Ah, le futur d’Ikea.
Detroit, oui, ça fait froid dans le dos.
Perso, je n’ai fait que me tromper tout au long de ma vie, je ne suis donc d’aucune autorité.
Je crois qu’une entreprise qui dure plus de 10 ans commence à être une réussite. Une entreprise qui dure 40 ans est une très belle réussite.
Il n’est pas concevable qu’une entreprise, même souple et réactive, soit éternellement dans le coup. J’aurai peut-être tort une fois de plus mais je crois que Coca Cola, SNCF, Air France et Levis Strauss disparaîtront avant un siècle.
Que IK réussisse à tenir 50 ans avec son IKEA et ce sera déjà une superbe réussite (sur le plan égocentriquement commercial)
Comment, pourquoi IKEA pourrait tomber et par quoi serait-il remplacé ?
Contrairement à moi, d’autres avaient pigé que IK avait eu raison et l’ont progressivement imité, en grande partie. Déjà selon ce principe du suivisme, Ikea ne peut que se retrouver talonné voire dépassé un jour ou l’autre.
Le principe selon lequel celui qui tient les points de vente dotés de grands parkings, tient le marché, après s’être appliqué aux grands épiciers, s’est appliqué au secteur du mobilier .
Il fallait donc créer des points de vente, un réseau de vente pour tenir les usines de production dans ses mains (on pourrait dire entre ses griffes si on la jouait plus extrême gauche)
Une fois ce principe de base considéré et acquis, il y avait à élargir le marché pour passer du seul mobilier à tout le bazar qui équipe et décore un habitat, voire un bureau.
Dans ce mouvement de ratissage, il fallait introduire du nouveau et Ikea l’a très bien fait. Alors que les boutiques du Faubourg Saint Antoine semblaient de plus en plus décalées. (Elles ont mis un temps fou pour proposer des mobiliers intégrant la Hi Fi, la télé, le frigo et quand elles l’ont fait, c’était style Louis XXL)
En 1983, j’étais directeur technique de la SPAS, quai d’Austerlitz. Nous y avions 6 000 m² de surface d’exposition. Mon boulot consistait à préparer techniquement chaque salon. Nous y accueillions (tiens, comment ça se prononce ?) par exemple Marjolaine, le salon des médecines douces et surtout le la Maison des Importateurs et Créateurs. MIC était alors le premier salon où se retrouvaient les arpenteurs de la Planète qui ramenaient en France soit des objets exotiques glanés tels quels, soit, plus rarement, des objets qu’ils avaient fait fabriquer par des artisans exotiques.
Or MIC était réservée aux professionnels. Le public ignorait donc tout de ce qui se tramait au niveau de la décoration et croyait que Marie-Claire inventait tout. Je n’en savais évidement rien à l’époque mais je comprends aujourd’hui que des gens d’Ikea avaient arpenté MIC et flairé les tendances en considérant ce que Marie-Claire acclamait.
Quand un éditeur comme Flamant, De Bejarry ou Asiatides ramenait d’Asie un container de pique-cierges en métal genre zinc et que Marie-Claire les reprenait en photo, les renifleurs d’Ikea comprenaient qu’ils pouvaient bosser sur cette matière et leurs designers s’y sont mis en l’introduisant partout, mais en toute platitude et kititude ça va de soi.
Au bout de quelques années, on avait d’un côté des friqués qui avaient acheté dans une boutique rive gauche un bougeoir en zinc avec grosse verrine et un cierge couleur ivoire pour 800F et de l’autre, des malins qui ramenaient de chez Ikea (ou Habitat) quasiment le même produit en apparence mais fast foodé et pour seulement 200F.
Le tout sur fond de compil techno Bouddha bar, ça va sans dire.
