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Commentaire de Bovinus

sur « Journée sans immigrés » : Un cadeau empoisonné aux immigrés et un service rendu au libéralisme


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Bovinus Bovinus 2 mars 2011 01:48

Votre démonstration « suisse » semble sous-entendre que les Suisses seraient en quelque sorte supérieurs. Ils le sont en effet, non par leurs soi-disant « capacités », mais par une chose très concrète, qui s’appelle le « capital » - à la fois industriel, scientifique, humain et technologique, mais également financier. Quand on dispose de tout ça, tout est en effet beaucoup plus simple, même quand on ne dispose pas d’une rente en matières premières. La démonstration ne doit cependant pas s’arrêter là, et doit expliquer pourquoi les pays pauvres en sont dépourvus.

Prenons le cas d’un pays pauvre quelconque, qu’on va appeler la Lazaronie. Ce pays possède un métal rare et précieux, la lazaronite, qui lui rapporte une certaine rente. Le cours de celle-ci est malheureusement dicté par les marchés boursiers, et la demande fortement dépendante de la conjoncture économique. Pour faciliter la distribution de la lazaronite sur les marchés mondiaux, l’État a cédé les droits d’exploitation de la lazaronite à une filiale de Haliburton, Lazaron Ltd. pour une durée de 100 ans avec bail automatiquement reconductible.

Lors de la décolonisation, les frontières ont été tracées en dépit des revendications ethniques par rapport au territoire, ce qui a produit une situation telle que la moitié du peuple lazaron s’est retrouvée dans les frontières administratives de l’État voisin, le Lazaroland. Les revendications territoriales récurrentes de celui-ci font craindre un possible conflit armé ; pour y faire face, la Lazaronie a dû acquérir un arsenal crédible auprès de son allié américain (le Lazaroland voisin étant armé par l’Union Soviétique). Tout ceci n’a évidemment pas été cédé gratuitement, et la Lazaronie a dû s’endetter en dépit des remises et facilités de caisse accordées par Washington.

Cette dette absorbe la plus grande partie de la rente. Le FMI veut bien rééchelonner la dette, mais seulement si l’État lazaron accepte d’appliquer un programme de restrictions budgétaires féroce, ayant pour conséquence la fermeture de l’unique université d’État lazaronne.

La population vit avec moins de 5 dollars par jour, le peuple gronde. L’Union Soviétique en profite pour distiller son idéologie bolchévique dans la Lazaronie, mais la CIA veille au grain, et les diverses révoltes et tentatives de révolution sont désamorcées ou réprimées grâce à l’excellent travail de la Légion Étrangère sur place (en effet, la France, ex-grande puissance coloniale dans la région, y est encore très présente et entretient quelques bases militaires).

Quelques décennies passent, l’Union Soviétique disparaît, la région se stabilise, et les exportations de lazaronite battent tous les records. Cependant, la dette n’en finit pas de grandir, les dirigeants lazarons, qui s’étaient octroyé les pleins pouvoirs en raison de la guerre froide ont toujours les pleins pouvoirs et sont immensément riches. Une clique de proches gravite autour d’eux, profitant des retombées de toute cette richesse et phagocytant tous les postes-clefs dans l’administration et l’appareil de prise de décision.

Aux dernières nouvelles, la population lazarone survit avec 3 dollars par jour. L’université est fermée depuis longtemps, mais il subsiste encore quelques écoles subventionnées par Lazaron Ltd. On y apprend comment extraire la lazaronite, le fonctionnement des machines-outils Caterpillar et les bienfaits de la démocratie. Le reste du temps, on y regarde des dessins animés Walt Disney sur l’unique lecteur DVD de l’école. Le taux d’illetrisme est de 99,9%.

C’est bon, t’as pigé maintenant ?


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