@xbrossar
Je suis d’accord avec l’ensemble de vos remarques : effectivement le scientisme contemporain a, selon moi, des conséquences dramatiques. A partir du moment où l’on fait une modélisation mathématique, ou bien si l’on étaye ses dires d’une analyse statistique, ou encore si l’on essaie de réduire des faits à du quantifiable, on prétend être dans la science. Cette erreur permet à ceux qui ont des intentions précises qu’ils n’ont pas envie de divulguer de passer par des analyses pseudo-scientifiques pour valider leur projet. Je ne parle pas seulement de la discipline économique mais de l’envahissement de nombreux corpus de connaissances par cet esprit scientiste. C’est comme cela que le simple bon sens passe à la trappe, ainsi que l’expérience cumulée de générations de chercheurs ou de praticiens (cf par exemple certaines dérives des « sciences » de l’éducation) : et dans ces cas-là, les théories ou pratiques antérieures ou concurrentes ne sont pas critiquées sur leurs résultats, mais sur le fait qu’ils ne peuvent pas se prévaloir d’études « valides ».
Quand on a étudié un peu la statistique, on ne peut que rester humble devant les résultats que celle-ci met en avant, du fait du nombre important de biais que toute étude statistique peut comporter. L’un des moindres de ceux-ci n’étant pas la volonté de l’enquéteur ou celle du commanditaire. Un autre étant que deux faits trouvés de façon conjointe n’ont pas forcément de rapport de causalité entre eux mais peuvent être liés par le contexte ou par une cause originelle commune non identifiée.
Et en ce qui concerne les connaissances économiques, ce qui est encore pire, c’est qu’une part importante de cette discipline concerne la prospective. Or, dans ce domaine, la part prise par l’humain est fondamentale, les éléments contextuels aussi, alors que les modèles essaient de se détacher de ces variables (ou prétendent le faire). D’ailleurs, à une époque où on réinterroge l’histoire, il est assez frappant de constater à quel point on interroge peu une discipline qui prétend connaitre les faits à venir.
Comme pour la question de la crise financière, il me semble important que l’on puisse identifier les déterminismes réels des évènements, que l’on ne se laisse pas enfumer par des chiffres faussement parlant ou par l’attitude de supériorité de certains qui prétendent que tout cela nous dépasse.
C’est effectivement d’accepter de confier la réflexion à d’autres, auxquels on ne demande finalement pas de comptes, qui nous a conduit là où nous en sommes.
Or, cette attitude d’ignorants revendiqués est assez paradoxale dans une époque où les connaissances sont faciles d’accès pour tout un chacun et où l’auto-formation est de plus en plus développée.