Une belle crise de panique !
Voilà plusieurs jours que la catastrophe nucléaire au Japon monopolise toute notre attention et focalise sur elle nos pires angoisses. Scotchés devant nos téléviseurs, épouvantés par ce que subissent les Japonais et tout autant estomaqués par leur courage, leur force et leur calme dans la tempête, on apprend enfin le 17 mars au soir qu’une amélioration a eu lieu, et l’espoir renait un peu. Même si les Japonais sont aux premières loges de l’exposition à la radioactivité, et que nous sommes et resterons des privilégiés par rapport à eux, on ne peut s’empêcher de ressentir de l’angoisse quant au passage du nuage radioactif au dessus de nos têtes. De plus, nous sommes tous traumatisés par la catastrophe de Tchernobyl, même si nous n’en avons pas forcément conscience parce que cette tragédie s’est déroulée il y a vingt cinq ans maintenant, et aujourd’hui nous voyons le même scénario de l'accident nucléaire se renouveler.
Admettons que ce nuage survole
Mais pourquoi s’inquiéter, de toute façon ? On sait que, bien entendu, les centrales nucléaires françaises ne risquent absolument rien (bien que « le risque zéro n’existe pas » n’est-ce pas…) et surtout pas de connaître un jour le triste sort de celle de Fukushima, encore moins de celle de Tchernobyl. Forcément, puisque nos centrales sont au dessus de celles du reste de l’humanité… Et elles le resteront, croyez le ou non, même si chaque année les fait vieillir un peu plus, et même si nous les trouverons encore en activité dans dix, vingt, trente ou cinquante ans.
En ce qui concerne le drame de Fukushima, on entend sur une chaîne qu’il n’y a que peu de risques que le nuage de Fukushima atteigne nos côtes, sur une autre que des particules seront certainement détectées dans le courant de la semaine prochaine, comme il a déjà été dis plus haut.
Jeudi 17 mars au soir, toujours, David Pujadas, présentateur de la 2ème chaîne nationale française, reçoit François Fillon à son journal télévisé. J’écoute attentivement les déclarations de notre Premier Ministre concernant les essais que vont subir nos centrales nucléaires françaises, rassurée que le gouvernement ait entendu, ne serait-ce que partiellement, mais c’est mieux que rien, les arguments des militants anti-nucléaires, et qu’il envisage par conséquent un audit sur « l’ensemble », oui, l’ensemble, j’ai bien entendu, des centrales de l’hexagone, pour compléter les traditionnels contrôles… et là… je manque de m’évanouir tant le choc émotionnel est fort. Mon cœur se met à battre comme un fou, j’ai soudain du mal à respirer, je suis oppressée, et la peur me retourne tellement l’estomac que je m’effondre en larmes. Je sais que je suis à fleur de peau en ce moment, car je n’ai jamais réussi à oublier la catastrophe de Tchernobyl, dont les images, que j’aurais mieux fait de m’abstenir de regarder, m’ont complètement traumatisée, et que ces nouvelles images en provenance de Fukushima me replongent dans cette atmosphère de cauchemar que nous croyions ne plus jamais revivre. Il y a également de grandes chances que, pour ces raisons de tension nerveuse, je n’ai pas bien compris ce dont il s’agit. Mais ce que j’entends ce soir, annoncé sur un ton parfaitement calme et anodin, comme si tout cela était parfaitement normal, est ni plus ni moins qu’il s’agit d’un test de résistance à la pire des situations, un test qui va mettre nos centrales dans la même situation qu’à connue celle de Fukushima ! Ca me semble franchement risqué ! Et si l’une, ou l’autre, de nos centrales, ne résistait pas à ce test et partait en vrille ? Bien que je sente déjà mon cœur commencer à battre plus fort, je continue à écouter, et là mon souffle se coupe complètement et mon cerveau s’emballe, car j’entends « système de secours »… « coupure électrique »… et je crois comprendre qu’on va soumettre les centrales à une coupure électrique afin de voir comment répond et se comporte le système de secours. Et c’est là que je panique totalement et manque de m’évanouir, et pas au sens figuré, car si je ne suis pas sûre d’avoir bien compris qu’il s’agit bien de couper l’alimentation électrique pour tester les systèmes de secours, je suis sûre d’une chose : c’est suite à un test de ce genre que le réacteur numéro 4 de la centrale de Tchernobyl a explosé !!
