Vous vous trompez : la loi Gayssot n’a pas mis fin aux recherches historiques, qui continuent à être très nombreuses sur cette période. En fait, il n’y a aucun exemple d’historien qui se soit plaint de ce que cette loi l’empêchait de travailler (Faurisson &Co ne sont pas des historiens, mais des falsificateurs ; Faurisson fut d’ailleurs condamné bien avant la loi Gayssot ; voir le détail de tout cela sur www.phdn.org ou www.nizkor.org par exemple). Imaginez une loi qui interdit de nier l’existence de Napoléon : on pourrait la juger liberticide et stupide, mais personne ne prétendrait qu’elle limite le travail de l’historien.

Une bonne explication des motivations de cette loi (qui n’a mis fin ni à la promotion effrénée des thèses négationnistes, ni à la patiente démonstration de leur fausseté par des gens dévoués, là aussi renseignez-vous un peu...) se trouve ici :

http://www.phdn.org/negation/gayssot/critiques.html

En résumé le négationnisme est une version moderne du protocole des sages de Sion (les juifs auraient inventé le mythe de leur extermination et l’auraient imposé au monde entier, avec des milliers de faux témoignages et d’extorsion d’aveux forcés d’anciens bourreaux) maquillé en « histoire » et qui peut avoir l’efficacité de toute propagande (la fausseté démontrée des Protocoles n’empêche pas qu’ils demeurent un objet de conviction pour beaucoup d’esprits crédules).

La référence au procès de Nuremberg en particulier dans la loi Gayssot est maladroite (mieux vaudrait se référer aux grandes lignes de consensus entre historiens) ; mais en pratique aucun historien de bonne foi remettant en cause des points particuliers initialement « validés » lors de ce procès n’a jamais été inquiété.

Après, comme je l’ai écrit plus haut on peut très bien considérer comme abusive cette limitation de la liberté d’expression (comme pour l’expression du racisme). Là où Blanrue se moque manifestement du monde, c’est quand il qualifie de « recherches historiques » le ridicule tract de Reynouard. Cela suffit à disqualifier le texte de sa pétition, quelle que soit la position que l’on tient sur le principe de la liberté d’expression.

L’argument selon lequel il suffit de laisser chacun s’exprimer est très naïf et sous-estime beaucoup le pouvoir de la propagande. Pourquoi interdit-on la diffamation alors qu’il est théoriquement facile pour quelqu’un de diffamé de montrer la fausseté des accusations dont il est victime ? Parce qu’il est plus facile d’articuler un mensonge que de montrer que cela en est un, et parce qu’il en reste toujours quelque chose. La meilleure preuve est dans les commentaires de beaucoup d’internautes suite à cette pétition, du style « je ne sais pas, il y a des arguments des deux côtés, je ne tranche pas » ce qui est aussi crétin que de douter de l’existence de Napoléon parce qu’une bande d’allumés prétendrait avoir découvert que c’est une invention du Grand Complot Corse pour dominer le monde.

Une dernière fois : l’idée que la censure des textes négationnistes empêche de se faire une idée est totalement fausse puisque ces textes, grâce à internet, n’ont jamais été aussi disponibles qu’aujourd’hui. Le tract de Reynouard qu’il a essayé de diffuser à quelques dizaines de personnes sous format papier est accessible à des millions sur internet.

C’est peut-être ce qui condamne à terme la loi Gayssot, d’ailleurs : elle n’empêche pas la diffusion des thèses négationnistes mais elle leur donne un argument supplémentaire pour leur propagande auprès d’esprits faibles, en faisant croire qu’une censure empêche la « confrontation loyale » entre deux thèses d’égale valeur.