Deneb,
Je ne pense pas que Mélenchon soit le moins mauvais, mais plutôt un des rares à être encore humaniste et républicain (ce que n’est plus la droite à part peut-être le groupuscule de Dupont Aignan), et cohérent (ce que n’est plus le PS qui affirme d’un côté vouloir libérer la « France d’en bas » et qui signe des deux mains le Traité de Lisbonne qui consacre la servitude du plus grand nombre au profit de quelques uns).

Il n’est pas non plus le seul, mais il a un atout rare, c’est un orateur et il a de l’audace, mais alors qu’au PS, il était phagocyté, ces talents ont pu prendre leur essor en s’en libérant. Vous considérez peut-être qu’être un orateur audacieux est ce que vous appelez la « logique lepéniste », car il est vrai que Le Pen a aussi ces talents, mais ce serait faire preuve d’une grande confusion mentale que de croire que parce que Mélenchon a certains points communs au niveau de la forme avec Le Pen, qu’il vise les mêmes buts. Au delà de la forme, il y a tout de même le contenu. Et Jaurès était un orateur audacieux, est-ce pour cela que vous c’était un Le Pen de gauche avant l’heure ?

Et pourquoi être un politicien serait-il une tare ? Nous sommes tous ici des politiciens dans une certaine mesure, c’est-à-dire dans la mesure où ce que nous disons et ce que nous faisons a des conséquences collectives, soit en faveur du régime actuel d’oligarchie déguisée en démocratie, soit contre. Ce que fait un politicien professionnel, ce n’est rien d’autre que se spécialiser dans le domaine de la parole publique, car c’est la base même de toute vie politique. Mais comme chacun d’entre nous, un spécialiste de la politique peut se fourvoyer, se vendre au plus offrant ou bien faire preuve de cohérence et d’autonomie intellectuelles. Pourquoi être politicien signifierait forcément renier ses valeurs ?

Ensuite, ce n’est pas parce que certains dans le passé ont parlé de république, de liberté, d’égalité ou encore de classe ouvrière uniquement pour assurer leur propre pouvoir que ces valeurs ou ces réalités n’existent plus et ne sont plus pertinentes. A une époque, on nous a vanté les mérites des nouvelles technologies comme une source magique de création de richesses, on en est revenu, est-ce pour autant que vous avez jeté votre ordinateur ?

Et si l’on suit votre projection futuriste, il n’y aura plus d’ouvrier dans quelques dizaines d’années. Déjà, on n’y est pas et ceux qui y sont encore ou ceux qui n’y sont plus parce qu’ils ont été licenciés votent pour en grande partie pour le FN. Mais même dans cette optique, que deviendront alors tous ceux qui avaient encore la chance d’avoir un emploi d’ouvrier ? Des chômeurs qui risquent, si les choses continuent comme aujourd’hui, de continuer de voter Extrême droite.

Or d’où vient la libéralisation massive qui a été possible à partir des années 90 et qui a eu les effets antisociaux qu’on connaît ? Du fait que la partie de la population qui votait PCF s’est mise à voter FN, parce que les dirigeants du PCF, dans la trempe de Robert Hue, ont cessé de projeter de libérer ceux qui bon an mal an font tourner la machine sociale : les ouvriers, mais aussi les employés et d’une façon générale tous ceux qui ne vivent que de leur travail. Et quand bien même des robots pourraient remplacer les ouvriers des raffineries, les camionneurs, les infirmiers, les profs de base, etc. il y aura toujours besoin de gens pour faire fonctionner ces robots et un problème de répartition des richesses produites de fait par l’ensemble du pays. Aussi travailler ne saurait se réduire à prendre des décisions, à la limite ce n’est pas même travailler si vous ne les exécutez pas. Vous pouvez prendre la décision de trouver des arguments pour justifier une idée, mais si vous ne tapez pas un texte intelligible et raisonné avec vos petits doigts, c’est comme si vous n’aviez rien fait.