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Commentaire de blanrue

sur Noam Chomsky pour l'abrogation de la loi Gayssot et la libération de Vincent Reynouard !


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blanrue blanrue 11 septembre 2010 23:23

ROBESPIERRE, DISCOURS SUR LA LIBERTE DE LA PRESSE (encore quelqu’un qui a été lu de travers).

Prononcé à le Société des Amis de la Constitution le 11 mai 1791

Utilisé en partie devant l’Assemblée Nationale le 22 août 1791

(...)

 La liberté de la presse est le plus redoutable fléau du despotisme.

(...)

Aussi voyez avec quelle artificieuse politique les despotes se sont ligués contre la liberté de parler & d’écrire ; voyez le farouche inquisiteur la poursuivre au nom du ciel, & les princes au nom des lois qu’ils ont faites eux-mêmes pour protéger leurs crimes. Secouons le joug des préjugés auxquels ils nous ont asservis, & apprenons d’eux à connaître tout le prix de la liberté de la presse.

(...)

Priver un homme des moyens que la nature & l’art ont mis en son pouvoir de communiquer ses sentiments & ses idées, pour empêcher qu’il n’en fasse un mauvais usage, ou bien enchaîner sa langue de peur qu’il ne calomnie, ou lier ses bras de peur qu’il ne les tourne contre ses semblables, tout le monde voit que ce sont là des absurdités du même genre, que cette méthode est tout simplement le secret du despotisme qui, pour rendre les hommes sages & paisibles, ne connaît pas de meilleur moyens que d’en faire des instruments passifs ou de vils automates.

(...)

Décrèterez-vous que les hommes ne peuvent donner l’essor à leurs opinions, si elles n’ont obtenu le passeport d’un officier de police, ou qu’ils ne penseront qu’avec l’approbation d’un censeur, & par permission du gouvernement ?

(...)

La liberté de publier son opinion ne peut être autre chose que la liberté de publier toutes les opinions contraires. Il faut, ou que vous lui donniez cette étendue, ou que vous trouviez le moyen que la vérité sorte d’abord toute pure & toute nue de chaque tête humaine. Elle ne peut sortir que du combat de toutes idées vraies ou fausses, absurdes ou raisonnables. C’est dans ce mélange, que la raison commune, la faculté donnée à l’homme de discerner le bien & le mal, s’exerce à choisir les unes, à rejeter les autres. Voulez-vous ôter à vos semblables l’usage de cette faculté, pour y substituer votre autorité particulière ? Mais quelle main tracera la ligne de démarcation qui sépare l’erreur de la vérité ? Si ceux qui font les lois ou ceux qui les appliquent, étaient des êtres d’une intelligence supérieures à l’intelligence humaine, ils pourraient exercer cet empire sur les pensées : mais s’ils ne sont que des hommes, s’il est absurde que la raison d’un homme soit, pour ainsi dire, souveraine de la raison de tous les autres hommes, toute loi pénale contre la manifestation des opinions n’est qu’une absurdité.

(...)

Mais on me parle d’un écrit incendiaire, dangereux, séditieux ; qu’est-ce qu’un écrit incendiaire, dangereux, séditieux ? Ces qualifications peuvent-elles s’appliquer à celui qu’on me présente ? je vois naître une foule de questions qui seront abandonnées à toute l’incertitude des opinions ; je ne trouve plus ni faits ni témoins, ni loi, ni juge ; je n’aperçois qu’une dénonciation vague, des arguments, des décisions arbitraires. L’un trouvera le crime dans la chose, l’autre dans l’intention, un troisième dans le style. Celui-ci méconnaîtra la vérité ; celui-là la condamnera en connaissance de cause ; un autre voudra punir la véhémence de son langage, le moment même qu’elle aura choisi pour faire entendre sa voix.

(...)

L’homme de génie qui révèle de grandes vérités à ses semblables est celui qui a devancé l’opinion de son siècle : la nouveauté hardie de ses conceptions effarouche toujours leurs faiblesse & leur ignorance ; toujours les préjugés se ligueront avec l’envie, pour le peindre sous des traits odieux ou ridicules. C’est pour cela précisément que le partage des grands hommes fut constamment l(ingratitude de leurs contemporains, & les hommages tardifs de la postérité ; c’est pour cela que la superstition jeta Galilée dans les fers & bannit Descartes de sa patrie.

(...)

Ne voyez-vous pas que, par le cours nécessaire des choses, le tems amène la proscription de l’erreur & le triomphe de la vérité ? laissez aux opinions bonnes ou mauvaises un essor également libre, puisque les premières seulement sont destinées à rester. Avez-vous plus confiance dans l’autorité, dans la vertu de quelques hommes, intéressés à arrêter la marche de l’esprit humain, que dans la nature même ? elle seule a pourvu aux inconvéniens que vous redoutez ; ce sont les hommes qui les feront naître.

(...)

comment osez-vous arrêter ce commerce de la pensée, que chaque homme a le droit d’entretenir avec tous les esprits, avec le genre humain tout entier ? l’empire de l’opinion publique sur les opinions particulières est doux, salutaire, naturel, irrésistible ; celui de l’autorité & de la force est nécessairement tyrannique, odieux, absurde, monstrueux.

(...)

Qui sont ceux qui déclament sans cesse contre la licence de la presse, & qui demandent des lois pour la captiver ? ce sont ces personnages équivoques, dont la réputation éphémère, fondée sur les succès du charlatanisme, est ébranlée par le moindre choc de la contradiction ; ce sont ceux qui voulant à-la-fois plaire au peuple & servir les tyrans, combattus entre le désir de conserver la gloire acquise en défendant la cause publique, & les honteux avantages que l’ambition peut obtenir en l’abandonnant, qui, substituant la fausseté au courage, l’intrigue au génie, tous les petits manèges des cours aux grands ressorts des révolutions, tremblent sans cesse que la voix d’un homme libre vienne révéler le secret de leur nullité ou de leur corruption ; qui sentent que pour tromper ou pour asservir leur patrie, il faut, avant tout, réduire au silence les écrivains courageux qui peuvent la réveiller de sa funeste léthargie, à-peu-près comme on égorge les sentinelles avancées pour surprendre le camp ennemi ; ce sont tous ceux enfin qui veulent être impunément faibles, ignorans, traîtres ou corrompus.

(...)

L’Assemblée nationale déclare :

1° Que tout homme a le droit de publier ses pensées ; par quelques moyens que ce soit ; & que la liberté de la presse, ne peut être gênée ni limitée en aucune manière.

2° Que quiconque portera atteinte à ce droit doit être regardé comme ennemi de la liberté, puni par la plus grande des peines, qui seront établies par l’Assemblée Nationale.


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