On ne peut pas aborder le thème de la prostitution sans le traiter conjointement avec celui de l’amour, des relations sexuelles, de la biologie et de la psychologie.
Je pense qu’il faut aussi partir d’un postulat : tout est permis lorsque des adultes ont donné leur consentement libre et éclairé, et la morale n’a pas son mot à dire en la matière parce qu’elle vient violer le consentement libre et éclairé donné entre deux adultes consentants. La morale est un code culturel soumis aux variations dans le temps et l’espace, ce n’est nullement une vérité universelle et intemporelle. Pire encore, la morale est souvent un instrument de domination des groupes au pouvoir sur les individus, les premiers imposant des normes aux seconds. D’un point de vue philosophique, la morale est d’ailleurs une philosophie de l’action. Ainsi le médecin dispose-t-il de connaissances médicales qui permettent aussi bien de guérir que de tuer.
Là où se pose le problème fondamental est la détermination du consentement libre et éclairé. Je mets de côté les cas où l’absence de consentement est patent : prostitution forcée par autrui. Il apparaît évident de prime abord que la jeune femme (et de plus en plus le jeune homme semble-t-il) qui gagne 1000 euros par mois par son emploi principal alors qu’il lui en faudrait 500 de plus pour répondre à ses besoins (que ceux-ci soient futiles comme se payer les derniers vêtements à la mode ou indispensables comme nourrir ses enfants n’appartiennent qu’à elle) pourrait se tourner plus volontiers vers la prostitution que celle qui dispose de 1500 euros par mois de par son emploi principal. Le consentement de la première jeune femme qui choisirait la prostitution ne serait donc pas libre et éclairé. Malheureusement, les choses ne sont pas si simples.
Nous sommes tous conditionnés par le milieu où nous vivons, de l’échelle microsociale à l’échelle macrosociale. Ainsi le péché de chair est-il fortement ancré dans l’inconscient collectif et le sexe apparaît-il toujours comme un acte sublimé dont l’objectif est la procréation d’une part, ou le stade ultime de l’amour qui unit deux êtres, l’expression accomplie de la fusion de ces deux moitiés dont parle la mythologie grecque (Les Dieux ont puni la prétention des géants hermaphrodites à contester leur autorité et les ont divisés en deux moitiés – homme et femme – qui depuis se cherchent). Ce faisant, tout acte sexuel qui ne serait pas gratuit se trouverait suspect en raison de ce conditionnement. Acte gratuit lorsqu’on procrée ; acte gratuit lorsqu’on sublime une relation amoureuse par une relation intime. Un(e) prostitué(e) qui offrirait gratuitement sa prestation serait-il (elle) considéré(e) différemment et cela choquerait-il moins ? Rien n’est sûr puisque cette femme serait considérée comme « une salope » et cet homme comme « un don juan ». A cet acte gratuit s’ajoute donc aussi le fait que la femme doit avoir un « interlocuteur sexuel » unique !
Nous touchons là au résultat du conditionnement. On offre traditionnellement au mâle davantage de liberté qu’à la femelle. Ainsi le mâle adolescent peut-il sortir à un âge plus jeune que la femelle, et se livrer à davantage d’écart de conduite, adopter des comportements à risque, être vulgaire, etc. Tout sera plus pardonné au mâle qu’à la femelle. On s’émerveillera peut-être même de ces manifestations observables de « virilité », quand on les condamnera chez la femme. Il est bien connu qu’il est parfaitement « naturel » que les garçons jouent à la guerre et les filles à la poupée et que ce n’est pas l’environnement qui conditionne les jeux. Margaret Thatcher qui aimait tant la guerre n’était d’ailleurs pas une vraie femme. Admettons aussi dans ce cas que les parents ne choisissent pas le doudou de leur bébé et que superman ne porte pas de pyjama.
Je mesure qu’il est parfaitement difficile d’admettre que nous sommes conditionnés par notre environnement, que nos croyances et jusqu’à nos pensées les plus intimes sont le résultat d’un conditionnement à la fois social et biologique. Les femmes auxquelles la notion de pureté immaculée est accolée en sont ainsi réduites à réfréner leur plaisir parce que la société les conditionne à cela.
Il y a un conditionnement social, mais aussi un conditionnement biologique parce que, hommes et femmes, nous sommes pratiquement tous conditionnés à nous accoupler pour transmettre nos gènes. Nous ne nous choisissons pas, ce sont nos systèmes immunitaires qui se choisissent, ainsi que nos mémoires, et ce, malgré le fait que nous pouvons nous accoupler sans qu’un enfant naisse de cet accouplement. Seulement, la maîtrise de la procréation est encore trop récente pour que cette évolution ait été complètement intégrée.