Cette expérience, ai-je lu, « prévue sur le réacteur no 4, pour tester l'alimentation électrique de secours qui permet au réacteur de fonctionner en toute sécurité pendant une panne de courant. », effectuée par les Soviétiques en avril
Je force alors mon esprit à se calmer, je me raisonne, je parviens à me ressaisir, mais c’est difficile après avoir entendu des informations si peu détaillées, si peu explicitées et que j’ai inévitablement recoupées avec ce que j’ai lu, et je finis tout de même par me dire que si la procédure de test effectuée sur nos centrales est bien la même (dans son principe général) que celle effectuée à Tchernobyl, il est évident que cela ne sera pas effectué dans les mêmes conditions, ni avec la même désinvolture qui fut celle des Soviétiques, qui ont commis des erreurs grossières et monumentales lors de ce test, et que de toute façon nos centrales, et c’est un fait, ne sont pas construites sur le même modèle que celle de Tchernobyl. Nos centrales sont stables, et je ne pense vraiment pas qu’il s’agisse là d’un mensonge, elles n’ont pas été conçues à la va-vite ni construites tout aussi à la va-vite, sans respect de véritables mesures de sécurité, comme le fut la centrale de Tchernobyl, la légendaire centrale « Vladimir Ilitch Lénine » qui faisait la fierté du régime soviétique, la centrale modèle dont la notoriété se devait déjà de « rayonner » au-delà des frontières de l’Empire.
Et pourtant, malheureusement, la peur est là, maintenant. J’angoisse désormais au sujet de la réalisation de ces tests, que j’avais accueillis avec soulagement. Je me dis que l’erreur a toujours été humaine, et que si ces tests ne sont pas effectués dans le cadre d’une sécurité absolue, l’un de nos joujous atomiques ne risque-t-il pas, lui aussi, de s’emballer et se mettre à danser la gigue ? J’aurais préféré que Monsieur Fillon explique mieux ce dont il va s’agir exactement, ou alors qu’il ne dise rien, carrément.
Parce que j’en viens à me dire, moi qui défends farouchement la pluralité et la liberté d’information, et donc la transparence totale, qu’il n’est finalement pas si mal que cela quand nos gouvernants nous mentent par omission. Je me surprends à penser que les nouvelles rassurantes, même si on doute de leur authenticité, ça a parfois du bon ! Ou sans pour autant nous mentir, qu’ils s’abstiennent de donner des informations inutiles dans le sens où elles ne peuvent que nous embrouiller l’esprit si elles sont partielles, ou nous paniquer si nous les recoupons avec d’autres trouvées par le biais de nos recherches personnelles.
Car s’il est bien de pouvoir avoir librement accès à l’information, ce qui est un gage et le signe d’une démocratie, il est vrai aussi qu’avec ces flots d’informations désormais à notre portée, parfois des informations anarchiques ou à la limite de la fiabilité d’ailleurs, que l’on trouve surtout sur internet qui contient tout ce qu’on cherche et plus encore, comme une sorte de gigantesque buffet à volonté, avec cette liberté et cette possibilité de se documenter à tous les râteliers, quitte à ne plus rien comprendre à ce que l’on lit, je finis par me demander si nous ne risquons pas de devenir, sur certains sujets sensibles comme celui là, des hypocondriaques de l’actualité, recoupant des informations qui n’ont pas lieu de l’être, voyant des « maladies » là où il n’y en a pas, angoissant en permanence pour rien. J’en viens même à regretter d’avoir allumé la télévision pour écouter le journal. Ou d’avoir lu l’article de Wikipedia sur les causes de la catastrophe de Tchernobyl. Au choix. Dans un cas comme dans l’autre, cela m’aurait évité une belle crise de panique préjudiciable au bon fonctionnement de mon cœur.
Quoi qu’il en soit, j’espère vraiment entendre de plus amples informations, dans les jours qui viennent, au sujet de ces tests auxquels nos centrales nucléaires vont être soumises. Et en règle générale, merci de donner plus d’informations, claires, précises et détaillées, ou pas d’information du tout, s’il vous plait ! C’est l’un ou l’autre, mais ce « un peu mais pas trop » ne peut que semer le doute et la méfiance dans les esprits.
En tout cas, je vais désormais laisser librement se réveiller ces convictions anti-nucléaires qui dormaient (plus ou moins) en moi, qui dorment en fait en chacun de nous mais font périodiquement remonter à la surface l’angoisse devant le risque qu’un nuage radioactif traverse notre pays ou qu’une catastrophe majeure s’abatte sur nous, et me laisser devenir une partisane de la nécessité absolue de sortir du nucléaire et de passer à des énergies renouvelables au plus vite, même si ce « plus vite » doit prendre vingt ans.
Moins nous consommerons d’électricité, plus nous l’économiserons, moins nous solliciterons nos centrales nucléaires, et plus vite nous pourrons décrocher cette épouvantable épée de Damoclès qui se balance lentement et sournoisement, au gré des vents, au dessus de nos têtes. Et quand les centrales nucléaires auront toutes été définitivement arrêtées, l’angoisse qui nous tenaille sera démantelée avec elles.
« Il faut trouver de nouvelles sources d’énergie. […] Tchernobyl nous a montré la véritable nature de l’énergie nucléaire entre les mains de l’homme. » Mikhaïl Gorbatchev. 2006.
32 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON