J’ai pris connaissance de la toute récente Proposition de loi du 28 février 2006 (n° 2895) du député UMP Jean-Marc Roubaud (Gard) visant à modifier l’article 29 de la loi sur la presse.
« Dans le contexte international que nous connaissons actuellement, l’Église catholique demeure convaincue que, pour favoriser la paix et la compréhension entre les peuples et entre les hommes, il est nécessaire et urgent que les religions et leurs symboles soient respectés, et que les croyants ne soient pas l’objet de provocations blessant leur démarche et leurs sentiments religieux », déclarait le pape Benoît XVI en recevant, le 20 février 2006, Ali Achour, nouvel ambassadeur marocain auprès du Saint-Siège.
Jean-Marc Roubaud a entendu le message. Dans son exposé des motifs, il écrit : « La liberté d’expression ne saurait donner le droit de bafouer, de désinformer ou de calomnier les sentiments religieux d’aucune communauté ou d’aucun État quel qu’il soit. Aussi, la République française se doit, par une proposition de loi, de sanctionner tout discours, cri, menace, écrit, imprimé, dessin ou affiche portant atteinte volontairement aux fondements des religions. »
Il propose d’inscrire dans la loi sur la presse que : « Tout discours, cri, menace, écrit, imprimé, dessin ou affiche outrageant, portant atteinte volontairement aux fondements des religions, est une injure. »
Or interdire de porter atteinte aux fondements des religions, c’est interdire l’expression de l’athéisme.
On peut lui opposer un autre point de vue, formulé notamment par Charlie-Hebdo dans l’appel des douze : « Nous refusons de renoncer à l’esprit critique par peur d’encourager l’ « islamophobie », concept malheureux qui confond critique de l’islam en tant que religion et stigmatisation des croyants. Nous plaidons pour l’universalisation de la liberté d’expression, afin que l’esprit critique puisse s’exercer sur tous les continents, envers tous les abus et tous les dogmes. Nous lançons un appel aux démocrates et aux esprits libres de tous les pays pour que notre siècle soit celui de la lumière et non de l’obscurantisme. »
Ou par Pascal Bruckner soulignant, le 6 mars dernier dans Libération, la nécessité de maintenir « climat d’examen, de pluralisme, d’ironie, de sarcasme, d’anticléricalisme qui caractérise notre nation ».
Ainsi ce bien joli sketch de Coluche sur le Christ, parodiant l’évangile selon Matthieu (XXVI, 26-28) :
« - Prenez et mangez, c’est mon corps. - Prenez et buvez, c’est mon sang. - Regardez mais touchez pas, c’est mon cul. »
Ou cette diversion de Diderot sur saint Jean et le Christ : « Si la Madeleine avait eu quelque aventure galante avec le Christ ; si, aux noces de Cana, le Christ entre deux vins, un peu non-conformiste, eût parcouru la gorge d’une des filles de noce et les fesses de saint Jean, incertain s’il resterait fidèle ou non à l’apôtre au menton ombragé d’un duvet léger : vous verriez ce qu’il en serait de nos peintres, de nos poètes et de nos statuaires. » (Essai sur la peinture, 1765, chap. IV).
Si cette disposition était adoptée, ce sketch ainsi que, et surtout, la réédition d’oeuvres de Diderot, de Sade, de Nietzsche, de Prévert et de quelques autres deviendraient illégaux ; c’est un pan entier de la culture française qui se verrait censuré par ce « politiquement correct » (UM)populaire. Ce serait en fait le rétablissement du délit de blasphème supprimé par l’Assemblée nationale en juillet 1791.
Dans une société moderne, ouverte à la connaissance objective, les sentiments religieux sont confrontés à l’incroyance, et réciproquement. La disposition que le député Roubaud voudrait faire adopter laisse entendre qu’il conviendrait de protéger les croyants, jugés « faibles d’esprit » des productions intellectuelle des esprits forts, et que la foi ne pourrait supporter la contradiction et les manifestations d’incroyance. Une telle loi me semble encontradiction avec notre bloc de Constitutionnalité (art. 10 et 11 de la Déclaration de 1789) ainsi qu’avec les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République (PFRLR). En particulier avec la loi de 1905 : art 1, La République assure la liberté de conscience ; art. 2, La République ne reconnaît [...] aucun culte (PFRLR) ; aussi avec la loi du 26 janvier 1884 (PFRLR) :
« Le service public de l’enseignement supérieur est laïc et indépendant de toute emprise politique, économique, religieuse ou idéologique ; il tend à l’objectivité du savoir ; il respecte la diversité des opinions. Il doit garantir à l’enseignement et à la recherche leurs possibilités de libre développement scientifique, créateur et critique. » (art. 3, al. 1)
A-t-on vraiment besoin en France de ce nouveau tour de vis, et d’un renforcement de la police de la parole ? J’ai contacté des parlementaires, et enregistré un premier soutien d’Henri Emmanuelli (député PS, Landes).
13/03 21:13 - Marsupilami
Damned ! Il existerait donc un élu socialiste qui s’intéresserait aux problèmes (...)
13/03 20:20 - Courouve
J’ai pris connaissance de la toute récente Proposition de loi du 28 février 2006 (n° (...)
16/02 17:11 - x2d2
09/02 13:42 -
Il ya des gens qui vivent tres bien sans l’islam et sans religion du tout dans leur vie. (...)
08/02 10:23 - gaiaol
Une dernière chose, vouloir proscrire le moyen orient quand il s’agit des musulmans et de (...)
08/02 10:11 - gaiaol
Ou est l’autodafé jules ? Je répondais à Marc « The Crusader » et a brch90 du 6 février (...)
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