« A l’opposé de la vision égalitarienne et anti-essentialiste, le multiculturalisme essentialiste et séparatiste conduit au rejet de toute idée de mise en commun des différences dans la société. Cette version est particulièrement développée chez certains auteurs noirs américains autour de l’idée d’afrocentrisme. C’est aussi l’une des sources d’inspiration théorique du nationalisme noir, notamment dans sa version musulmane. Ce culturalisme exacerbé apparaît comme un des rares exemples de communautarisme. Le refus radical des « autres différences » en même temps que la mise en avant unilatérale de la sienne donne à cette approche un caractère à la fois hégémonique et séparatiste qui cadre mal avec l’idée de pluralisme culturel et de reconnaissance des différences que laisse supposer le multiculturalisme. Pourtant on ne peut manquer de souligner que ce courant représente, particulièrement au sein de la communauté éducative noire américaine, et de manière plus diffuse parmi quelques groupuscules extrémistes féministes ou gay, une force non négligeable dont les idées sont suffisamment prises au sérieux pour conduire à des réformes en profondeur de certains programmes scolaires. Depuis une vingtaine d’années, une littérature théorique s’efforçant de mettre en forme des évolutions que la pratique éducative dans certaines écoles américaines annonçait déjà s’est fait jour afin de gagner en surface académique ce que la rigueur intellectuelle limitait. Cette version du radicalisme culturel occupe désormais une place importante dans les départements d’études afro-américaines des universités, notamment. »