Quand Alexandre le Grand rase Thèbes au son des flutes et où tous les habitants sont soient passés au fil de l’épée soit réduits en esclavage, il ne lui viendrait pas à l’esprit de parler de ‘dommages collatéraux’ ; les anciens étaient peut-être des conquérants sans scrupules, mais au moins ne faisaient-ils pas preuve de ce cynisme si malsain qui caractérise nos dirigeants d’aujourd’hui. En fait, le terme remonte à la Guerre du Vietnam et fut utilisé, comme on peut s’en douter, par les Américains pour justifier et excuser la perte de vies civiles lors de bombardements. Dans son livre, The Iraq War : strategy, tactics, and military lessons, Volume 2003, Part 2, Anthony H. Cordesman écrit : « And if somebody has a hope that we’re going to go into a conflict and nothing is going to happen in terms of collateral damage, unintended damage or civilian casualties, I think you should absolve yourself of that hope because that probable is not a realistic expectation. »
Donc, les dommages collatéraux ne constituent pas une variante mais bien une constante au sein de l’équation polémologique. Toutefois, on pourrait recourir à cette notion si on était réellement prêt à l’accepter jusqu’au bout. Ainsi, prenant un exemple in concreto.
Je dis : « Des terroristes se cachent dans tel immeuble de telle ville de tel pays. Des terroristes qui pourraient frapper votre pays. Alors même que votre pays a envahi le leur. Pour les abattre on va lâcher une bombe sur l’immeuble en question. Toutefois, les immeubles adjacents pourraient être touchés causant la mort potentielle de certains de ces habitants. Les chances que la déflagration touche les immeubles adjacents sont, disons, d’une chance sur 6. »
Beaucoup de gens, et pas seulement les militaires mais aussi les citoyens lambdas, diront que le jeu en vaut la chandelle. Lâchons la bombe et tentons la chance. Après tout, il faut se débarrasser des terroristes, d’autant plus que le risque de victimes civiles n’est que d’une chance sur 6.
Allons jusqu’au bout du raisonnement. Je vous amène une jeune fille de mettons neuf ans (un enfant car, dans ce monde gangréné par le politiquement correct, la vie d’un enfant vaut plus que celle d’un adulte, et celle d’une fille plus que celle d’un garçon) et je vous présente un pistolet et vous dis que dans le barillet, il n’y a qu’une balle. Je vous demande de placer le canon sur la tente de la jeune fille et vous dis que si vous appuyez sur la gâchette, ces mêmes terroristes décrits plus haut seront tués. Il y a donc une chance sur six pour que la jeune fille meure.
Le faites-vous ?
Si vous avez répondu oui à la première situation envisagée, en toute logique, et si l’homme était un animal bona fide, vous devriez aussi répondre oui à la seconde.
Mais étant donné que c’est la Doublepensée qui trône en maitre incontesté dans les cerveaux, peu d’entre vous seront enclins à prendre le risque de voir la cervelle de la jeune fille repeindre vos murs.