Superbe article, qui rappelle la complexité de ce film, le western de Léone le plus abouti pour moi, même si ce n’est pas forcément celui que je préfèrerais regarder, histoire de paresse intellectuelle, je préfère « et pour quelques dollars de plus », d’une construction narrative et d’une mise en scène plus habituelles.
Le thème de l’arrivée du capitalisme dans l’Ouest profond est intéressant et l’auteur a bien fait d’en parler. Il y a le personnage de Morton tout d’abord, qui annonce la fin de types comme Franck, et à terme d’Harmonica, même si Morton est mourant, il amène le chemin de fer, qui sonnera implacablement la fin d’un monde. Il y a aussi MacBain, qui est aussi lié au chemin de fer, contrairement aux hommes tels que Franck il est calculateur, tenace et sacrifie le présent à l’avenir, dans des perspectives de calcul rationnel à long terme et d’investissement. Homme visiblement austère, voire rude dans sa discipline familiale, il aurait été un idéal-type weberien parfait s’il avait vécu en Hollande.
Le regard sur le capitalisme a évolué depuis les débuts de Leone. « Pour une poignée de dollars » est clairement marxisant dans la mise en scène de deux factions dominatrices qui exploitent un village et dont la disparition finale ramène la paix. On peut trouver aussi des thématiques marxistes si l’on cherche un peu également dans « le colosse de Rhodes », dans les rapports entre un pouvoir tyrannique et des masses aliénées. Par contre, ensuite, si Leone garde une certaine antipathie à l’argent (des termes imparfaits pour un thème qui mériterait développement et analyse), dans un film tel qu’il était une fois en Amérique, il n’y a plus de fin triomphante comme à ses débuts, le regard est désabusé. L’argent corrompt mais il reste un horizon indépassable, ou du moins que les hommes n’arrivent pas à dépasser, peut-être que parce que Leone voit très bien que l’argent et la domination ont partie liée et que l’articulation entre les deux est très forte dans ses films et très intelligemment traitée (les trois « il était une fois... » notamment).
Les réflexions sur le thème de la mort sont d’une grande finesse, elles me rappellent la même thématique dans « et pour quelques dollars de plus ».