Chère liberté chérie - inconnue,
Parti pris, dangereuse naïveté,
malhonnêteté intellectuelle, vous allez fort. Il se trouve que, hélas, à
l’époque j’étais déjà sur la brèche, et votre rappel historique est un rappel
confondant l’Histoire et mon histoire. Permettez moi donc de vous indiquer que
si les chypriotes grecs étaient inféodés à Athènes, à quoi bon pour la
dictature grecque d’organiser un coup d’Etat pour au mieux chasser au pire tuer
Makarios ? L’EOKA était une
organisation qui menait la résistance armée contre l’occupant anglais qui ne se
privait pas de pendre ses membres (Karaoklis et Dimitriou étant les derniers
exécutes). Vous parlez sans doute
de EOKA-B un groupuscule d’extrême droite qui s’obstinait à renverser Makarios
et qui a été le protagoniste du coup d’Etat organisé par le chef de la police
militaire grecque Ioannides. Ce dernier a été condamné à mort à la chute de la
dictature par la justice grecque, sa peine communiée à la prison à vie (comme
celle de toutes les autres condamnations à mort). Bülent Etchevit, surnommé
« le poète », était si à gauche que, pour gouverner un peu plus tard,
il a fait alliance avec les Loups gris. Organisation d’extrême droite, férue de
panturquisme, liée à plusieurs organisations mafieuses et en combattant d’autres
(kurdes de préférence) pour le compte de Tansu Ciller, pendant la période des
années de plomb qui suivirent la mort de Turkut Ozal.
Allons maintenant à
l’essentiel : Je ne suis pas du genre à réfuter le fait que la communauté
grecque (80 % de la population) persécutait la minorité turque (18%). Que les
relations entre les deux communautés étaient pour le moins tendues, surtout
dans les campagnes. Je suis de ceux qui pensent que Ioanides a agi comme agent
provocateur permettant de la sorte une intervention turque sur l’île. (C’est
d’ailleurs la raison pour laquelle il a été condamné aussi pour « haute
trahison »). Depuis, la composition ethnique de l’île a été transformée
par l’arrivée depuis l’Anatolie de dizaines de milliers de colons turcs, (avec
les quels les turcs insulaires ont des très mauvais rapports) et l’île est administrée
par Ankara et ses hommes de main locaux, qui mènent moins bien la baraque que R.
Denktach. Ce dernier était originaire de l’ile et savait jouer les équilibres. (Il
était le beau frère du président grec Klerides). Certes le referendum a échoué
et je ne m’en réjouis pas. Mais il existe, dans les deux camps, des irréductibles.
Ce que j’observe aujourd’hui sur
place c’est une volonté commune de s’affranchir des tutelles, et de s’émanciper.
Ce que je remarque c’est une
réaction très négative de la part d’Ankara. Ce qui me réjouit c’est que le
peuple chypriote, dans toutes ses composantes, ne veut plus payer les pots
cassés d’une rivalité géopolitique entre Athènes et Ankara. Ce que je constate
enfin c’est que le développement du sud et son enrichissement devient un « futur
attractif » pour l’ensemble de la population chypriote qui n’aspire qu’à
la démocratie réelle et non pas « dirigée ». Enfin, croyez moi sur parole, les
élites politiques locales grecques
ne sont pas manipulables, elles l’ont montré, pour le meilleur et pour
le pire, plusieurs fois dans le passé (referendum inclus).