Difficile, en effet, cher Pierre Régnier, d’échanger des commentaires dans le climat actuel, où n’est tolérée qu’une forme bien encadrée d’expression, cette « pensée unique » qui imprègne l’esprit des gens au point qu’ils ne savent défendre leurs préjugés qu’à coups de poncifs ou de propos injurieux.
Sisyphe, par exemple – que je remercie de me reconnaître quelques « vraies réflexions » – s’arrête au credo ambiant sans faire l’effort de creuser davantage. Il qualifie mes remarques de « galimatias », ce qui évite de les réfuter.
Milosevic, par exemple, n’a jamais été un dictateur ; il a été trois fois élu démocratiquement aux postes qu’il a occupés ; il n’a jamais limité l’action des partis politiques ou l’autorité du parlement ; une vingtaine de nationalités ou ethnies différentes cohabitaient en ex-Yougoslavie et cohabitent toujours en Serbie ; il a accepté tous les plans de paix occidentaux proposés pour mettre fin à la guerre en Bosnie ; la dernière fois que j’ai été à Belgrade sous son gouvernement, j’ai dénombré dans un kiosque 23 journaux d’opposition et 3 organes gouvernementaux.
Les initiatives de Kadhafi sont remarquables : l’eau, l’électricité, les soins médicaux étaient gratuits en Libye, l’essence ne coûtait pratiquement rien, l’Etat accordait des aides financières aux jeunes mariés, aux acheteurs de logements, aux créateurs d’entreprises. Il a fait construire un extraordinaire réseau 4.000 km (!) de pipe-lines souterrains qui alimentait en eau tout le nord du pays, etc. Sa « jamarihiya » était une tentative de démocratie directe comparable par certains côtés à l’auto-gestion dans l’ex-Yougoslavie, et aussi intéressante à étudier que la démocratie parlementaire occidentale.
Gbagbo n’était sans doute pas un « gentil garçon », mais il était loin d’être le pire des chefs d’Etats africains soutenus par les Français ou les Occidentaux, et il avait (comme Kadhafi) le souci de l’indépendance de son pays et de la résistance à l’exploitation de ses richesses par le colonialisme étranger.
Ce sont des faits, faciles à vérifier. Et jeter, comme le fait Mondion, une brassée de noms dans la poubelle des « dictateurs » n’est qu’une simplification abusive qui trahit la réalité.