LIBERTÉ DE PAROLE
L’affaire Evrard relance le débat sur la récidive. A l’été 2007, à peine sorti de prison après avoir purgé une longue peine pour viol, Francis Evrard agresse un petit garçon. Dans la foulée de ce fait divers, Nicolas Sarkozy, devenu président de la République, se prononce en faveur de la « rétention de sûreté », mesure qui permet de maintenir en détention un criminel jugé dangereux au-delà du temps de sa peine. Le texte est toutefois partiellement censuré par le Conseil constitutionnel.
Le juge Nativel convoqué à la chancellerie. En marge des faits divers, les relations entre Nicolas Sarkozy et les magistrats se tendent à de multiples reprises. Le vice-procureur de Nancy, Philippe Nativel, en devient à l’été 2007 l’un des symboles, depuis sa convocation à la chancellerie, à la demande de la ministre de la justice de l’époque, Rachida Dati, pour s’expliquer sur des propos tenus lors d’un réquisitoire en audience correctionnelle. Selon un chroniqueur judiciaire de L’Est républicain, le magistrat aurait déclaré à l’audience refuser de requérir une peine plancher « car les magistrats ne sont pas les instruments du pouvoir ».
Une convocation qui fait bondir l’USM et le Syndicat de la magistrature, qui dans un communiqué commun, s’indignent de la méthode et rappellent « le principe fondamental de la liberté de parole à l’audience des magistrats du parquet ». En juillet de la même année, Nicolas Sarkozy avait déclaré, lors du discours d’Epinal, ne pas vouloir d’une justice « qui entrerait en concurrence avec les deux autres pouvoirs ».
Les juges « laxistes », acte II. La question de la fermeté des magistrats se trouve de nouveau posée à l’automne 2010, lorsqu’à la suite de la remise en liberté, sous contrôle judiciaire, d’un des braqueurs présumés du casino d’Uriage-les-Bains, le président de la République évoque la possibilité d’introduire des jurys populaires dans les tribunaux correctionnels ou aux côtés des juges d’application des peines.
LE MANQUE DE MOYENS, LIGNE DE DÉFENSE DES MAGISTRATS
Laëtitia, l’affaire de trop. Le débat autour de la récidive rebondit en janvier, après la mort de Laëtitia Perrais, 18 ans, retrouvée étranglée, le corps démembré dans un étang en Loire-Atlantique. Son meurtrier présumé, Tony Meilhon, a fait l’objet par le passé d’une quinzaine de condamnations, dont une pour le viol d’un codétenu. Du pain béni pour Nicolas Sarkozy, qui s’en prend une nouvelle fois à la justice et appelle à des sanctions contre les magistrats tenus responsables de sa remise en liberté.
Mais cette fois, ces derniers se mobilisent : l’USM a appelé vendredi 4 février à un report de toutes les audiences en France jusqu’au 10 février, pour dénoncer le manque de moyens dévolus à l’application des peines et au suivi des détenus et ex-détenus.
La riposte médiatique prend de l’ampleur : le juge Marc Trévidic, connu pour être chargé d’instruire le dossier Karachi, estime lundi 7 février sur France Info que le président ne fait « que de l’affichage, que du pipeau ». Dans un entretien au Monde, l’ex-ministre de la justice Robert Badinter évoque un « malaise » et une « amertume »sans précédent du côté des juges. Quelques semaines avant, Jean-Louis Nadal, président du parquet général à la Cour de cassation, avait déjà tapé du poing lors de ses vœux, étrillant le ministre de l’intérieur, Brice Hortefeux, mettant en garde le président de la République et réclamant une réforme du statut du parquet.
DES RÉFORMES QUI PASSENT MAL
A la succession de lois touchant la justice s’ajoutent encore les réformes qui concernent l’organisation du système judiciaire. Toutes ne font pas l’unanimité auprès des magistrats qui, de leur côté, peinent à faire entendre leurs aspirations.
Refonte de la carte judiciaire : encore moins de moyens. Le projet, préparé et mené à son terme par la garde des sceaux Rachida Dati en 2007, se traduit par la suppression de 23 des 181 tribunaux de grande instance du pays et 176 des 473 tribunaux d’instance, juridictions de proximité s’occupant des tutelles, expulsions ou du surendettement. Une refonte jugée intenable par les avocats et les magistrats, qui appellent à un redéploiement des juridictions plutôt qu’à leur suppression pure et simple.
Juge d’instruction et indépendance de la justice. Annoncée en grande pompe début 2009, la suppression du juge d’instruction devait faire oublier le scandale d’Outreau et mettre fin à cette figure symbolique des affaires politico-financières. La réforme semble depuis au point mort, possible conséquence des affaires Clearstream et surtout Bettencourt, qui chacune à leur façon plaident pour une réforme du statut du parquet, souhaitée par les magistrats et les procureurs depuis plusieurs années.
Le gouvernement continue de faire la sourde oreille à ce sujet alors que la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamné la France en novembre 2010, soulignant que le parquet n’était pas une « autorité judiciaire », les procureurs n’étant indépendants ni des parties au procès ni du pouvoir politique. Or ce sont précisément les procureurs qui ont entre leurs mains l’essentiel des enquêtes pénales. Les recours qui s’annoncent devant la Cour de cassation et la CEDH devraient cependant forcer la chancellerie à réexaminer sa position en 2011.
La réforme du Conseil supérieur de la magistrature, une muselière ? Entrée en vigueur en janvier, elle rend désormais les magistrats minoritaires au sein du conseil, une exception en Europe, pointe l’USM. La réforme, issue de la révision constitutionnelle de l’été 2008, crée un nouveau droit pour les justiciables : la possibilité de saisir le CSM de tout manquement imputable à un magistrat du fait de son comportement (et non de la nature de la décision rendue). En revanche, le CSM ne pourra plus émettre d’avis spontané sur des cas d’atteinte à l’indépendance des juges.
14/02 13:43 - rocla (haddock)
Voilà un réel motif de manifester dans la rue , et non pas pour un énième avantage acquis de (...)
14/02 13:40 - YVAN BACHAUD
un sondage indique que 62% des Français souhaitent que les juges soient responsables de leurs (...)
14/02 12:18 - Arthur
La justice doit rester INDÉPENDANTE, comme il est nécessaire qu’il est une séparation net (...)
10/02 14:53 - YVAN BACHAUD
Les juges doivent être jugés par ceux au nom desquels elle rend la Justice.. Depuis plus de 30 (...)
09/02 21:31 - franc
Le problème de l’mpunité des juges est un problème fondamental,personne ne peut être au (...)
09/02 11:56 - juluch
Regret je suis pas d’accord. Quand des juges libèrent sciemment des criminels dangereux (...)
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