Il y a de nombreuses langues pour lesquelles l’orthographe n’existe pas (écriture purement phonétique), ou est relativement simple. Le français et l’anglais sont les pires langues en la matière je crois (parmi les langues basées sur un alphabet). Si on part de l’idée que la fonction du langage est de faciliter la communication, ces complications orthographiques n’ont pour la plupart aucune raison d’être, c’est simplement le poids du passé que nous portons avec ces orthographes biscornues. Il y a certes un intérêt étymologique et linguistique, mais je ne pense pas que le jeu en vaille la chandelle. Il faudra bien un jour que l’on ait le courage d’entamer une grande réforme là-dessus. (comme les Italiens, qui ont surmonté leur angoisse de la castration en supprimant le « h » de l’uomo [l’homme]).
L’important, il me semble, est de comprendre le sens des mots et celui de la syntaxe qu’on utilise, ou du moins de les employer selon une certaine logique (on peut en effet réinventer le langage, c’est d’ailleurs une nécessité pour introduire de nouveaux concepts ou une nouvelle vision des choses). Le langage est quelque chose de vivant, il est un peu absurde de vouloir le figer dans des conventions gravées dans le marbre. (Je ne nie pas la nécessité d’avoir des conventions, mais une écriture phonétique, intelligemment définie, pourrait avantageusement remplacer le système orthographique, comme le système métrique a remplacé les anciennes unités de mesure). Savoir bien utiliser les virgules est, d’ailleurs, tout aussi important que l’orthographe pour s’exprimer clairement.
L’orthographe, comme le style et le niveau de langage, permet de discriminer les interlocuteurs. Elle indique le niveau d’éducation, dévoile les origines étrangères, le niveau de compréhension des mots utilisés, la richesse de leurs références intellectuelles. C’est un outil de domination pour les élites. C’est aussi un outil de soumission à l’autorité. Et elle restreint le nombre de personnes qui peuvent s’exprimer avec crédibilité. Pour toutes ces raisons, qui ne correspondent pas à l’intérêt général, mais bien aux intérêts des puissants, il est peu probable que l’orthographe soit réformée significativement avant longtemps.
L’orthographe est liée à la question du pouvoir. Sans un changement de régime politique, ou une diffusion très large et forte des idées démocratiques et/ou anarchistes par exemple, l’orthographe telle qu’on la connaît a de beaux jours devant elle.