Monsieur Salamanca,
Vous pointez très justement du
doigt la focalisation du débat politique sur des sujets d’importance mineure
qui n’ont d’autre objet que de permettre à nos politiques d’adopter des
postures sans jamais évoquer les véritables problèmes dont souffre notre pays.
J’ai néanmoins 3 observations à faire sur le reste de votre article :
Quand vous écrivez « qu’un pays comme la Corée du Sud, qui
privilégie ses produits et taxe fortement les produits importés, a connu un
taux de croissance supérieure à 6 % » ; c’est deux affirmations
sont exactes mais les lier entre elles et un non sequitur ; il est possible que vous ayez raison – ce n’est
pas mon avis mais c’est en l’espèce sans importance – mais, présenté comme vous
le faite ici, c’est un sophisme. Le taux de chômage au Venezuela, qui est
infiniment plus protectionniste que nous, atteint 12.1% et son PIB s’est
contracté de 2.8% en terme réel. Dans le même temps le taux de chômage Suisse –
une des économies les plus ouvertes du monde – plafonne à 3.9% et son PIB réel
a augmenté en 2010 de 2.8%. Devons nous en tirer des conclusions ?
Par ailleurs, vous affirmez que
la France, à cause de son adhésion à l’UE, « a
fait le choix d’une certaine forme de libre échangisme naïf, qui céderait tout
face à une mondialisation qui se montre toujours plus agressive, sans fixer de
règles ». Passons sur l’idée selon laquelle le libre échangisme serait
« naïf » bien que l’écrasante
majorité des économistes qui s’intéressent aux questions de commerce
international soit en sa faveur ; je m’interroge surtout sur la base de
votre affirmation. La France est-elle réellement plus ouverte aux échanges
internationaux que ses pairs ? Par exemple, sur la base du score de
liberté des échanges publié par la fondation Heritage – un indice composite qui
prend en compte les barrières tarifaires mais aussi les barrières
non-tarifaires (quotas, autorisations, règlementations etc…) – la France obtient
un score de 82.6 à égalité avec le Japon tandis que les Etats-Unis (86.4), le Royaume-Uni
(87.6), les pays scandinaves (Suède : 87.6, Norvège : 89.4, Danemark :
87.6) et 24 des 27 membres de l’UE sont plus ouverts que nous (nous sommes à
égalité avec la Grèce et Chypre). Si la France est effectivement un pays
relativement ouvert aux échanges internationaux, cette idée selon laquelle nous
serions plus libre échangistes que des pays comparables est tout à fait fausse.
Enfin,
vous terminez votre article en suggérant qu’une « certaine forme de protectionnisme au niveau européen » – et en l’espèce des taxes sur les produits non-européens – « permettrait notamment de faire financer
une partie de sa protection sociale ». Passons sur les effets économiquement
dévastateurs des politiques protectionnistes et sur leurs conséquences
politiques (rappelons pour mémoire que la signature des accords du GATT (1947) et
la création de la CECA (1951) étaient explicitement motivées par la volonté des
Etats d’éviter de nouvelles guerres provoquées par les politiques de « nationalisme
économique »). Proposer de surtaxer les produits bon marché que nous
importons notamment de Chine pour financer nos dépenses sociales signifie faire
financer lesdites dépenses par ceux qui achètent majoritairement ces produits :
c’est-à-dire les plus pauvres d’entre nous.