A propos du « terrorisme intellectuel »
Je voudrais contribuer sans passion, préjugés ou étiquette politique à un débat intéressant – dont on peut remercier Agoravox – sur le “terrorisme intellectuel“, en énonçant quelques idées liées à des faits.
Il n’y a pas à proprement parler de “terrorisme“ intellectuel en France, au sens offensif du terme. Officiellement, on n’interdit pas policièrement, on n’incrimine pas juridiquement la liberté d’expression, comme dans un régime totalitaire. Certes, il y a des interprétations dangereuses de la loi – comme les poursuites en matière d’offenses à la religion ou les procès en diffamation, qui se multiplient – mais il n’y a pas de prohibition légale d’opinions non conformes à l’idéologie régnante, celle qu’il est convenu d’appeler la “pensée unique“.
En fait, il y a un barrage plus efficace parce que plus subtil : celui d’une censure“molle“. Elle se manifeste par le silence. L’analyse de la réalité qui ne correspond pas à la version généralement admise – qui est le plus souvent propagée par une propagande inspirée par des raisons d’Etat – devient un sujet tabou : elle n’a pas accès aux médias, on n’en parle pas. Les rares observateurs lucides, qui ne sont pas dupes des clichés à la mode, ne sont pas invités aux débats télévisés ou radiodiffusés, leurs livres sont ìgnorés, leurs articles ne sont pas publiés. Les avis dissidents ne sont pas défendus, ils sont confinés aux médias marginaux, c’est-à-dire privés de grand public. Ils sont simplement étouffés.
Et l’étouffement est rendu facile par la disproportion des moyens : un petit mensuel et le livre d’un petit éditeur, qui n’ont pas accès aux antennes et à la grande presse, ne peuvent pas rivaliser en auditoire avec elles et démentir les affirmations qu’elles diffusent à une échelle sans comparaison.
Permettez-moi de citer quelques exemples qui illustrent la façon dont l’information de masse a dénaturé la vérité factuelle.
Le bombardement de l’ex-Yougoslavie prétendument dirigée par un dictateur fauteur de guerre, assoiffé de Grande Serbie et auteur de nettoyages ethniques, alors que Milosevic n’a cessé d’accepter toutes les propositions de paix, de dénoncer chez lui les partisans de la Grande Serbie comme son opposant Seselj et de vanter les avantages de sa société multiethnique.
L’agression de l’Irak sous le prétexte d’y neutraliser des armes de destruction massive que Saddam Hussein n’a jamais possédées, et qui a conduit à la destruction pour des motifs exclusivement pétroliers d’un grand Etat laïque, efficace bastion de résistance à l’intégrisme islamique.
L’utilisation dans les guerres impériales de bombes à fragmentation ou de munitions à l’uranium appauvri qui ont fait de milliers de victimes civiles et pollué des régions entières pour des décennies.
La reconnaissance du plus puissant centre de crime organisé d’Europe par la création d’un Etat mafieux au Kosovo, dont les dirigeants actuels ont été directement ou indirectement impliqués dans l’atroce trafic d’organes humains.
La participation de la France à une guerre totalement inutile en Afghanistan qui n’a pour effet que le renforcement de l’adversaire taliban qu’il s’agit soi-disant de combattre.
Les mythes d’une Tchétchénie glorieusement résistante à l’oppression russe ou d’un Tibet victime de l’invasion chinoise, alors qu’il s’agissait dans le premier cas d’une région sécessionniste sauvagement opposée à la modernité et dans le second d’une féodalité religieuse rétrograde corsetant son peuple.
La farce du renversement ivoirien d’un Gbagbo soucieux de son indépendance nationale, écrasé par les forces françaises, et son remplacement préparé d’avance par Ouattara, un pion occidental aux ordres des grandes multinationales colonialistes.
Le déclenchement d’une guerre – une fois de plus pétrolière – contre un remarquable rénovateur de la Libye, sous le prétexte de soutenir une rébellion fomentée de l’étranger, dont les chefs, présentés comme avides de démocratie, sont des militants religieux ou monarchistes, et pour certains, des affidés d’Al Qaeda.
La dénonciation de chefs d’Etat réformateurs comme Poutine en Russie, ou Castro, Chavez et Morales en Amérique latine, et leur qualification de tyrans, parce qu’ils défendent la souveraineté de leur pays face à l’impérialisme américain, et veulent faire profiter leurs peuples de leurs richesses nationales et mettre en œuvre des progrès sociaux.
Voilà quelques manipulations médiatiques. Il y en a beaucoup d’autres.
Et quand je parle de la censure par le silence, je suis payé pour la connaître. Depuis plus de quinze ans, notre journal B. I. ne cesse de révéler des faits qui contredisent les versions officielles. Un de ses fondateurs, le général Pierre-Marie Gallois, décédé récemment, une grande personnalité française auteur de livres de référence sur la géostratégie mondiale, n’a jamais eu les faveurs de la télévision ou de la radio alors qu’il avait tant à dire de plus intéressant que les stupidités d’un Bernard-Henri Lévy.
Notre journal, comme mes livres – qui traitent avec un sérieux abondamment documenté de tous ces problèmes – sont limités à un petit nombre d’abonnés ou à une frange de lecteurs, alors qu’ils devraient être lus par un grand nombre de gens qui pensent comme nous, mais qui ne savent même pas que nous existons.
C’est ça, le “terrorisme intellectuel“ : la censure par le silence et l’étouffement.
Louis Dalmas.
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