• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile


Commentaire de L’Ankou

sur Le syndrome de l'enfant roi


Voir l'intégralité des commentaires de cet article

L’Ankou 26 avril 2011 12:59

Merci pour tant de matière à débats...

Vous placez les relations éducatives sous le signe des rapports d’autorité. Soit ! Napoléon et d’autres l’ont compris aussi : c’est en passant par une institutionnalisation de la famille comme relai d’autorité qu’on prépare la Nation à se soumettre à l’autorité de l’Etat (et de son chef, en l’occurrence). Ce n’est pas un hasard non plus, si la devise de Vichy s’articulait autour de la famille, du Travail et de la Patrie.

Dans « patrie’ », d’ailleurs, on retrouve, étymologiquement, cette incarnation du père, du patriarcat. Un père potentiellement hermaphrodite, d’ailleurs, si l’on l’aborde dans l’expression « mère patrie » (à la fois nourricière et autoritaire).

La même relation s’établit dans la racine du mot « autorité », qui recouvre la relation d’un « auteur » sur son œuvre ou sur sa création... Le père n’est-il pas l’auteur de nos jours ? Il y a fusion entre « autorité » et paternité... Et le lien se prolonge jusqu’à ce que recouvrent « les autorités » au sens policier du terme : des personnes auxquelles il faut se soumettre.

Mais cela ne dit rien de la façon dont on exerce cette autorité. On peut exercer sont autorité. On peut aussi « faire autorité », à la manière de ceux qui sont reconnus pour leur savoir et la façon dont ils le partagent. Vous l’envisagez vous-même sous différents aspects, quand vous mentionner que l’enfant peut « reconnaître » une autorité à travers le sentiment qu’il nourrit envers elle, et qui peut être de la crainte ou de l’admiration, qui sont deux aspects possible du « respect » (mais souvent exclusifs l’un de l’autre, selon moi)..

Tant que nous y sommes, rappelons aussi que « éduquer » signifie étymologiquement, « conduire au dehors ». Le projet éducatif parental doit effectivement conduire l’enfant à devenir autonome et à sortir de son cocon familial pour vivre sa vie en société, se préserver seul des dangers et ne pas en représenter un pour autrui. C’est là que l’éducation se charge de toutes les valeurs d’autonomie et de responsabilité, de sociabilité, d’adaptation au milieu et aux situations... de « normalité » au sens du respect des règles de vie en société.

Sortons des considérations terminologiques, pour entrer dans le coeur du sujet : l’enfant est un adulte en formation, un citoyen qui se constitue, un futur membre de la communauté, de qui l’on attend qu’il acquiert les règles communes du « vivre ensemble ».

L’obéissance et la transgression sont les faces d’une même pièce. L’enfant explore l’univers des possibles et prend des risques. L’adulte n’est pas nécessairement là pour empêcher l’exploration, mais pour limiter les conséquences néfastes pour l’enfant, et notamment les accidents domestiques. L’adresse, la coordination psychomotrice, la connaissance des dangers, tout cela s’acquiert par l’expérience. Les limites, les convenances, la décence, la politesse, la sociabilité, les codes sociaux, s’acquièrent également par l’expérimentation et le mimétisme. Il ne s’agit pas de règles naturelles, comme le fait que toucher un objet brûlant fait mal au doigt... Il s’agit de règles conventionnelles, qui nécessitent une observation, un mimétisme, et des transgressions qui donnent lieu à des corrections (pas nécessairement au sens de correction physiques, de celles qu’on administre avec plus ou moins de violence : reprendre une incorrection, expliquer et ajuster un comportement ont leur efficacité aussi).

La fessée n’est qu’une modalité possible de la fameuse « autorité paternelle ». Comme toute violence, elle exprime souvent l’impuissance à expliquer avec des mots, à convaincre. 3la violence est le dernier refuge de l’incompétence« ... c’est une généralité (Merci Azimov) qui dépasse le contexte éducatif, mais qui s’y applique aussi. Ça ne proscrit pas nécessairement la fessée, mais ça peut la reléguer à un usage extrême, pour quand rien d’autre ne peut plus faire l’effet escompter. Mais c’est aussi un grave aveu d’échec de l’éducateur, une marque de ses limites, une reconnaissance de son impuissance. Je ne pense pas qu’il faille l’interdire, mais c’est un dernier recours. C’est un acte excessif. Il peut avoir son utilité dans un contexte excessif, et notamment dans certains cas de caprice caractérisé.

