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Commentaire de J. GRAU

sur L'impasse nationaliste


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Jordi Grau J. GRAU 10 mars 2011 19:30

Je ne peux pas répondre à tous les commentaires. Juste quelques mots à Tab, Marc Gelone, jymb et enréfléchissant...

A Tab

Vous me plaignez de discourir sur la nation au lieu de la ressentir. Mais, cher Monsieur, je suis un être humain comme vous, donc j’ai aussi ma sensibilité. Vous me pardonnerez de ne pas avoir tout à fait la vôtre. Je suis attaché à la France, mais pas de la même manière que vous. D’abord parce que je pense que la signification même du mot « France » a beaucoup changé au cours des siècles. A l’époque de Philippe Auguste, qui aurait pu prédire comment allait évoluer ce territoire morcelé, beaucoup plus petit que le territoire actuel, et sur lequel le roi n’avait bien souvent qu’une souveraineté très théorique ? Méfions-nous des illusions rétrospectives.
 
Ensuite et surtout, je pense que nous n’avons pas à être fiers de tout ce qui a été fait par la France - ou au nom de la France. Les campagnes de Napoléon ne me font pas spécialement vibrer. Que de morts pour finalement pas grand-chose ! Quel besoin avait-on, par exemple, d’annexer une grande partie de l’Allemagne ?Cela a éveillé chez les Allemands un nationalisme agressif qui est l’une des sources de la guerre de 1870, donc, indirectement, des deux guerres mondiales. Idem pour les guerres coloniales. Elles ne font pas spécialement honneur à notre pays.

Certes, on doit assumer tout ce passé, c’est-à-dire le regarder en face et considérer qu’il fait partie de nous, mais on n’a pas forcément à s’en glorifier. Je crois qu’il en va de même quand on examine son propre passé ou celui de ses parents. Ce passé individuel a contribué à faire de nous ce que nous sommes, pour le meilleur comme pour le pire, mais on n’a pas forcément à approuver tous les actes qu’on a accomplis autrefois ou toutes les actions de ses parents.

A Marc Gelone et jymb

Si vous lisez ce que je viens d’écrire à Tab, vous comprendrez pourquoi je me méfie de tous les « romans nationaux ». Il y a déjà suffisamment de choses intéressantes dans l’histoire qui s’est réellement passée pour qu’on invente une fiction. De plus, cette fiction peut s’avérer dangereuse. Loin de retenir « l’essentiel », elle peut susciter un sentiment de vanité et d’arrogance qui mènent tout droit au bellicisme, ou au contraire susciter une dépression collective (si on ressasse sans arrêt les pages sombres de l’histoire de son pays, comme ce fut le cas en Allemagne).

A enréfléchissant

Je suis en grande partie d’accord avec vous, notamment lorsque vous écrivez :

"Admettons, la nation a un réel fondement historique.

Elle a un fondement historique depuis que des civilisations ont été gouvernées par des chefs ou une oligarchie, et que ceux-ci ont voulu délimiter l’espace qu’ils voulaient s’approprier.
La délimitation des territoires et des aires de commandement n’a de sens que si, justement, il y-a un commandement.
Ainsi, c’est cette délimitation, qui s’est faite dans l’histoire de l’exercice des pouvoirs, des conquêtes et des frontières, qui crée la nation. 
Ce n’est donc pas le peuple qui a créé la nation dans l’histoire, mais c’est le pouvoir, qui l’a fait pour se légitimer et consolider ses conquêtes et son territoire."

Juste un petit bémol, cependant : même si, effectivement, l’unité nationale s’est en grande partie faite par la violence du pouvoir politique, même si ce sont les hasards de l’histoire qui ont rassemblé à l’intérieur de mêmes frontières des populations culturellement très différentes, cela ne signifie pas que la nation soit un mot tout à fait vide de sens. Prenons, au hasard, l’exemple de la France. Ce pays possède, entre autres, une remarquable unité linguistique. Certes, cette unité est en grande partie artificielle. Elle est le fruit, notamment, de la politique répressive de la IIIème république. Les dialectes et langues régionales ont été impitoyablement combattus jusqu’à ce que le français s’impose presque partout comme langue unique ou dominante. Il n’y a pas de raison d’être particulièrement fier de cette politique ultra-jacobine, de ce rouleau compresseur républicain. Mais qu’on le veuille ou non, l’unité linguistique et là, et avec elle une unité culturelle assez remarquable quoi qu’on en dise.

La question, maintenant, est de savoir ce qu’on en fait. On peut l’ignorer, et considérer comme Alain Minc que la France n’est pas grand-chose à l’échelon européen, et que les décisions importantes se prennent maintenant à une échelle supranationale. On peut opter, comme Kronfi, pour un repli identitaire et arabophobe. On peut encore considérer que l’unité linguistique est une chance, parce qu’elle est une condition permettant une vie politique démocratique sur un territoire relativement vaste. Pour ma part, j’opterais pour le troisième point de vue.
 

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