Ultra-conservateur, ça veut
dire quoi ? Ça veut dire que c’est un parti qui promeut les institutions
les plus conservatrices (l’armée, l’Église), qui privilégie les thèmes
les moins actuels (traditions, sécurité, identité), et qui propose les
politiques les plus réactionnaires (nationalisme, repli identitaire,
répression, protectionnisme économique). C’est le parti des notables,
des propriétaires terriens et immobiliers, d’un certain type
d’industriels et de financiers. C’est le parti de ceux qui possèdent,
donc, de ceux qui
ont quelque chose à perdre. En aucun cas, c’est le parti de ceux
qui n’ont rien, ou, pas grand-chose, et, par nature, il ne peut le
devenir, quels que soient les efforts déployés par Mme Le Pen pour pour
paraître convenable et attirer les électeurs les plus divers. Le FN
n’est pas le parti de Belzébuth ; il est tout simplement un parti
ultra-conservateur. Et il est appelé à le rester, pour la simple raison
qu’un chat ne se fait pas chien en un tour de passe-passe médiatique ou
taxinomique.
Monsieur
Sarkozy a été très habile, en créant son UMP. En réalité, il n’a fait
que rassembler
toutes sortes de mouvements de droite, ce qui a peut-être induit en
erreur bon nombre d’électeurs. Par la même occasion, il a attiré une
part non négligeable de l’électorat FN, grâce à son discours sécuritaire
et « musclé ». Ceci fait, c’était presque joué d’avance. La gauche eût
peut-être
bénéficié de davantage de voix si elle avait adopté la même stratégie,
et su rallier les courants communistes, alter, trotskystes, anarchistes,
etc. Mais le PS a courtisé le camp adverse, et a été logiquement
sanctionné par ses propres électeurs.
Cependant, si la manœuvre de M. Sarkozy s’est révélée un succès électoral indéniable, elle n’a pas donné une réelle politique. On ne fait pas de politique avec quatre ou cinq tendances de droite sous la même étiquette. Au mieux, on fait de la gestion. Nous le voyons tous aujourd’hui, constat confirmé d’ailleurs par les dissensions à l’intérieur même de l’UMP, et se soldant logiquement par la désolidarisation de la fraction gaulliste. Il est probable que d’autres suivront.
En reprenant cette stratégie à son compte, Mme Le Pen prend un quinquennat de retard. Elle dispose de moins de marge de manœuvre et n’a pas les moyens de propagande de l’UMP. Pour l’instant, elle a le champ libre, alors elle s’y engouffre, elle s’agite, elle fait de la com’. Ça peut effaroucher quelques-uns, créer l’effervescence médiatique quelque temps, certes... En fait, son score sera proche du score « habituel » du FN : autour de 15% (à 2-3% près, en fonction de l’efficacité des autres candidats). En réalité, elle ne fait que préparer le terrain pour M. Sarkozy, qui n’est pas encore ouvertement en campagne, mais qui déjà impose ses thèmes et son projet, par la voix de Mme Le Pen, qui fait feu de tout bois. C’est aussi simple que ça.
La question que nous devrons nous poser en 2012, ce ne sera pas de savoir si Mme Le Pen sera au 2ème tour ou non. Elle y sera si elle-même et M. Sarkozy sont les seuls à avoir un message à nous proposer. La vrai question c’est de savoir quelles sont nos préoccupations essentielles, quelle politique souhaitons-nous pour la France, quelle est notre place en Europe et dans le monde. Est-ce qu’on se préoccupe, avant toute chose, de l’Islam ou de la laïcité ? Est-ce qu’on veut la même politique économique et sociale que celle qui nous a été proposée ? Est-ce que notre message au monde, et en premier lieu, à nos voisins méditerranéens se résume à apporter notre expertise en matière de répression ?
Rien
ne sera simple ni facile, et il ne suffit
pas de sortir de l’euro, ou, pourquoi pas, de l’Union Européenne pour
retrouver emploi,
prospérité et pouvoir d’achat. On n’en est plus là. La France a besoin
d’une véritable politique, pas d’invectives ou de prestidigitation.
Sérieusement,
croyons-nous qu’on va trouver la réponse aux périls de
notre temps dans un débat sur la burqa, l’islam, l’immigration, la
sécurité... ? Est-ce que, pour maximiser notre compétitivité, la réponse
adéquate est de « supprimer le collège unique », comme le propose le FN ?
Est-ce qu’on en est au point, en France, où "l’autorité doit être
affirmée dans les établissements scolaires au
besoin en suspendant à la famille de tout élève perturbateur, les
diverses allocations sociales et familiales dont elle bénéficie" ?
Est-ce que, pour maximiser notre compétitivité, la réponse adéquate est
de « supprimer le collège unique », comme le propose le FN ? Est-ce que la
réponse au problème de l’énergie réside dans "relance de la filière
charbon par le procédé Fischer-Tropff", une technique qui date de 1923 ?
La réponse, en au XXIe siècle, c’est d’être lucide, audacieux et de savoir faire des choix courageux. En un mot, de prendre des risques. Les conservateurs ne prennent pas de risques : craignant de perdre leurs acquis, ils s’arrêtent et se recroquevillent. Pendant ce temps, le monde avance. Sans nous.
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