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Commentaire de easy

sur Qui finance les campagnes sur le don d'organes ? Les labos et le contribuable


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easy easy 25 juin 2011 11:27

Je ne vais verser que très petite pièce au débat.

Très petite parce que ce sujet me déchire.

J’ai passé une partie de ma vie à gagner de l’argent en équipant des centrales nucléaires en mobiliers de bureau, une autre partie en équipant labos et hôpitaux en mobiliers de laboratoire, paillasses, sorbonnes. Alors les déboires ou nuisances résultant de ces machins me déchirent.

Mais en plus, l’hôpital Saint-Louis, son équipe conduite par l’admirable Eliane Gluckman, a très parfaitement sauvé mon fils d’une leucémie déclarée à ses 13 ans. (Echec d’une première chimio puis réussite d’une greffe de sang de cordon)

Merci à vous, Madame, très, très chère dame, qui, quelque part, en Suisse semble-t-il, avez consenti à offrir ce qui restait de sang dans le placenta de votre bébé.

La greffe de sang de cordon est probablement la seule qui ne nécessite pas que le patient prenne toute sa vie des médocs anti rejet. Mon fils ne prend donc plus aucun médoc et en sort comme un sou neuf.





Qu’il y ait eu, dans cette usine à gaz, à de nombreux niveaux, et de la part de toutes les industries qui vivent de la santé ou du combat pour la santé ou du combat pour l’immortalité, des manoeuvres mercantiles, comment le nier ?

Comment nier que toutes nos usines à gaz, même celles qui produisent de la mort, même celles qui sauvent des vies, même celles qui enterrent les morts, même celles qui nous livrent des fleurs, même celles qui nous livrent des enveloppes parfumées à la rose, sont à la recherche de profits, du plus de profits possibles ?

Comment nier que dans toutes nos usines à gaz, tous les employés sont intéressés par leur salaire, donc par le maintien de leur activité donc, parfois, par le fait qu’il y ait des malades ?

Comment nier que dans les couloirs de toutes nos usines à gaz, se croisent des gens qui, nonobstant leur salaire, se dévouent vraiment à quelque lutte humaniste et généreuse et d’autres gens à l’instant plus préoccupés de leur seule marge bénéficiaire ?

Comment nier que le sauvetage de mon fils a coûté cher à notre société et que ça aurait pu être en pure perte ? Merci à tous.

Comment nier que le coût de chaque sauvetage étant important, les médecins se font tirer les bretelles par les intendants et sont donc contraints à privilégier en secret tel enfant au bon profil médical et en abandonner tel autre au profil médical moins favorable ?

Comment nier que les professeurs qui ont expérimenté sur mon fils (car dans ces bidouillages de pointe, on ne fait que des expériences au cas par cas) en sortent à la fois épuisés et glorifiés par la publication de leurs réussites ?

Comment nier les innombrables déchirements que tous les acteurs de l’hôpital ressentent devant tous les drames sanitaires parce qu’il faut forcément faire des choix, même en secret ?


Impossible à nier
Impossible à mettre en équation
Impossible de juger




Ce n’est donc qu’au cas par cas, lorsqu’ici ou là émergent quelque trop gros abus, dysfonctionnement ou accident massif qu’on peut se déterminer, juger et éventuellement condamner.

Mais juger globalement de l’hôpital, le critiquer quand il sauve clairement des centaines de vie par jour, me semble relever du rigorisme.




Puisqu’on est sur le sujet de la santé, je décale un peu en évoquant quelque chose de spécial.

Un accident de la route survient, le SAMU se précipite, récupère le blessé et fonce vers l’hôpital. Pendant le trajet, les deux ou trois soignants qui s’occupent du blessé sont généralement dans une première disposition d’esprit en « Il a l’air récupérable, battons-nous pour qu’il survive »
Ils s’activent, transpirent, stressent et soudain, ça vire au rouge, ça leur semble vain. Et là, ils doivent inverser leur position. Et se dire que celui qu’ils s’efforçaient de sauver, pourrait inversement servir de donneur pour en sauver un autre quelque part. Ce qui n’empêchera pas de continuer de stresser, de faire au plus vite possible, de la manière la plus soignée possible mais avec un objectif contraire à l’objectif initial. 

Il me semble que dans le monde entier, il n’y a que très peu de gens qui se retrouvent dans l’obligation de performer en démontrant leur capacité à inverser une position, à changer d’objectif sur une question aussi troublante que celle de la mort, aussi rapidement et avec, comment dire, le jugement le plus correct ou incontestable possible. 

Voilà que dans un véhicule fonçant toutes sirènes hurlantes (et risquant à chaque instant un grave accident) deux ou trois soignants doivent prendre des décisions gravissimes de conséquences sur le sujet lourdinguissime de la mort. 
Ils ont les yeux rivés sur le blessé, sur les ECG et EEG, soudain ils se regardent et sans un mot, ils se sont compris « On inverse notre position, il passe donneur »
Le patient verrait ça, il serait effrayé. 

....
Heureusement, les appareils, les robots, les logiciels livrent froidement leur diagnostic. Heureusement ils aident à la décision. Heureusement, l’ensemble de l’opération conserve une dimension de sauvetage, mais quelle charge tout de même.

J’admire infiniment ces décisionnaires méconnus et anonymes de l’impossible choix.
Impossible choix pour les proches de l’accidenté, mais choix rendu possible par l’anonymation et la distanciation affective des opérateurs.

Une pensée alors pour tous ceux qui espèrent l’organe qui leur sauvera la vie, qui espèrent donc la mort cérébrale d’un donneur.




Notre monde occidental est analyste, fouilliste. Mais en fouillant toujours plus profondément par rigorisme de la fouille, il découvre constamment que loin de trouver de belles équations, il se retrouve face à de très troublants paradoxes.

La mort reste notre problème fondamental et ce problème ne peut pas être résolu de la même manière par les individus bourrés d’affects que par le corps social qui semble aussi avoir des affects, qui semble ressembler à l’individu mais qui, doté d’immortalité, sait très bien ne pas faire de sentiments envers un individu particulier.

Par temps de guerre, comme par temps de paix.


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