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Commentaire de Surya

sur Une belle crise de panique !


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Surya Surya 19 mars 2011 10:13

Je ne pense pas que nos points de vue se rejoignent car je ne me permettrais jamais de juger comme anormalement constitués des gens qui paniquent, d’une part, et ensuite (et là je vais essayer de ré-exposer mon point de vue avec plus de clarté), j’ai parlé de la séquence télévisée de la plaquette d’iode non pour exprimer l’idée :

- que c’est le fait même de montrer les pilules qui peut faire paniquer,

- ni que je pense que les gens sont ou seraient des crétins de paniquer pour ça,

mais au contraire pour exprimer l’idée que je comprendrais très bien, et sans regarder les gens de haut, qu’ils puissent paniquer.

Je ne suis pas du genre à me la jouer, comme le font tant de gens pas forcément par mépris (dès fois si) mais aussi souvent en fait par peur d’être jugés, et pour essayer de se protéger, en disant « pfeuh ! moi je suis au dessus de tout ça, je ne panique pas, je suis capable de garder mon calme, moi ! » et personnellement ça m’a fait angoisser, du fait de l’énervement extrême que j’ai ressenti devant :

- un présentateur, d’un côté, qui montre en gros plan une plaquette pour laisser entendre qu’on pourrait être amenés à prendre les comprimés (et qu’on sera sans doute amené à le faire, puisqu’il précise « mais pas pour le moment »),

- et de l’autre côté un discours totalement inverse, affirmant que le nuage ne passera pas,

- et encore ailleurs qu’il va venir, mais qu’il y aura trois malheureuses particules radioactives qui se battront en duel, sans aucun danger, et que, donc, seront totalement ridicules et à mourir de rire les gens qui prendront des pastilles d’iode.

 

Ce que j’ai voulu dire, en particulier dans mon texte puisque c’est en bonne partie son sujet, c’est que c’est l’incohérence dans l’information (contradictions entre une chaîne et une autre, et surtout informations volontairement vagues et incomplètes…) qui fait paniquer les gens, et pas forcément l’information en elle-même. Voilà pourquoi nos points de vue divergent. J’espère que j’ai mieux réussi cette fois à m’exprimer avec clarté pour faire comprendre mon opinion.

 

J’ai eu le temps de réfléchir un petit peu plus à cette notion de panique, et je pense que la panique, quelque soit la forme qu’elle prend, démesurée, irrationnelle, ou même avec une part de parano, peut très bien être aussi le signe très positif, très « sain », que la personne ne reste pas passive et complètement soumise, docile, devant sa télé, comme un légume ou une personne lobotomisée, mais qu’elle réagit violemment parce qu’elle a compris qu’elle vit dans une société où on la tourne continuellement en bourrique, où il se passe parfois (souvent ?) des choses pas forcément très claires, et qu’elle refuse de se laisser manipuler et infantiliser. Comment peut-on accepter d’être manipulés et infantilisés, et rester calmes et soumis devant une telle perspective ? C’est plutôt ça qui est inquiétant ! Sommes-nous donc tous devenus des moutons de Panurge ?

 

Tchernobyl a provoqué une panique telle, que cela a engendré une prise de conscience phénoménale, suivie du démantèlement des têtes nucléaires soviétiques. C’est triste qu’il ait fallu ça, mais c’est pour dire que la panique peut très bien être une réaction salutaire, et conduire à des prises de conscience très brutales, mais au final constructives. Car quand on a pris conscience d’une chose, on ne revient plus en arrière, et on avance désormais sur un nouveau chemin.

 

D’autre part, je n’établirai jamais non plus d’échelle de valeur pour comparer les différentes réactions des peuples ayant subi des catastrophes, comme j’ai entendu à la télé par exemple : « là bas, pas de pleureuses ! ». Ce « là bas » désignant le Japon bien sûr. Et les « pleureuses », c’est une allusion méprisante à qui, exactement ? J’ai trouvé cette réflexion plus que déplacée. Quel mépris ! Certes, nous avons tous admiré le calme des Japonais (calme apparent ?), mais cette admiration a peut être été trop loin chez certains dans le sens où elle les a poussés, voir l’exemple juste ci-dessus, à comparer l’attitude japonaise avec celle d’autres peuples, en plaçant l’un du côté du bien, et les autres du côté du mal.

Chaque peuple, chaque culture, réagit de façon personnelle, exprime ses émotions, ou ne les exprime pas, à sa façon, et a tout à fait le droit de le faire. Il n’y a pas d’un côté ceux « qui ont de la dignité » (à la limite du sous entendu : « sont des êtres supérieurs, civilisés »), et de l’autre ceux qui n’en ont pas, comme les pleureuses. C’est hyper méprisant comme jugement. Que l’on hurle son chagrin, ou que l’on fasse des efforts surhumains pour maîtriser ses émotions et garder un visage impassible, toutes les attitudes sont dignes, il n’y a pas dans la souffrance des uns (ou la peur, l’angoisse… des uns) plus de dignité que dans la souffrance des autres.

 Et là, maintenant, vu le matraquage qu’on a entendu, je me demande même si ce calme, ce sang froid, qu’on nous a quasiment imposés comme l’Exemple Idéal A Suivre, ne nous a pas forcés à nous taire, à nous faire culpabiliser à l’idée de réagir haut et fort, de peur de passer pour des personnes sans aucune dignité. « Ouuuh ! Montrez-les du doigt ! La honte ! Ils ont paniqué ! » Alors on se tait, on se réduit soi-même au silence, on étouffe et on tue ses émotions, on évite et on dissimule, de peur d’être ridiculisés, stigmatisés et méprisés pour son comportement soi-disant « indigne » et « bas de gamme ».


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