Cette pulsion à s’accoupler est si forte qu’elle explique le taux de suicide anormalement élevé chez les jeunes gens. Une étude américaine a en effet révélé que la cause principale du suicide chez les jeunes était l’impossibilité de transmettre ses gènes par l’accouplement.
Nous avons, particulièrement dans nos sociétés occidentales, une vision de l’amour passablement tronquée par les contes (princesse et prince) et romans courtois. Or, le chevalier servant est un mythe ; celui-ci au contraire était à l’origine un violeur et un pilleur qui prenait ce qui lui plaisait. L’amour entre homme et femme comme l’amour filial sont des constructions culturelles assez récentes au regard de l’histoire de l’humanité, concomitantes à l’allongement de l’espérance de vie, à l’organisation de l’économie et à la diminution de la mortalité infantile. Ce ne sont donc pas des phénomènes naturels. Je sais, ça n’est pas romantique, mais ce sont des vérités scientifiques. Il était par exemple trop risqué de s’attacher à ses enfants quand on savait que la plupart d’entre eux allaient mourir dans l’année de leur naissance. Le romantisme ne peut s’installer que lorsque les conditions matérielles sont réunies pour le faire. Il existe donc un lien entre romantisme (amour non tarifé) et argent, quoi qu’on veuille bien en penser. Le romantisme est bel et bien l’apanage des sociétés nanties où les conditions d’existence sont assurées.
L’humanité est si merveilleuse qu’elle offre une diversité telle qu’elle relativise fortement des comportements jugés comme naturels pour les renvoyer au rang de culturel, donc au caractère ni universel, ni intemporel. Et justement, il existe toujours en Afrique noire des communautés (pour ne pas employer le terme négativement connoté de tribu) où la femme choisit l’homme avec lequel elle va s’accoupler sans que celui-ci n’ait à redire. Est-ce du viol institutionnalisé, la femme est-elle toujours aussi pure et incapable de pratiques que l’on prête aux hommes, etc. ? Je ne résiste pas au passage, puisqu’on est ici pour combattre les clichés, de mentionner une étude de Wellings et Co, et publiée dans le très sérieux Lancet en 2006 qui affirmait que les Européens avaient plus de rapports sexuels que les Africains. L’hypersexualité des Africains est encore un mythe qui tombe, ce, malgré une liberté des mœurs apparemment plus importante !
Nos amis les animaux ne peuvent pas nous offrir le bon exemple puisque eux aussi se prostituent pour obtenir plus de confort (épouillage …) et autres avantages.
Où se situe le consentement libre et éclairé, ça n’est pas si simple. Qui a toujours vécu dans un milieu favorisé et voyage pour la première fois dans un pays où l’extrême pauvreté se voit au quotidien sera choqué parce que les informations qu’il reçoit sont nouvelles et attirent son attention. Mais quelques mois plus tard, il ne fera plus attention à cette pauvreté. En psychologie, on appelle cela l’habituation : diminution progressive de la réponse aux stimuli environnementaux. De la même manière, la personne qui gagne 1000 euros par mois et a besoin de 500 de plus se prostituera peut-être initialement par obligation (parce qu’il s’agit d’un moyen plus rapide de gagner cette somme, parce qu’elle n’a pas d’autre idée, pour toute autre raison qui la regarde seule) mais petit à petit, elle pourrait s’y habituer et son consentement libre et éclairé serait alors formulé parce qu’il n’y aurait plus de conflit entre son conditionnement et son statut. J’emploie le conditionnel parce que la manière d’interpréter les informations dépend intimement de la structure psychologique et neurale de l’individu. Il n’y a pas norme en la matière.
Pour terminer, on aura bien compris que mon propos n’était pas de prendre parti mais de replacer les choses dans leur contexte. Nos sociétés sont fondées sur bien des mythes et tout n’est pas toujours aussi simple qu’il n’y paraît.
18/04 06:48 - COVADONGA722
Oh ! COVABONGABONGA tssss ma chere que d’acrimonie , serait ce parce que mon avatar (...)
18/04 06:08 - miel de fiel
Oh ! COVABONGABONGA ............ Je croyais que les mecs mitonnent des rêves secrets de « (...)
17/04 22:07 - COVADONGA722
yep manquait plus qu ’une nouvelle secte communautariste dans le décor marwaff la fin de (...)
17/04 21:49 - miel de fiel
:-/ Mmmm...ouais, je dirais, plus cyniquement, enrichir son stock, gratos, de réactions mâles (...)
17/04 13:24 - LOBLEY
Hommelibre : Ne prenez pas ma première phrase à la lettre, je suis quelquefois d’esprit « (...)
17/04 01:48 - hommelibre
Lobley : Ce thème est un point d’émergence de plusieurs questions de société qui (...)
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