• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile


Commentaire de Bovinus

sur Le FN doit-il changer de nom ?


Voir l'intégralité des commentaires de cet article

Bovinus Bovinus 10 mars 2011 12:20
La politique n’est ni une affaire de peurs, ni une affaire de taxinomie ou de communication. C’est avant tout une question de choix. Traditionnellement, et historiquement, la droite représente la tendance conservatrice, et la gauche, la tendance progressiste. Il est donc logique que les positionnements les plus extrêmes représentent les tendances les plus extrêmes. Le FN, avant d’être fasciste, xénophobe, populiste, ou quoi que ce soit d’autre, est surtout un parti ultra-conservateur.

Ultra-conservateur, ça veut dire quoi ? Ça veut dire que c’est un parti qui promeut les institutions les plus conservatrices (l’armée, l’Église), qui privilégie les thèmes les moins actuels (traditions, sécurité, identité), et qui propose les politiques les plus réactionnaires (nationalisme, repli identitaire, répression, protectionnisme économique). C’est le parti des notables, des propriétaires terriens et immobiliers, d’un certain type d’industriels et de financiers. C’est le parti de ceux qui possèdent, donc, de ceux qui ont quelque chose à perdre. En aucun cas, c’est le parti de ceux qui n’ont rien, ou, pas grand-chose, et, par nature, il ne peut le devenir, quels que soient les efforts déployés par Mme Le Pen pour pour paraître convenable et attirer les électeurs les plus divers. Le FN n’est pas le parti de Belzébuth ; il est tout simplement un parti ultra-conservateur. Et il est appelé à le rester, pour la simple raison qu’un chat ne se fait pas chien en un tour de passe-passe médiatique ou taxinomique.

Monsieur Sarkozy a été très habile, en créant son UMP. En réalité, il n’a fait que rassembler toutes sortes de mouvements de droite, ce qui a peut-être induit en erreur bon nombre d’électeurs. Par la même occasion, il a attiré une part non négligeable de l’électorat FN, grâce à son discours sécuritaire et « musclé ». Ceci fait, c’était presque joué d’avance. La gauche eût peut-être bénéficié de davantage de voix si elle avait adopté la même stratégie, et su rallier les courants communistes, alter, trotskystes, anarchistes, etc. Mais le PS a courtisé le camp adverse, et a été logiquement sanctionné par ses propres électeurs.

Cependant, si la manœuvre de M. Sarkozy s’est révélée un succès électoral indéniable, elle n’a pas donné une réelle politique. On ne fait pas de politique avec quatre ou cinq tendances de droite sous la même étiquette. Au mieux, on fait de la gestion. Nous le voyons tous aujourd’hui, constat confirmé d’ailleurs par les dissensions à l’intérieur même de l’UMP, et se soldant logiquement par la désolidarisation de la fraction gaulliste. Il est probable que d’autres suivront.

En reprenant cette stratégie à son compte, Mme Le Pen prend un quinquennat de retard. Elle dispose de moins de marge de manœuvre et n’a pas les moyens de propagande de l’UMP. Pour l’instant, elle a le champ libre, alors elle s’y engouffre, elle s’agite, elle fait de la com’. Ça peut effaroucher quelques-uns, créer l’effervescence médiatique quelque temps, certes... En fait, son score sera proche du score « habituel » du FN : autour de 15% (à 2-3% près, en fonction de l’efficacité des autres candidats). En réalité, elle ne fait que préparer le terrain pour M. Sarkozy, qui n’est pas encore ouvertement en campagne, mais qui déjà impose ses thèmes et son projet, par la voix de Mme Le Pen, qui fait feu de tout bois. C’est aussi simple que ça.

La question que nous devrons nous poser en 2012, ce ne sera pas de savoir si Mme Le Pen sera au 2ème tour ou non. Elle y sera si elle-même et M.  Sarkozy sont les seuls à avoir un message à nous proposer. La vrai question c’est de savoir quelles sont nos préoccupations essentielles, quelle politique souhaitons-nous pour la France, quelle est notre place en Europe et dans le monde. Est-ce qu’on se préoccupe, avant toute chose, de l’Islam ou de la laïcité ? Est-ce qu’on veut la même politique économique et sociale que celle qui nous a été proposée ? Est-ce que notre message au monde, et en premier lieu, à nos voisins méditerranéens se résume à apporter notre expertise en matière de répression   ?

Rien ne sera simple ni facile, et il ne suffit pas de sortir de l’euro, ou, pourquoi pas, de l’Union Européenne pour retrouver emploi, prospérité et pouvoir d’achat. On n’en est plus là. La France a besoin d’une véritable politique, pas d’invectives ou de prestidigitation.

Sérieusement, croyons-nous qu’on va trouver la réponse aux périls de notre temps dans un débat sur la burqa, l’islam, l’immigration, la sécurité... ? Est-ce que, pour maximiser notre compétitivité, la réponse adéquate est de « supprimer le collège unique », comme le propose le FN ? Est-ce qu’on en est au point, en France, où "l’autorité doit être affirmée dans les établissements scolaires au besoin en suspendant à la famille de tout élève perturbateur, les diverses allocations sociales et familiales dont elle bénéficie" ? Est-ce que, pour maximiser notre compétitivité, la réponse adéquate est de « supprimer le collège unique », comme le propose le FN ? Est-ce que la réponse au problème de l’énergie réside dans "relance de la filière charbon par le procédé Fischer-Tropff", une technique qui date de 1923 ?

La réponse, en au XXIe siècle, c’est d’être lucide, audacieux et de savoir faire des choix courageux. En un mot, de prendre des risques. Les conservateurs ne prennent pas de risques : craignant de perdre leurs acquis, ils s’arrêtent et se recroquevillent. Pendant ce temps, le monde avance. Sans nous.


Voir ce commentaire dans son contexte





Palmarès