Samedi se tenait au Palais de la découverte un excellent débat sur le thème « Existe t-il des limites à la liberté d’expression des scientifiques », organisé par l’assocition française pour l’avancement des sciences.
Impossible de résumer en quelques phrases la teneur de ce débat d’actualité, mais la controverse sur le changement climatique a bien sûr été au menu de la discussion.
Cette controverse est sans doute liée à trois facteurs clés :
- l’extrême complexité du sujet, qui fait intervenir des milliers de scientifiques de nombreuses disciplines différentes. Un simple citoyen, et même un scientifique isolé, ne peut comprendre et rendre compte de façon exhaustive du problème et de son évolution. C’est tout l’intérêt du GIEC : plusieurs centaines de scientifiques compilent l’ensemble des publications sur le sujet, de toutes les disciplines. Tous les avis, tous les points de vues y sont représentés, et les synthèses doivent inclure les éventuels désaccords. Seules les infos publiées et traçables sont prises en compte. Les scientifiques auteurs des synthèses (plusieurs dizaines par chapitre) ont un droit de véto sur la publication, s’ils voient que des biais sont introduits... Le résumé, à l’intention des politiques, doit être approuvé ligne par ligne par tous les membres (y compris les saoudiens, les américains etc...), ce qui fait assez sourire quand on entend ensuite les critiques et bien sûr le point de vue des scientifiques contestataires (comme Lindzen) est inclus (mais peu de critiques du GIEC ici ont lu ses rapports...)
- L’immense difficulté à traduire de façon locale/régionale les observations et modèles globaux. Il s’agit là de l’une des limites bien connues des modèles actuels. Mais bien sûr, cela rend la perception du phénomène plus difficile pour le citoyen : même si la température globale augmente (plus vite que ne le prévoyait d’ailleurs les premiers modèles), il existe de très fortes disparités locales. Nous pouvons donc avoir une année froide en France tandis que l’année sera globalement la plus chaude depuis 20 ans au niveau global : l’accroissement global de la température modifie de nombreux éléments climatiques : précipitations, vents dominants, hautes et basses pressions etc..., qui sont actuellement impossibles à modéliser de façon prédictive, surtout localement.
- l’impact sociétal de ce sujet. Il n’existe pas de controverse sur nos récentes découvertes à propos de l’univers ou de la matière (qui pouvait imaginer que 90% de la masse de l’univers était constituée d’énergie noire ou de matière grise il y a 30 ans... ceci révolutionne notre modèle de connaissance), simplement parce que cela n’a pas d’impact visible sur notre vie de tous les jours. Par contre, le changement climatique a des effets potentiels majeurs sur notre vie quotidienne, et sur l’action publique... De très nombreux intérêts sont donc en jeu, et cela remet en question de nombreuses priorités. En filigrane, ce sont donc généralement ces enjeux sociétaux qui provoquent les polémiques, mais qui sont parfois couverts par des arguments ou controverses scientifiques.