Michel Onfray : de Sigmund Freud à Bernard Kouchner, des similitudes inquiétantes !

Certes le brulot de Michel Onfray, « Le crépuscule d’une idole, l’affabulation freudienne », est déjà sorti de l’actualité immédiate quelques mois après sa publication. Il en est de ce livre comme de toutes les modes médiatiques qui font qu’un événement, même d’une grande importance philosophique ou littéraire ne reste pas longtemps sous les feux de la rampe. Cependant, cet ouvrage malgré ses imperfections, ne méritait pas la volée de bois vert qu’il a reçu de la part des gardiens du temple de la psychanalyse. Très documenté, ce livre détruit la légende du « père de la psychanalyse » et le montre selon les mots de l’auteur qui a tété Nietzsche depuis son adolescence, comme « humain, trop humain ».
Que découvre-t-on dans ce livre sérieux et très référencé, un pavé de 612 pages ? On y voit un Freud qui tâtonne, change souvent d’avis, mais surtout un individu imbu de lui-même, à la recherche permanente des honneurs, de la célébrité et de l’argent. Un homme qui se fâche avec ses anciens amis, qui hurle à l’antisémitisme quand on attaque son travail, uniquement son travail et se présente comme une éternelle victime. Cela ne vous rappelle t’il pas un médecin célèbre devenu ministre ? Car Bernard Kouchner lui aussi recherche les honneurs, les applaudissements. Il n’est pas un désintéressé au grand cœur, il préfère les ambiances feutrées des ministères et des Nations-Unies ainsi que les couteux costumes de bonne coupe aux camps de réfugiés qui furent jadis son fond de commerce. Et tout comme Freud, il crie à l’antisémitisme quand Pierre Péan ose douter de ses qualités de grand homme. L’enquête du journaliste d’investigation, « Le monde selon K. » est une source de renseignements incontournable pour déboulonner l’icône des médias.
Le livre de Michel Onfray veut détruire une légende, il n’y arrive de fait que partiellement et partialement. L’analyse selon laquelle Sigmund Freud prend son cas pour une généralité et ses désirs pour ne pas dire ses fantasmes pour une réalité est une approche critiquable certes mais marquée du coin du bon sens. Ce qui l’est moins, c’est de rejeter en bloc la théorie du complexe d’Œdipe et de l’inconscient car elle viendrait de la seule introspection de son auteur sans véritable preuve scientifique. Freud travaillait par intuition et sa méthodologie était fluctuante. C’était également un individu narcissique, à la sexualité perturbée et obnubilé par sa mère. Que l’on réfute l’universalité des thèses de Freud est acceptable. Refuser qu’une théorie embryonnaire, car c’est bien de cela qu’il s’agit et rien de plus, ne soit pas modifiable et perfectible est par contre excessif. Il faut dépasser Freud, ne pas en rester à ce qu’il a écrit de souvent confus et inachevé, l’utiliser comme une base de réflexion et non comme un dogme ou une religion. Adler et Jung l’ont fait, c’est d’ailleurs pourquoi Freud les a rejetés.
Le tort du courant orthodoxe zélateur et thuriféraire de la pensée freudienne est d’avoir lu et de lire encore l’œuvre du Maitre comme le faisaient les Gardes Rouges avec le petit livre de la pensée de Mao-Tsé-toung. Freud n’a jamais été un Dieu ou un Maitre, tout juste un visionnaire qui a ouvert des portes sans véritablement avoir compris ce qu’il y avait derrière, tout juste l’a-t-il entrevu.
Il faut absolument lire le livre d’Onfray pour comprendre qui était Freud et paradoxalement malgré ce qu’en dit négativement l’auteur arriver à en garder l’essentiel au milieu de tout un fatras ésotérique, numérologique, dubitatif et vaseux. Car critiquer l’œuvre en s’appuyant sur la vie réelle du « héros » donne indubitablement des pistes pour en comprendre le travail. Mais cela a ses limites. Onfray en tant que philosophe devrait savoir qu’un penseur, fut-il de génie, ne calque pas obligatoirement son existence sur ses propres préceptes. Jean-Jacques Rousseau a écrit l’Emile, traité pédagogique s’il en est et a été incapable d’éduquer ses enfants. Voltaire chantre de la liberté et du libre arbitre courait les prébendes et a aidé Frédéric de Prusse à écrire son Anti Machiavel. Montaigne s’est reproduit comme un lapin et Althusser a étranglé son épouse. Ce n’est pas parce que la vie de Freud n’a pas été exemplaire, qu’il a beaucoup dissimulé et menti que son œuvre ne vaut rien.
