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Commentaire de Mariesg

sur L'apprentissage précoce des langues vivantes


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Mariesg (---.---.107.234) 10 janvier 2007 01:48

Merci pour cet article et pour tous ses commentaires que je trouve très riches et intéressants (à quelques exceptions près). Je suis moi-même professeur des écoles (vous savez, les nouveaux instits) et doublement concernée par l’apprentissage précoce des langues :

1. Je suis habilitée en allemand. Ou, plus clairement : j’ai reçu à l’IUFM une formation pour enseigner l’allemand à l’école primaire, et j’ai réussi aux examens d’allemand et de didactique des langues, ce qui m’autorise donc à enseigner l’allemand. Dans notre école, nous sommes plusieurs à être habilités. Tous en anglais, sauf moi. Auparavant, nous avions une collègue hispaniste, mais elle a changé d’école. Je ne sais pas si vous connaissez les programmes actuels de l’école primaire. L’enseignement d’une langue vivante étrangère est obligatoire à partir du CE2, à raison d’une heure trente par semaine (en deux fois 45 minutes). Or la langue apprise par les enfants doit être la même tout au long du primaire. De ce fait, je n’exerce pas en allemand. Cela serait tout bonnement impossible à réaliser dans notre école, sauf à supposer soit que je passe mes journées à donner des cours d’allemand à toutes les classes de CE2, CM1 et CM2, soit qu’aucun élève ne redouble et qu’une classe ne soit pas éclatée durant 3 ans - en gros, on aurait le CE2 anglophone contre le CE2 germanophone, puis le CM1 anglophone contre le CM1 germanophone etc etc... En bref, nous avons retourné le problème dans bien des sens, sans résultat... Sinon que les enfants apprennent tous l’anglais. Je n’ai d’ailleurs personnellement rien contre l’anglais. Je l’utilise quotidiennement ne serait-ce que quand j’écoute un CD ou quand je vais sur le net. Mais bon... Pour la diversité, repassez ! En plus, l’enseignement de ces langues a changé. Avant, il s’agissait essentiellement d’une première approche, beaucoup basée sur le jeu et sur l’oral. Or, de plus en plus, les enfants passent à l’écrit et doivent apprendre des règles de grammaire ou d’orthographe... En somme, on fait en primaire une pré-sixième. Cela ôte de son charme et de son sens à cette introduction précoce des langues. Enfin, je trouve... Il me semble aussi que les enfants doivent choisir en sixième la langue qu’ils ont étudiée en primaire - si ce n’est pas fait, c’est pour bientôt. Du coup, là encore, quel choix et quelle diversité ? De mon point de vue, les enfants devraient plutôt aborder diverses langues en primaire, comme certains l’ont proposé. Découvrir de nouvelles sonorités à un âge où l’oreille n’est pas encore faite et sourde à certains sons. Découvrir divers chants linguistiques, divers alphabets, diverses cultures, quelle richesse ! Bien sûr, cela serait fonction des capacités de chacun des enseignants de l’école, peut-être de l’aide de parents d’origine étrangère qui pourraient animer quelques heures d’initiation ou d’écoute... Bref, on pourrait offrir aux enfants une vraie richesse qui les ouvrirait au monde et leur donnerait suffisamment de bases, de curiosités et de confiance pour tenter ce qu’ils aiment vraiment. J’aurais aimé que nos élèves découvrent tour à tour l’anglais, l’allemand et l’espagnol en primaire, et choisissent ainsi en sixième une langue qu’ils aimeraient vraiment, qu’ils apprendraient donc plus facilement. Et une fois qu’on connaît deux langues, tout le monde le sait, on a acquis une agilité intellectuelle et linguistique qui rend la troisième langue bien plus facile à apprendre. M’enfin, difficile de refaire le monde...

2. Mon poste me met constamment au coeur de ce sujet, puisque je suis enseignante en Clin (classe d’initiation pour les enfants non francophones nouvellement arrivés en France). En somme, j’enseigne le français langue seconde à des enfants de 6 à 11 ans, pour qu’ils puissent intégrer notre cursus scolaire français le plus rapidement possible. Le tout, à plein temps : les enfants passent 27 heures par semaine dans une école française à suivre des cours en français alors qu’eux-mêmes ne parlent pas cette langue. C’est épuisant pour eux. Moi-même, j’ai failli m’endormir (pas d’ennui mais d’éreintement) après une initiation de 3/4 d’heures en chinois... Alors, est-ce qu’ils apprennent vite ? Surtout les plus petits ? Est-ce qu’ils aiment apprendre le français et progresser ? Difficile à dire. Ca dépend desquels. Pour certains, c’est criant ! Au bout de 3 mois, ils sont totalement autonomes malgré un manque de vocabulaire qui s’atténuera progressivement. Pour d’autres, trois ans ne font rien... Chaque enfant est unique, avec son parcours migratoire à lui, ses projets, ses rêves et ses envies, son désir parfois d’oublier un passé trop dur, mais parfois aussi un rejet de ce pays où il arrive contraint et forcé. Alors comment savoir comment un enfant réagira ?... Alors, si ça n’est pas flagrant pour des enfants qui ont besoin d’apprendre cette deuxième langue pour vivre (ou survivre), qu’est-ce que cela sera pour des enfants qui pratiqueront une deuxième langue artificiellement comme une matière scolaire supplémentaire ? Je ne sais pas, et je suis même plutôt pour l’apprentissage précoce des langues. Mais je me pose quelques questions, c’est tout...


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