La mercenarisation des armées est un fait.
Mais je vois, dans votre introduction, un raccourci hyper rapide entre la privatisation et l’exemple des gardes Suisses.
Le Vatican est le seul Etat strictement religieux et dont la religion se voudrait pacifiste (même si elle a toujours su s’arranger de ce principe). Cet état avait besoin d’une garde essentiellement civile pour repousser un gueux ici, un exhibitionniste ou un voleur là, rien de plus.
Sauf à quelques occasions où ces malheureux gardes en hallebarde se sont retrouvés face à des masses armées, ils n’ont pas vocation à défendre la place à mort et encore moins à attaquer.
Les jeunes qui s’y engagent espèrent à raison y passer leur vie sans jamais avoir plus à faire qu’à retenir un trublion par le bras. Malgré le confort de cette mission, le garde Suisse jure de toute sa foi une fidélité absolue à son employeur-dieu.
Et on n’aura donc jamais vu un garde Suisse trahir. Au point que leur mercenariat est devenu paradoxalement un symbole de fidélité.
Concernant les samouraïs, qui eux risquaient vraiment leur vie, ils s’engageaient auprès d’un shogun et devaient mourir avec lui. Il y a eu des cas de défection mais le traitre était alors forcément considéré comme traitre absolu auprès de son nouveau maître.
Dans les terres antiques ou en France classique, on a une tradition de mercenariat très marquée et gérée de manière massive, non individuelle. Des bandes passaient d’un maître à un autre pour un sol de plus ou de moins sans que ces retournement ne choquassent personne.
En France, la continuité était marquée par l’aristocrate, non par son soldat et Le grand Condé pouvait mettre ses troupes au service de qui il voulait.
Là, nous sortons de deux siècles ou la fidélité des armées allait de soi (à quelques exceptions près). Si l’on souhaite passer au mercenariat, il faudra se départir de nos assurrances patriotistes qui s’abreuvent de quelque sang impur et creuser la question de la fidélité car le mercenaire pourra girouetter, c’est dans son principe. Fini les levers de couleurs, fini les trompettes aux morts, fini la minute de silence...
Dans les entreprises paternalistes un employé se faisait une gloire de ne jamais travailler pour un concurrent, les Japonais ont été les derniers à perpétuer cette tradition mais c’est fini. Tous les employés tournent au plus offrant et ce sera pareil pour les soldats.
Outre les incidences « techniques » que posent les retournements ou les « On reste si le salaire est doublé » la mercenarisation des armées fera s’écrouler ce qui reste des transcendances patriotiques.
Ce qui n’est pas forcément un mal.
Les transcendances patriotiques sont bonnes quand il faut donner du sens à ceux qui doivent se lever en masse pour défendre leur patrie, mais chacun, du roi au quidam, peut aussi les utiliser de façon perverse pour attaquer quelqu’un au loin. A la limite, un touriste français se ferait égorger au bord du Nil, certains invoqueraient une transcendance patriotique pour bombarder l’Egypte.
Blackwater est trompeur. Par leur origine et leur mandataire, ils donnent aux Américains l’illusion qu’ils sont et resteront dans leur camp. S’il s’agit d’anciens soldats US autrefois prêts à mourir pour la bannière étoilée, les Américains ont raison. Les Blackwartermen ne tortureront que les pakomnous.
Mais ce cas particulier de Blackwater ne pourra pas être toujours reproduit. Au fil des décennies, il n’y aura plus d’anciens soldats patriotes. Il n’y aura plus que d’anciens mercenaires aux valeurs toutes centrées sur l’argent, qui n’a pas d’odeur.
Alors que les Américains jouissent en ce moment du fait qu’une équipe de mercenaire torture et zigouille du niac sans qu’il ait de comptes à rendre à quiconque, Ils laissent la porte ouverte à la possibilité que dans quelques temps, d’autres mercenaires torturent et zigouillent du redneck sans avoir de compte à rendre à quiconque.
En effet, il y aura les mercenaires qu’on avouera payer, dont on portera alors une certaine responsabilité et ceux qu’on paiera en douce. En ce moment, ça les démange les Archanges de la coalition de payer des types pour qu’ils conduisent des opérations noires en Libye et ailleurs.
Remettre à plat les transcendances n’est donc ni bien ni mal mais il faut s’attendre à ce que tout effondrement de transcendance ait des répercussions en domino dans le Château de nos transcendances. La privatisation de l’armée peut par exemple affecter la notion d’héritage. Ca peut donc aussi affecter la notion de propriété, de jus soli, de Droit, d’identité nationale, d’amour paternel et filial, d’un nombre inimaginable de valeurs.
Un chef qui prétendrait aider son peuple à recouvrer du sens aux choses ne devrait pas privatiser le verger des transcendances.
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