Mais revenons à Bernard Kouchner, lui aussi médecin, fils de notable et cela dit sans aucune connotation péjorative, à moitié juif. Apres de bons débuts, qui hélas furent trop brefs, son engagement au Biafra et la création de Médecins Sans Frontières, notre bon docteur va progressivement se quereller avec ses anciens amis. Il va claquer la porte de MSF pour créer Médecins du Monde après une suite de disputes et de désaccords avec ses anciens compagnons. Il résulte de cette « haine sans frontières » une bataille d’ego surdimensionnés. Or, les fondateurs et premiers dirigeants de MSF n’étaient pas tous des disciples et des admirateurs du french doctor. Kouchner n’a jamais eu l’attitude désintéressée de Jacques Bérès, ni le côté christique et humaniste de Xavier Emmanuelli. Il n’a même pas eu la clairvoyance politique et la finesse de l’analyse des conflits et des crises internationales d’un Rony Brauman. Ce dernier arrivé après Kouchner dans la carrière humanitaire mériterait amplement d’occuper sa place dans un grand ministère, quelque soit le gouvernement en place. Mais Brauman, véritable tête pensante de MSF, bien qu’il s’en défende, n’a ni l’arrogance ni le sens du m’as-tu-vu de Kouchner. Il ne court pas derrière la reconnaissance et les médailles et il ne se permettrait pas de ramper et de supplier afin de les garder. Le ridicule ne tue pas, sinon Kouchner serait mort depuis longtemps. Kouchner n’arrive pas à la cheville de Brauman, ni même de Jean Christophe Rufin ; il serait plutôt de la dimension de Claude Malhuret autre politicard au petit pied venu aussi de MSF !
Tout comme Freud qui ne voit pas à mal de dédicacer une de ses œuvres à Mussolini, regarde d’un œil bienveillant la politique de Dollfuss en Autriche et ne dit pas un mot sur Hitler, le Kouchner politique tourne le dos à l’humanitaire et s’accommode fort bien de la visite des dictateurs. Il approuve l’intervention américaine en Irak, probablement au nom du droit d’ingérence. Et désormais ministre de Sarkozy, après quelques borborygmes de principe et de façade, il avale des couleuvres pour rester en place et menace d’une voix fluette de démissionner si on ne le reteint pas. Mais personne ne le retient, il s’accroche de lui-même désespérément et pitoyablement à son fauteuil et à son maroquin.
Mais à la différence de Freud, qui en dépit de ses errances, sa mauvaise foi et sa sexualité vacillante, a tout de même réussi à produire une œuvre qui se tient et qui se nourrit d’elle-même au fil des années, Kouchner, une fois quitté MSF n’est allé que d’échec en résultat piteux. D’abord, participation à la foire médiatique anticommuniste primaire au Vietnam lors de l’affaire des boat-people et de la « marche pour la survie » à la frontière du Cambodge, véritable provocation droitière et pro-américaine, créée de toute pièce pour obtenir un refus de Vietnamiens.
Et puis arrive le tragicomique épisode du sac de riz, véritable mise en scène à la gloire du héros et qui devait participer à son hagiographie. On retrouve exactement tous les traits de la personnalité peu ragoutante de Freud décrits par Michel Onfray dans son livre. Ensuite son rôle de proconsul au Kosovo qui n’a été que l’application de la volonté quasi hystérique anti serbe des Américains et à un degré moindre des Allemands. Cela a abouti, après son départ, à la création de l’état mafieux du Kosovo. Même amphigouri vis-à-vis du Rwanda, avec l’impossibilité de reconnaitre a posteriori l’implication ou du moins la très grande complaisance du gouvernement Mitterrand-Balladur pour les génocidaires.
Jamais de repentir, les exemples du rapport Total en Birmanie et de celui fait pour le gouvernement gabonais de Bongo ne sont que deux événements significatifs de la saga Kouchner. Jamais non plus d’aveu d’échec ou d’erreur, tout comme pour Freud, seulement la course effrénée aux honneurs et le fait de s’approprier les idées et les succès des autres. Comme s’il avait inventé, et la presse complaisante à son égard le répète ad nauseam, le droit d’ingérence humanitaire. Kouchner se prend pour Lafayette qui désobéissant aux ordres de Louis XVI vole au secours des Insurgés Américains contre le colonisateur britannique. Et comme dans le cas de Lafayette, la carrière brillante et prometteuse de Kouchner à ses débuts va se noyer dans les compromissions politiques comme celle du Marquis devenu vieux. Kouchner n’est pas encore sénile mais il est de plus en plus féal, (se souvenir de ses applaudissements nourris et théâtraux à Sarkozy), obséquieux et larvaire. La vieillesse en ces conditions est un véritable naufrage. Kouchner, longtemps adulé par les médias, très haut placé dans les sondages d’opinion est devenu un frotte-manches, un cireur de bottes, pour ne pas dire un lèche-cul. Il a pratiqué le trafic d’influence en faisant nommer Christine Ockrent à son poste actuel de France Monde, tout comme Freud plaçait ses affidés. Et ce comportement douteux, il l’a eu bien avant d’avoir changé de camp et rejoint Sarkozy. La gauche socialiste, il faut tout de même le reconnaitre ne l’a guère apprécié et ne lui a jamais donné la possibilité de s’exprimer pleinement. Mais le gouvernement dans lequel il fait plus office de potiche qu’il n’officie vraiment lui fait avaler des couleuvres à longueur de mandat ! Et il ne bronche qu’à peine.
Alors, Freud, Kouchner, même combat mégalomane, égocentrique mené à leur seul et unique profit et leur seule gloire ? Le livre d’Onfray et la vie publique de notre ministre si sympathique dans l’opinion publique tendraient à le prouver.
20 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON