Je n’ai pas lu votre parabole sur les oeufs durs, mais j’ai lu votre article sur Kouchner (et Freud). Je comprends votre lassitude que je partage, encore que je sois plus en colère que lasse. Kouchner incarne pour moi tout ce qui a mal tourné dans l’humanitaire, mais je reconnais aussi qu’il existe une distantiation entre les « cadres » humanitaires et la réalité sur le terrain. Je vais vous raconter une petite anecdocte pas plus vieille que la semaine dernière. Je lisais un sitrep en provenance du Pakistan d’une des plus grandes ONG britannique. Ce sitrep mentionnait l’état de choc de l’équipe d’encadrement qui avait été témoin de la mort d’un nourrisson malnourri, à tel point qu’elle était mentionnée dans ce rapport de situation. Ce qui est ahurissant n’est pas qu’elle ait trouvé cette mort choquante ou scandaleuse, mais qu’elle soit mentionnée comme un événement exceptionnel dans un rapport de situation. Le corollaire est que beaucoup d’humanitaires qui ne sont pas confrontés aux réalités du terrain ne comprennent pas les conséquences humaines des politiques qu’ils mettent en place, ou de leurs choix d’interventions, la vie et la mort étant devenues des abstractions.