MIC a été vendue et incorporée à d’autres groupes pour former l’énorme salon Maison & Objet (toujours réservé aux professionnels)
Les véritables créateurs asiatiques, les artisans des vallées Indiennes ont été pillés sans jamais percevoir les moindres royalties, puis ils se sont mis à fabriquer sur commande des produits restylés, mixés, eurasiens, sans comprendre à quoi ça servait. Et Ikea produisait dans des usines, parfois européennes, tous les ersatzs de ces palimpsestes.
Puisque Marie-Claire avait mis en couverture un canapé du sieur Pierre Bergé couvert de tissu rayé coloré, Ikea pondait un clic-clac tissu bayadère.
Mais sous la finition ou le look mode, il y avait toujours une technique inédite.
Ce pillage du patrimoine exotique n’a donc pas été trop exploité par Ikea, d’autant qu’il a préféré dégager une odeur de résine de pin et une couleur blonde plutôt que verser dans le patchouli et l’acajou (à la manière de Pier Import). IK a semblé plus séduit par la réussite du TamTam d’Henry Massonnet (avec le renfort de la blonde BB), de la chaise bistro de Thonet, la chaise Tulipe du Finlandais Eero Saarinen, celle de Charlotte Periand... Chez Ikea on a préféré innover sur le plan technologique et il était indispensable de le faire pour parvenir à la platitude. Même le matelas devait trouver une soluce technologique pour être minuscule dans les rayons. (Decathlon s’est beaucoup inspiré de l’innovisme d’Ikea). La technologie d’Ikea sert toutefois moins le consommateur que l’ikéisme qui fait du consommateur l’ouvrier monteur transporteur de l’entreprise. Exemple : quand Ikea propose un miroir composé de petits miroirs accolés tenus entre eux par des punaises coins, il sert exactement le kitisme mais l’utilisateur qui va passer des années à se mirer dans un machin segmenté.
Au sudisme tropical bronzé et voluptueux largement en vogue, Ikea était le seul à répondre par un nordisme blond et génial. Pas de hamacs, pas de bambou chez Ikea.
Un véritable boulot de design et de réduction des poids était entrepris (les entreprises usines étant tenues de participer amplement aux recherches et essais techniques. Ce sont elles qui avaient à présenter des protos à l’oeil).
Résoudre le volume par la platitude.
Résoudre le poids par l’air.
Dès que les premières portes isoplanes alvéolaires sont apparu, Ikea a voulu en introduire le principe dans le mobilier. Certes, la Suède est le pays des résineux, qui sont plus légers que le chêne de France mais IK savait les Français de l’époque archi séduits par l’énorme et très pesante table en chêne massif ainsi que par les salons dits rustiques (style bavarois en fait). Il lui a donc fallu une grande conviction et du courage pour oser proposer des meubles alvéolaires, légers, pleins d’air. Des meubles que des filles pouvaient transporter, monter, remuer.
Un meuble qui ne pèse plus rien est-il bien un meuble aux yeux d’un Bavarois ou d’un Breton de 1980 ?
Expedit, par exemple, je ne l’ai pas vue de près mais en principe, elle est pleine de vide.
D’autre part, tout a été optimisé pour que tous les composants du produit meurent en même temps. Les épaisseurs des tôles des charnières sont optimisées pour que tout lâche dans 10 ans, le temps que les gens soient lassés et aient envie de renouveau (Les Japonais de 1960 avaient appliqué ce principe aux voitures car trop de Ford partaient à la casse avec trop de roulements à billes encore trop valables).
Les boutiques qui revendaient du Flamant ou même de l’Interior’s ont souffert de la force de frappe d’Ikea. Et beaucoup ont capitulé.
Soudain, il y a eu Internet, l’évidence Internet (en 1980, beaucoup de boutiques de mode n’avaient ni ordinateur, ni fax ni minitel. Aujourd’hui elles ont le max de technologie)
Et on a assisté à une révolution : fini le secret des prix, les 4 listes de prix, finie l’exclusivité accordée aux revendeurs agréés, au réseau commercial. Lacoste, qui vend d’abord à son distributeur La Chemise Lacoste, qui distribue ensuite aux seules boutiques agrées, c’est dépassé. Même Hermès vend désormais en ligne. Les marques ont joué de finesse pour ne pas froisser leurs boutiques exclusives tout en s’ouvrant aux possibilités de la vente en ligne (étant considéré que bien des princesses arabes achètent abondamment en ligne depuis leur prison dorée). Et une fois le cap critique passé, elles ont abandonné leurs boutiques agrées.
