@Philoui
Vous êtes, au choix :
a. un demeuré
b. un provocateur
c. de mauvaise foi
d. un ignorant d’un degré rare
Dans le cas peu probable, mais néanmoins plausible, où votre problème serait le d., vous trouverez ci-après quelques éléments de culture générale.
Si j’en crois mes restes de droit, il me semble qu’il existe bel et bien un « esprit des lois », qui s’appellerait « jurisprudence ». Dans la plupart des situations concrètes et réelles, une loi doit justement être interprétée, et non appliquée « à la lettre ». Une loi capable de couvrir toutes les situations possibles, ça n’existe pas ; on pourrait bien sûr rédiger une loi correspondant à chaque cas pratique se présentant, mais on verrait rapidement que c’est impraticable dans les faits. Les cas pratiques étant en nombre potentiellement infini, nos codes, déjà pléthoriques, devraient être infinis également. La fonction des juges, qui appliquent les lois, est donc de faire en sorte que celles qui existent s’adaptent à la réalité.
Quant à la question de savoir si, au sens strictement juridique, la pratique d’un culte quelconque est interdite sur la voie publique, le Code général des collectivités territoriales précise que « A l’exception des fêtes traditionnelles et des fêtes de village, toute manifestation sur la voie publique organisée par des tiers (association, particulier…) est soumise à une déclaration préalable qui doit être adressée au maire de la commune sur laquelle se déroulera la manifestation. »
Peu importe son caractère religieux ou non, à priori, l’exercice d’un rite par une assemblée de personnes sur la voie publique constitue bel et bien une manifestation, et à ce titre, doit être soumis à autorisation. Ça paraît en effet logique : si on a créé des lieux de culte pour ça, c’est pour ne pas avoir à le faire dans la rue, pas vrai ? Quant à savoir si oui ou non, tel ou tel culte bénéficie d’un lieu approprié à son exercice, à priori c’est un problème d’ordre privé. Il ne paraît pas inconcevable, pourtant, que l’État se retrouve, d’une façon ou d’une autre, amené à contribuer financièrement à l’entretien ou à la construction de lieux de cultes, en dépit de la fameuse loi 1905, mais dans l’intérêt de l’ordre public. Dans le cas des mosquées, c’est d’autant plus logique que l’Islam est une religion minoritaire par rapport au christianisme catholique, et à ce titre bénéficie de moins de contributions.
La France, avant d’être un Etat officiellement laïc a été pendant plus d’un millénaire une monarchie « de droit divin » plus ou moins fortement soumise à l’autorité de l’Église catholique romaine représentée par le Pape. Ce n’est ni bien, ni mal en soi, c’est un fait. La loi de 1905 instaure une laïcité officielle ; ça ne dispense pas de comprendre qu’elle ne vient pas pour autant gommer mille cinq cents années de chrétienté, comme si elles n’avaient jamais existé. Au cas où certains ne l’auraient pas remarqué, il y a encore des cathédrales et des églises partout, et les valeurs qui subsistent dans la société, sont, elles aussi, largement issues de cette culture chrétienne. Même ceux qui se prétendent athées ou agnostiques en sont totalement imprégnés. A l’échelle d’une société, Jung appelait ça des « archétypes ». C’est un phénomène universel, et il n’y a pas d’exception française dans ce domaine.
Sachant tout cela, on ne peut pas s’étonner de bonne foi qu’il y ait des heurts entre la culture chrétienne dominante et la culture minoritaire musulmane d’origine étrangère en France. Vous n’avez jamais entendu parler des guerres de religion, du massacre de la Saint-Barthélémy, de l’assassinat de Henri IV, de l’édit de Nantes, de sa révocation et des conséquences qui ont suivi ? C’est grave.
Sans avoir un caractère forcément choquant, l’exercice collectif d’un rite religieux, quel qu’il soit, sur la voie publique, ne peut manquer d’étonner (une messe dans la rue serait tout aussi étonnante, même en France). Vous qui prêchez la liberté de culte et pourfendez les intolérants, allez donc organiser une messe catholique dans une rue quelconque d’Istanbul (pour info, la Turquie est également un État laïc), vous m’en direz des nouvelles.
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