (mais c’est vrai qu’Allah ne
s’incarne absolument pas ni ne se manifeste en dehors de la révélation du
Coran, il n’y a aucun équivalent de Dieu qui parle à Samuel, à Moïse, ou qui
apparait à Ezechiel), ce qui apparait comme normal pour un chrétien ou un juif
(Dieu fait ce que bon lui semble), mais serait perçu comme un manquement à sa
nature divine dans l’islam, où si je vous suis cette notion de distance entre
Dieu et les hommes doit être absolue et n’a jamais souffert d’exception.
Effectivement, on a tendance à placer l’islam comme simplement le
dernier épisode du monothéisme abrahamique, après le christianisme et judaïsme
et rien d’autre et on oublie généralement des différences essentielles :
dont la centralité de la pure transcendance divine : qui change évidemment
et le rapport au Divin et le concept même de divin. Pourtant, les exemples sont
nombreux dont ceux que vous avez cité : mais aussi par exemple le fait que
Allah ne se repose pas après sa création : le Divin ne peut être fatigué…bref
mis à part Moïse, Kalim Allah, le seul prophète à avoir conversé avec Dieu :
aucune similarité pour le reste.
Mais il en découle des différences radicales pour
la manière dont on envisage le Coran, et proscrit totalement, à l’avance et
avant même qu’elle soit proférée, toute interprétation littéraliste du texte.
Effectivement puisqu’en
désacralisant et en plaçant dans le Temps le texte coranique, automatiquement autant
le rapport que la conception de la Loi changera : on aboutit de fait à un
autre paradigme : bien entendu la thèse mutazilite ne pouvait être acceptée
par les autres théologiens sunnites puisque pour eux le texte coranique étant
incréé, ce que le prophète Mohamed avait prononcé était véritablement la Parole
divine : identique stricto sensu à
ce qui subsistait dans son Essence divine. Juwayni
écrit : « L’ange Gabriel saisit
la Parole de Dieu, pendant qu’il était à sa place au-dessus des sept cieux, et
descendit ensuite sur la Terre (…) sans qu’il y ait déplacement de la parole même. »
cela conduit inéluctablement à la tentation littéraliste, un moment ou l’autre :
puisqu’il n’y a saisie et révélation sans aucune modification, changement ni
même déplacement : bref une livraison instantanée
d’une parole incréée éternelle : ce qui bien entendu change la nature de
la Loi autant que sa conception : un tout autre paradigme.