Je ne sais pas ce que vous avez compris de l’éducation... Vous critiquez les spécialistes qui proscrivent la fessée et notamment lorsqu’ils déclarent que »l’enfant (y compris le bébé) a une personnalité propre et doit comprendre les choses par la simple discussion« .C’est caricatural : il est évident que le bébé n’est pas sensible à la discussion argumentée, à l’exercice de la raison et du langage... Il est tout aussi évident que lorsqu’un bébé pleure, le rôle de l’adulte est de chercher à en comprendre la cause, et à satisfaire le besoin que le bébé ne peut ni satisfaire lui-même, ni exprimer par des mots. Si la réponse est juste une fessée, administrée à un bébé, c’est une maltraitance caractérisée, qui n’intéresse pas seulement le »spécialiste« mais aussi le juge et les services sociaux !

Je suis le premier, lorsque je vois des gamins piailler en public, à intervenir auprès des parents, voire directement auprès des enfants. Ca m’a conduit parfois à des discussions assez animées avec des parents sûrs, à tort, de leur qualités éducatives. Mais j’estime à la fois de mon droit et de mon devoir de faire savoir aux parents et aux enfants qu’une règle sociale commune a été franchie. Les parents gueulent, mais les premiers à se taire sont les enfants, tout à fait conscients que c’est eux qui ont déclenché l’esclandre. Je vous assure qu’ils retiennent la leçon. Ce qu’il me semble que ça prouve, c’est que le désaveu social et la désapprobation publique sont des humiliations auxquelles les enfants sont bien plus sensibles qu’aux fessées. Cela prouve aussi que cantonner le rôle éducatif et ne pas intervenir est aussi lâche que de ne pas porter assistance à personne en danger. Et je n’ai jamais eu à en venir aux mains, ni avec ces enfants bruyants, ni avec leurs parents...

Il me semble en outre que si nous avons une génération (deux et demi, à mon avis), »d’enfants rois« , une part importante de la responsabilité en incombe aux modèles fournis à ces chérubins. L’éducation n’a peut-être pas fondamentalement changé, mais en revanche, beaucoup de choses ont changé dans le mode de vie et les influences reçues.

Parmi ces influences, je dénoncerai la publicité, d’autant plus omniprésente qu’elle s’affiche sur les meurs, sur les écrans de télé, dans les radios, sur Internet, sur les smartphones, etc. Un enfant renverse sciemment sa crème, pour faire intervenir un éléphant. Un autre accuse son poisson d’avoir mangé sa mousse au chocolat. Une autre menace sa mère des mêmes punitions qu’elle lui inflige, à cause d’un porte-monnaie oublié... Comment voulez-vous que la publicité ait un message »éducatif« , alors que son rôle est de confiner le consommateur dans ses pulsions, de flatter l’égoïsme, de le forcer à céder à ses tentations, à se montrer envieux, jaloux, rusé, gourmand, paresseux (et dépensier).

Mesurez, s’il vous plait, le temps d’exposition de nos chérubins à la publicité, et dites-moi s’il est réaliste de préférer le »spécialiste" et sa proscription de la fessée, comme bouc émissaire des maux de ce temps...
Aucune police de proximité, aucun enseignant ne pourra remplacer le travail des parents.Je suis d’accord avec vous sur un point : c’est probablement aux parents d’adapter leur mode d’éducation à ces influences nouvelles pour en contrebalancer les effets... Mais c’est un effort qu’il faut promouvoir sur le mode d’une adaptation au présent et au futur, bien plus que sur celui d’un retour au passé et aux bonnes vieilles traditions de la fessée et à la gifle.

Bien à vous,
L’Ankou


Voir ce commentaire dans son contexte





Palmarès