Et c’est là que Ikea peut commencer à souffrir car si tout se vend en ligne, quid des énormes avantages du réseau de magasins.
Comment peut-on convaincre du marketing Family si le client ne met plus les pieds dans le magasin, même pas à Noël ?
Internet nivelle les puissances ; le plus petit peut avoir les mêmes débouchés que le plus gros (à l’achat de mots clefs sur recherche Google près. Mais Google ne sera pas non plus éternel)
Et ces mêmes usines qui se sont retrouvées pieds et poings liés par la puissance de leur client Ikea, recherchent des débouchés plus segmentés, plus petits. Elles rejoignent les aspirations des petites entreprises qui vendent sur le Net. Et in fine, on a même des usines (désormais aguerries au design absolu) qui vendent directement aux utilisateurs finaux, grâce au Net. Souvent, pour ne pas froisser leurs gros commanditaires, ces usines se montrent sous une autre étiquette. Et Ikea de se demander d’où sortent ces outsiders qui pullulent.
On va donc avoir à termes deux soluces, toutes deux passant par le Net. La première consistera à acheter directement à une usine (susceptible de vous tirer une série spéciale pour 10 unités commandées) la seconde à acheter aussi directement à un artisan, situé n’importe où dans le Monde.
Maintenant qu’ Ikea a démontré qu’il était possible de tout mettre à plat et de tout rendre alvéolaire, il ne reste plus à résoudre que le problème du transport, du groupement, de la logistique d’expédition-réception. Et c’est ce à quoi des outsiders s’attellent. Etant donné le prix de l’énergie, le transport sera le noeud du prochain système. Ca vaut pour le vin, les légumes, les voitures, les fringues, les meubles, tout.
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Ca n’existe pas encore. Mais à terme, le WE, ce n’est pas chez Carouf que les gens se précipiteront mais sur une plateforme logistique robotisée, toute en picking. On y va en drive-in, on s’identifie et plouf, le colis fabriqué spécialement pour nous à 20 ou 20 000 km de là, déboule directement dans notre coffre. Oeufs plats, poisson plat, steak plat, ballon plat, écran plat, plat plat....
Et je crois que chaque consommateur deviendra un revendeur ou un regroupeur de commandes.
Ce qui ne peut très bien fonctionner que vers les âges de 18-30 ans. Dans cette tranche d’âge là, on est en bande et on démarre en même temps dans la vie avec les mêmes besoins. On peut plus aisément se regrouper pour commander 20 téléphones à diodes bleues, 10 vélos couleur langouste, 10 caissons d’habitation mauves ou 10 paniers d’huîtres de Marennes.
Je crois qu’on vivra plus en bandes, on votera même en bande.
Le créateur sera la bande et elle se reconnaîtra à ses créations.
La garantie, les problèmes, la casse, toussa, on fera comment ? Bin comme aujourd’hui quand on achète un écran plat ou un maillot de bain en ligne.
IK, si tu me lis...
06/10 23:53 - thomas
Thomas, vous faites de l’hypercritique : Censeur outré, critique qui ne pardonne rien. (...)
06/10 23:08 - easy
06/10 22:00 - easy
Oui Foufouille, c’est ça qui est en marche. De nos jours, ceux qui protestent le plus (...)
06/10 21:54 - thomas
"Or MIC était réservée aux professionnels. Le public ignorait donc tout de ce qui se tramait (...)
06/10 18:15 - foufouille
06/10 18:14 - foufouille
pas mal easy mais pour commander un container faut de la place et le pognon d’avance plus (...)
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